Conteira, fleur endémique des Açores © Joppi - iStockphoto.com.jpg
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Bouvreuil des Açores © Yulia_B - shutterstock.com.jpg

Un environnement protégé

Les Açoriens aiment leur archipel, les fleurs et la tranquillité. La nature est préservée, les espaces sont très soigneusement entretenus, et l’attention portée sur les haies de fleurs qui égaient le paysage est vraiment admirable. En clair, les gens aiment parer leur île de ses plus beaux atouts, comme pour séduire le promeneur, et l’agencement des petits champs entourés de murets de basalte est un vrai plaisir pour les yeux. Cela n’a toutefois pas empêché une déforestation intensive. N'oublions pas que les îles étaient entièrement recouvertes de forêts au moment des découvertes ! Contempler la végétation primitive de l’archipel est aujourd’hui un luxe. De fait, un problème nouveau s’est posé : l’importation de multiples essences végétales a profondément modifié le paysage, alors qu’on voulait au départ l’agrémenter. Les cryptomerias du Japon, introduits il y a une centaine d’années environ, composent ainsi un paysage pittoresque, mais leur prolifération nuit au développement d’une végétation native. Plus problématique encore est le cas du pittosporum, tant et si bien répandu qu’il en arrive aujourd’hui à empêcher la croissance des hêtres, espèce endémique de l'Archipel (Faia veut dire hêtre en portugais), très exigeants en lumière, auxquels il s’apparente. Enfin, la conteira, dont les bouquets éclatants de fleurs jaune doré ont été importés pour embellir les chemins, s’est révélée par la suite une véritable plaie, s’introduisant partout en indésirable : les rhizomes forment une masse compacte sur le sol et empêchent les autres plantes de pousser. Il s’agit en fait d’un canna sauvage (Hedychium gardnerianum), originaire de l’est de l’Himalaya (Népal et Sikkim), cousin du gingembre, que d’aucuns considèrent comme le plus bel Hedychium. Cette plante atteint deux mètres de hauteur, et les fleurs dégagent un parfum entêtant. Son nom commun français est jambose blanc ou sainfoin d’Espagne (famille des Zingiberaceae). On peut craindre un appauvrissement de la flore açorienne si rien n’est fait pour contrecarrer ces évolutions. Heureusement, de nombreux parcs garantissent aujourd’hui la survie de certaines espèces endémiques et encouragent les visiteurs à s’impliquer davantage dans la protection de la nature. Le développement touristique mise pour l’instant sur le côté authentique et sauvage de l’archipel, attirant un type de voyageurs amoureux des grands espaces vierges et respectueux de l’environnement. Cependant, l’explosion du tourisme qui pourrait advenir dans les prochaines années risque de remettre en cause ce fragile équilibre.

Une flore aux mille et une splendeurs

Environ 850 plantes sont recensées aux Açores ; 60 sont endémiques, les autres ont été importées par l'homme. Le long des côtes, on observe une abondance d’espèces introduites dans le cadre de la réorganisation du paysage. Au-dessus de 500 m d’altitude, l’impact humain est faible, il y a peu d’habitations (à cause du vent et du brouillard persistant), et la flore prolifère. Les espèces endémiques les plus remarquables sont le laurier, la bruyère, le cèdre et le genévrier (Juniperus brevifolia). L’humidité très importante favorise également des sols mousseux. On dénombre plus de 400 espèces différentes sur l’archipel ! L’une des espèces introduites les plus intéressantes est le dragonnier (Dracaena draco), importé de l’archipel du Cap-Vert. La sangre de drago est une résine curative, son encre rouge est recherchée, et on l’utilisait pour fabriquer des médicaments. Les Romains l’utilisaient déjà : les gladiateurs s’en oignaient le corps avant d’aller combattre.

Cependant, le voyageur ne manquera pas de constater que les forêts ont été considérablement réduites avec l’extension des pâturages ou la coupe systématique des arbres pour le chauffage et la construction, et la prolifération d’espèces introduites comme le cryptomeria du Japon, utilisé quelquefois comme les hortensias, les roseaux ou les murets de pierre pour délimiter un champ et pour protéger le bétail des vents. Ainsi, plus tranquilles, les vaches produisent un meilleur lait. Il faut dire aussi qu’un vent chargé de sel océanique, le mata vacas, fait souffrir la végétation ou les troupeaux. Il nuit partiellement aussi au développement de la forêt naturelle qui reste plutôt confinée dans les ravins, les crevasses ou sur les sommets peu accessibles. Enfin, le pittosporum, répandu un peu partout et qui modifie le paysage açorien de façon assez radicale, a été introduit il y a longtemps pour protéger les orangeraies. Aujourd’hui, il concurrence le fayard (le hêtre), dont l’implantation commence à se réduire sérieusement.

Les hortensias, mascotte de l’archipel

Les paysages de l’archipel sont indissociables des hortensias. Introduites par les Portugais et originaires d’Asie, ces fleurs bleues, roses, lilas et violettes jaillissent le long des routes et sont utilisées pour délimiter les haies des bocages. Ils s’installent jusque dans des coins sauvages (pentes et cratères des volcans). Favorisés par le climat subtropical, les hortensias des Açores sont de taille colossale ! Ils fleurissent de fin mai à fin août, juin et juillet étant les meilleurs mois pour profiter de leur floraison qui égaie tout l'archipel, lui donnant un caractère insolite et romantique. Généreuses, ces énormes boules fleuries ne vous laisseront pas indifférents.

La terre volcanique des îles les rend riches et fertiles et les fleurs sauvages poussent en profusion. Ajoutez à cela la douceur et l’humidité du climat, les Açores sont un jardin au cœur de l’Atlantique. Camellias, belladone et azalées apportent des touches colorées aux paysages.

A cette végétation luxuriante s’ajoutent des cultures subtropicales comme la canne à sucre, le tabac, le thé et de nombreux fruits (ananas, fruits de la passion, pastèque, orange…). Introduit par les colons portugais, l'ananas est devenu le fleuron de l'agriculture açorienne et le symbole de l'archipel, en particulier de São Miguel. Son acidité, plus marquée que celle de son cousin antillais, en relève l’arôme et en fait l’un des meilleurs fruits que l’on puisse goûter. Ils sont souvent cultivés sous serre (les hivers açoriens sont limites pour leur culture). Ce qui pose d'ailleurs un problème d’érosion, car pour maintenir la fraîcheur dans les serres en été, on s’attaque à la mousse de la montagne, bien que cela soit formellement interdit. Des flancs entiers de montagne sont détruits, comme du côté de Tronqueira, pas loin de Nordeste, à São Miguel. Cette mousse, parfois épaisse de plusieurs mètres, est une véritable éponge à fraîcheur les mois d’été.

Dans les airs…

Parmi les espèces d'oiseaux particulières, il faut évoquer ledit bouvreuil des Açores (Pyrrhula murinapriôlo en portugais) qui fait l’objet d’une certaine publicité, en raison de sa rareté. Autrefois abondant, il a été chassé jusqu’à sa quasi-disparition par les fermiers, inquiets pour leurs plantations d’oranges. On peut le voir principalement dans la réserve naturelle du Pico da Vara, sur São Miguel.

Deux autres espèces méritent l'attention : le garajau et le cagarro. Le garajau (garajau commun et garajau rosado) a notamment choisi de nicher à Flores, vers Alagoa ou Quebrada Nova dos Fanais, respectivement au nord-est et au nord-ouest de l'île. Le garajau rosado est une espèce protégée ; oiseau assez rare, il est connu pour être plutôt facétieux. 70 % des garajaus européens nidifient aux Açores. L’oiseau le plus étrange et le plus symbolique des Açores est toutefois le cagarro (Calonectris diomedea borealis), un puffin cendré parent de l’albatros, de l’ordre des Procellariiformes (un ordre vieux de quelque 30 millions d’années !). On distingue trois sous-espèces : eduvarisii (originaire du Cap-Vert, plus petit), diomedea (nidifie en Méditerranée) et borealis (espèce Atlantique). Aux Açores, on le voit ou plutôt on l’entend, de mars à octobre. En effet, cet étrange oiseau ne s’approche des terres que la nuit, et sa particularité est de pousser des cris terrifiants, évoquant tantôt une voix humaine, tantôt un canard ou une oie, tantôt on ne sait trop quoi. Les avis divergent, et chacun propose une comparaison de son cru. Une chose est sûre : vous ne pourrez pas manquer cette baroque symphonie (leurs voix ne se ressemblent pas toutes) en vous attardant près des côtes (de Flores, de Faial, de Pico ou de Terceira par exemple), la nuit. Si vous entendez quelque chose de vraiment bizarre, ne cherchez pas plus loin : il s’agit bien de notre puffin cendré. Selon la tradition, son départ marque la fin de l’été. Il pêche des poissons et des calamars en mer et se guide grâce aux thons qui poursuivent la même nourriture. Un bien malheureux service rendu aux pélamides, puisque les pêcheurs utilisent à leur tour les cagarros pour localiser les bancs de thons ! Aujourd’hui, l’espèce est menacée à cause de l’exploitation abusive du littoral par les hommes. On en tue encore de temps à autre. Les autres oiseaux plus communément observables sont le pluvier (sorte d’échassier, Charadius alexandrinus), l’hirondelle de mer ou sterne (Sterna dougalii et Sterna hirundo), le roitelet huppé (Regulus regulus) ou la lavandière (bergeronnette grise, Motacilla cinerea particiae) près des bois ou des chemins tranquilles, le merle (Turdus merula azorensis), le pinson (Fringilla coelebs moreleti), dont le chant diffère sur le continent, le moineau, l’étourneau ou le canari.