ST011597.jpg
iStock-547510456.jpg

Une harmonie entre tradition et modernité

La beauté de Mayotte réside dans la cohabitation harmonieuse entre habitudes empruntées à l’occidentalisme récent et le maintien des traditions séculaires. Il n’y a donc rien d’étonnant à voir des Mahoraises s’habiller de manière occidentale et le lendemain porter avec beaucoup de fierté le salouva (tissu aux couleurs chatoyantes) et le m’dzindzano (leur masque de beauté), le tout sans aucun paradoxe. Les Mahorais dans leur grande majorité font le ramadan, font leur shopping pré-mariage à Dubaï, partent en pèlerinage pour La Mecque et fêtent de plus en plus Noël avec le père Noël et tous ses jolis cadeaux. On parle le shimaoré en famille, entre amis et dans les taxis, mais on parle automatiquement en français avec les M’zungus. On continue à aller voir le fundi (celui qui sait) pour soigner son enfant par des prières ou des herbes, puis on finit par le médecin généraliste m’zungu ayant suivi son cursus en Métropole. On trouve encore beaucoup de gens sur le bord des routes à l’image des agriculteurs avec leurs tchombos, des petits sabres de travail, sortant d’un champ de manioc. Les enfants jouent avec de vieux pneus, font la course ou s’amusent avec l’eau de pluie une fois délaissés le téléphone portable ou la télévision. Les zébus, cabris et biquettes paissent le long des routes… Pas de superficiel sur Mayotte, tout est vrai et authentique.

Une vie collective qui dépasse l’individualité

Profondément enraciné dans la mentalité africaine et malgache des habitants, l’esprit de clan ou de confrérie est le premier marqueur de la structure sociale des habitants. L’entraide, ou la musada, y est toujours très présente. Les Mahorais sont toujours attachés à leur famille, à leur clan et à leur village avant de développer toute identité au niveau d’une nation, d’une île. Jusqu’à une date récente, la famille était fondée sur le lignage et incluait non seulement les parents biologiques et leurs progénitures, mais surtout les grands-parents, les oncles, les tantes, les neveux, les cousins, les petits-enfants. Au même titre que la société rurale d’où elle est issue, la hiérarchie rigide faisait du doyen le chef de la famille. Cependant les changements intervenus ces vingt dernières années, l’explosion démographique ainsi que la forte monétarisation de l’économie et la mise en place du droit commun ont fait imploser le modèle traditionnel. Ainsi, les jeunes Mahorais qui ont eu la chance d’être scolarisés tentent de gommer les rigidités et de créer un nouveau modèle combinant les traditions locales avec le mode de vie à l’occidentale.

Une éducation en mouvement

Mayotte constitue un vice-rectorat dépendant de l’académie de la Réunion. Le premier lycée de Mayotte ne date que de 1976. Il a été construit juste après le référendum. On compte aujourd’hui onze lycées, dont trois professionnels et un lycée agricole (Coconi), ainsi que dix-huit collèges et plusieurs écoles maternelles, et on bétonne aujourd’hui à tour de bras pour rattraper le retard éducatif et pour pouvoir accueillir toute cette jeunesse. De plus en plus de jeunes Mahorais continuent l’école après le collège, ce qui n’était pas le cas il y a encore peu de temps. L’enseignement du secondaire est quant à lui dispensé par des professeurs fonctionnaires venant donc pour la grande majorité de Métropole, mais depuis quelques années on note une défection de profs titulaires, le recrutement au niveau local s’accentue. A Dembéni, le Centre universitaire de Mayotte est ouvert depuis 2011 et l’on y propose quelques formations ouvertes en partenariat avec différentes universités de Métropole et jusqu’au niveau master pour certaines d’entre elles. A noter qu’en parallèle à cette école républicaine et laïque, les jeunes Mahorais se rendent tous les matins dès l’aube à l’école coranique apprendre le Coran et les cinq piliers de l’islam.

Place de la femme

A Mayotte, la famille est dite matrilinéaire, c’est-à-dire que la transmission des biens se fait de la mère à la fille, particulièrement en ce qui concerne la maison. Dans la famille traditionnelle, la femme a la responsabilité de la gestion du budget familial et de l’éducation des enfants. Elle est responsable de la santé et du comportement de chaque membre de la famille. De la même façon, la maison construite par son père et par ses frères lui appartient. C’est pourquoi l’homme, tout en étant chef de famille, y occupe une place très réduite. Il est notamment obligé de céder la maison en cas de conflit ou de divorce. Désormais, au lieu de s’occuper seulement de la maison et des enfants, les femmes ont en général un travail afin qu’elles puissent participer au revenu familial. Les femmes mahoraises constituent une véritable force, unies et solidaires, déterminées et solides comme un roc. Elles ont joué par exemple un rôle très important dans le choix de Mayotte de rester française. C’était l’époque du « commando des chatouilleuses », en 1976. Depuis, elles investissent tous les domaines de la vie économique et publique. Même lors des grèves ou manifestations, il est fréquent de voir les femmes au premier rang et même si, dans la politique, on les voit peu, tout le monde sait qu’elles ne sont pas bien loin pour veiller et surveiller.

Des mariages légendaires

Les mois de juillet et août sont connus à Mayotte, non pas comme l’été mais comme la saison des grands mariages. Les familles reviennent de Métropole ou de la Réunion pour assister à ces cérémonies qui se déroulent sur plusieurs jours. Ici c’est la famille de la fille qui doit s’occuper de construire et de meubler la maison de la future mariée, tandis que l’homme prépare la « valise » contenant des vêtements, du tissu, des bijoux… qu’il offrira à sa femme, ainsi qu’une importante somme d’argent qu’il apportera comme dot. Celle-ci est basée sur l’importance sociale de la famille du marié et d’un minimum de 1 500 euros, mais peut aller beaucoup plus loin selon les moyens des familles comme 2 fois ou 5 fois plus, voire 50 fois plus. Juste après les fiançailles, c’est le Grand Mariage qui commence. Il est particulièrement faste et ostentatoire et confère à celui qui l’accomplit le statut de notable. La femme ne doit pas sortir de chez elle pendant une semaine entière (parfois un mois). Les invités rendent des visites tous les jours de cette semaine (payantes pour les invités du mari !). La mariée est maquillée et bichonnée sur son lit. Le masque doit être différent tous les jours, les bijoux portés, les vêtements changés régulièrement afin d’être admirés par les gens du village ou des familles. Vient ensuite la procession du mari et des hommes du village vers la maison de son épouse, vêtu de ses beaux habits dorés, avant le mariage religieux qui se fait auprès du cadi.

La tradition du banga

Sur les abords des villages, les maisons en béton ou en crépi laissent place à des cabanes de tôle et de terre juchées sur les pentes. Souvent assimilées à de l’habitat illégal, elles sont, pour certaines, des bangas construits par les adolescents du village. En effet, la tradition veut que le jeune garçon devenu adolescent affirme son indépendance et son passage à l’âge adulte par le départ du nid familial. Il construit alors sa propre maisonnette, souvent avec le soutien des jeunes du village, de ses frères et cousins et de son père, essentiellement en matériaux naturels, pour y vivre seul. La structure est en bois, recouverte soit de mortier à base de terre (mélangée avec les pieds !) soit de feuilles de coco tressées, et surmontée d’un toit en chaume de coco. Souvent très petits, les bangas sont un lieu d’intimité pour recevoir amis et premières relations amoureuses, tandis que les repas se font toujours dans la maison familiale avec le reste de la famille. L’adolescent y restera jusqu’à son mariage où il rejoindra alors la maison familiale de son épouse. Le phénomène du banga a connu son apogée dans les années 1980 où les jeunes redoublaient d’inventivité pour avoir le banga le plus beau et le plus personnalisé, certains avaient même l’électricité. Avec le temps, la tôle a remplacé la terre et aujourd’hui la tradition se perd et de moins en moins de jeunes acceptent de quitter le cocon si tôt, les problématiques sécuritaires n’aidant pas. Plusieurs associations travaillent cependant à maintenir le savoir-faire et à moderniser les constructions en rajoutant par exemple des vitres et des étages.

Le masque de beauté

Symbole indétrônable de l’île aux parfums, le visiteur ne peut rester insensible à ce masque que portent les femmes, souvent en complément des jolis salouvas colorés. Appelé « m’sindzano » en shimaoré, le mot désigne en réalité le bois de santal utilisé pour sa confection. Il est également porté aux Comores, dans l’Ouest malgache (Sakalaves) et chez les Makas du Mozambique. Cette pratique très ancienne a plusieurs fonctions : il protège la peau du soleil, il crée une couche protectrice contre les moustiques, il lisse la peau en supprimant les impuretés de surface et lorsqu’on le retire, il donne à la femme un parfum naturel. Pour fabriquer son m’sindzano, il faut une table à masque fabriquée dans du corail massif. Cette table peut peser jusqu’à 3 ou 4 kg ! Mais, malgré sa fragilité, elle demeure l’outil de base de la fabrication de la préparation qui sera appliquée sur le visage. C’est le grain fin du corail qui permet d’obtenir une poudre de santal fluide. En frottant le bois de santal sur la table de corail et en ajoutant petit à petit de l’eau, on obtient une pâte facilement applicable sur le visage. On peut ensuite utiliser des feuilles ou des fleurs pilées en poudre pour donner de la couleur au masque, variant entre rouge, jaune et blanc. De nombreuses décorations peuvent être réalisées par les maquilleuses à l’aide d’une tige de coco : motifs astronomiques (soleil, lune, étoile), floraux, géométriques… qui parent les joues et le front. Il y a des types de masques pour toutes les occasions : le masque quotidien, le masque de soin et le masque de fête. A vous de tester !