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La plus grande maternité de France

On le répète encore et encore tant l’idée fait sourire, Mayotte, petit archipel de l’océan Indien, est la plus grande maternité de France avec un chiffre record de 9 800 bébés nés de mères résidant sur le territoire en 2017 d’après l’INSEE. Un chiffre vertigineux, qui pourtant ne recouvre qu’une petite partie de la réalité, car il ne tient pas compte des bébés nés de mères en provenance des îles voisines, qui sont pourtant nombreuses. Plusieurs facteurs expliquent ces multiples naissances, tout d’abord la population locale est jeune, voire très jeune, avec un âge moyen de 23 ans, très éloigné des 41 ans de la Métropole. Ensuite, les femmes font des enfants plus tôt, majoritairement en début de vingtaine, contrairement à la moyenne nationale qui se situe dans la trentaine. Enfin, la moyenne d’enfants par femme est elle aussi nettement supérieure au reste du territoire national, avec environ 5 enfants par femme à Mayotte en 2019 contre 1,87 en France.

Une population multipliée par sept depuis les années 1950

Conséquence directe de cette forte natalité combinée avec un recul de la mortalité, la population s’accroît massivement sur l’archipel. Les premiers chiffres officiels concernant la population mahoraise remontent à 1958, où l’on comptait 23 364 personnes. Au recensement de juillet 2007, Mayotte comptait 186 452 habitants, avec un accroissement de +3,1 % par an, taux record de France. Le dernier sondage date de 2017 et révèle un chiffre de 256 518 habitants, soit +3,8 % par an depuis 2012. Tout le monde s’accorde cependant à dire que la barre des 300 000 pourrait bien être franchie depuis longtemps, du fait de la présence d’une large population non officielle. Autre impact direct de ces naissances sur un territoire limité de toutes parts par les eaux, c'est l’accroissement de la densité de population. Avec une densité record de 690 habitants au km², Mayotte vient se placer juste derrière l’Ile-de-France (1 010,3 hab/km²). C’est pourtant Petite-Terre, la plus petite des deux îles habitées, qui possède le plus d’habitants : on dénombre autour de 2 700 habitants au km² à Dzaoudzi-Labattoir. Viennent ensuite Mamoudzou, Tsoundzou 2, Cavani ou plus généralement la commune Koungou qui ont connu un très fort accroissement ces dernières années.

Une population sous pression migratoire

Affublée du prometteur surnom d’Eldorado des Comores, Mayotte est le théâtre de drames de plus en plus fréquents liés à l’immigration massive qui pèse sur l’île. En 2018, on estime à 74 % le taux d’irrégularité chez les moins de 25 ans et à 42 % la part de la population d’origine comorienne. Le nouveau statut de Mayotte, devenue département français en 2011, son système de santé et l’éducation gratuite pour les enfants encouragent les immigrés à s’y installer. La grande majorité sont des Comoriens issus des trois autres îles de l’archipel, les liens économiques et familiaux entre les habitants des différentes îles de l’archipel facilitant le rapprochement. Le SMIC séduit puisqu’à Mayotte, il est dix fois supérieur à celui des Comores. Un afflux massif qui crée des tensions sur place. La police aux frontières (PAF), la gendarmerie, les douanes et la marine nationale interceptent régulièrement des kwassa kwassas (embarcations clandestines à moteur) et interpellent les passeurs (80 % des détenus de la prison de Majicavo sont des pilotes de kwassas condamnés à des peines fermes). Ces chiffres sont en augmentation constante, en 2009 plus de 9 000 personnes avaient été reconduites à la frontière contre 12 487 OQTF (obligation de quitter le territoire français) délivrées en 2018. En 2018, 215 kwassas ont été interceptés dont 20 % d’enfants à bord, et 2 % de femmes enceintes. Sans parler des centaines de morts noyés dans l’océan Indien lors des trajets chaotiques. La France entend toutefois durcir sa politique dans les années à venir, avec notamment l’arrivée de nouveaux navires de contrôle, tout en travaillant à l’amélioration des conditions de vie aux Comores pour réduire les départs. A noter toutefois qu’une immigration nouvelle a pris de l’ampleur depuis 2018 : celle des demandeurs d’asile de l’Afrique des Grands Lacs. La plupart de ces migrants passent par les Comores pour arriver jusqu’à Mayotte, utilisant les réseaux existants. Cette immigration présente toutefois un caractère inédit qui ouvre de nouveaux débats et défis pour la France.

Une population en mouvement

Si la migration la plus notoire est bien sûr celle en direction de Mayotte, il n’en demeure pas moins que la diaspora mahoraise est elle aussi importante. On estime à environ 25 000 le nombre de départs vers la Métropole ou la Réunion entre 2012 et 2017 (chiffres de l’INSEE), majoritairement des jeunes de moins de 30 ans qui se déplacent pour leurs études ou pour trouver du travail. Ainsi la catégorie des 15-24 ans est celle qui connaît plus de départs que d’arrivées, et essentiellement des hommes.

Une population multilingue

Les Mahorais peuvent avoir comme langue maternelle soit un parler comorien, soit un parler malgache avec le shibushi. Les villages ont généralement chacun leur langue, mais on trouve des combinaisons de langue dans un tiers des villages et un dialecte bantou ou malgache ailleurs. Ceux qui parlent malgache parlent en général très bien le comorien ou shimaoré qui est dérivé du swahili (Afrique de l’Est). Avec l’expansion de l’islam, l’arabe est présent non pas comme langue de communication (sauf pour les Syriens présents), mais pour les études coraniques avec la lecture des textes sacrés. Le français n’est pas la langue maternelle des insulaires, c’est la langue des « M’zungus » (blancs) qui pour la plupart ne parlent aucun des dialectes de l’île. Une complexité linguistique qui creuse souvent les écarts à l’école où l’enseignement se fait uniquement en français, qui n’est pourtant pas la langue de beaucoup d’élèves, et dans le monde du travail. Fin 2018 et début 2019 se sont tenues des tables rondes sur le shimaoré et le shibushi (ou kibushi). En débat, les questions de la langue dans l’identité mahoraise et de la graphie à adopter pour transcrire des sons qui n’existent pas dans la langue française. Mayotte a enclenché un processus fort de transmission et de protection son patrimoine culturel immatériel qui feront sans nul doute évoluer les choses.