Guitare fabriquée à partir d_une cocofesse, Musée national d_histoire des Seychelles © 22Images Studio - Shutterstock.com.jpg
Musiciens lors du carnaval de Victoria © 18042011 - Shutterstock.com.jpg

Le séga

Comme dans tout l’océan Indien, aux Seychelles, le séga est roi. D’origine africaine, cette musique a valeur de refuge pour un peuple dont les coutumes et cérémonies furent rejetées par les colons qui voyaient en ce séga une impudique danse de primitifs. Plus lente que le séga des autres îles, la version seychelloise est marquée par son rythme sourd, joué à la ravanne – cette grosse caisse portative en peau de chèvre –, à laquelle s’ajoute le tintement d’une barre de fer pliée, du triangle, ainsi qu’un frottement à l’accent de samba, produit par les maravannes, des noix de coco remplies de graines. La guitare est la seule concession du genre à la modernité. Ce mélange irrésistible entraîne les couples dans un face-à-face lascif et sensuel, d’autant plus érotique qu’il ne faut pas se toucher. Les chants qui l’accompagnent ont pour thème de petits événements du quotidien. Aux Seychelles, il est courant aussi de danser le séga tremblé, d’origine malgache, et qui semble par moments proche de la transe.

Le genre compte naturellement une grande vedette : Patrick Victor. Auteur d’un remarquable premier album (En transition), cet artiste de talent est aussi à l’origine du premier disque compact seychellois. Chantant son pays, sa fille, la liberté et l’amour, Patrick Victor est la référence du séga seychellois et de la musique locale dans son ensemble. Une autre vedette du genre a émergé ces dernières années, Jean-Marc Volcy, qui a marqué la chanson seychelloise avec ses tubes Voule vou danse (« Voulez-vous danser ») et Kannon. Citons aussi Jenny Létourdie, moins connue mais tout aussi remarquable.

Pour un grand bol de séga en live, il est conseillé de se rendre à l’Oxygen, LA boîte de Praslin ! Si les DJ préfèrent souvent passer des stars internationales comme Pharrell Williams, des grands noms de la musique seychelloise viennent parfois y jouer en live, à l’instar de Jean-Marc Volcy.

Le moutia

Plus torride encore que le séga (si, si, c’est possible), le moutia est l’autre grand rythme seychellois. Particulièrement entraînant, le style se distingue par une mélopée au rythme syncopé, porté par un tam-tam (généralement creusé dans un tronc de cocotier et recouvert d’une peau de cabri ou de raie), tandis que les chanteurs évoquent en créole la servile condition des ancêtres séparés de leur terre natale. Essentiellement sentimentaux, les textes expriment joie et tristesse, espoirs et déceptions, mais aussi le quotidien d’autrefois dans ces îles où chants et danses, imbibés de calou et de bacca, étaient le seul exutoire. La plupart du temps joué en plein air, le genre, bien que très populaire, se révèle une musique moins civilisée (et moins touristique) que le séga. À noter que dans les années 1970, le moutia a fusionné avec le reggae pour enfanter un genre nouveau appelé « mouggae ».

La musique traditionnelle

Nombre d’instruments traditionnels appartiennent désormais à l’histoire, ou du moins se font rares, tels le makalapo et le bombre, des arcs musicaux d’origine africaine qui ont longtemps accompagné les chansons. Le mouloumba, cithare malgache qui accompagnait les chants et les contes, a elle aussi pratiquement disparu. L’ansive, enfin, n’est plus utilisée que par les pêcheurs, qui soufflent dans cette conque marine pour annoncer leur retour au port. Ton Pa, le grand patriarche du folklore musical des îles de l’océan Indien, a contribué à la connaissance et à la sauvegarde des instruments traditionnels. Grâce à lui, la Radiotélévision seychelloise a collecté sons, chants et mélopées qui constituent un précieux patrimoine sonore. Disparue en 1994 à plus de 86 ans, cette star de lanmizik tradisyonnel reste un personnage incontournable en matière de tradition orale. Depuis son plus jeune âge, Ton Pa (Jacob Marie de son vrai nom), descendant d’esclaves malgaches, a baigné dans la musique, fabriquant des instruments avec peu de moyens et maîtrisant patiemment toutes les techniques instrumentales. Pour cet interprète de chants anciens, par ailleurs auteur de mélopées riches en onomatopées très personnelles (le calou aidant), le bombre et le zez (sorte de sitar) ont été des instruments de prédilection et les précieux auxiliaires rythmiques d’une voix majeure de la culture des îles.

Un excellent rendez-vous pour apprécier la richesse de la musique traditionnelle de l’île est le festival Kreol, se tenant à Mahé, pendant une semaine chaque fin octobre.

Cet événement coloré à la gloire du monde créole l’explore sous toutes ses facettes : histoire, musique, théâtre, danse, mode, cuisine… Aussi culturel que festif, c’est clairement un incontournable de l’île.

La musique populaire

Outre le séga et le moutia, il y a un monde de musique populaire aux Seychelles. Si le rouleau compresseur de la musique anglo-américaine a trouvé ici un terrain favorable (comme partout ailleurs), la chanson créole n’a pas dit son dernier mot. Au fur et à mesure des générations, une pléiade de nouveaux chanteurs en seselwa a trouvé sa place sur la scène locale. Ainsi quelques artistes occupent à longueur de journée les ondes nationales, et certains ont même su donner une modernité à la chanson créole. Parmi eux, citons Emmanuel Marie qui mélange musique créole, folk, reggae et rock, Jean Ally, très influencé par le gospel, et Joe Samy qui a beaucoup associé folk anglaise et chanson créole.

Les danses

Pas besoin de rester longtemps sur place pour s’en rendre compte, la danse est au cœur du quotidien des Seychellois. Une des plus courantes est la contredanse. Royale par son origine puisque dansée à la cour du Roi-Soleil, cette danse est toujours garante de gaieté lors des grandes fêtes de famille et dans les bals de campagne, les kamtolés. Importée par les colons, elle était jadis dansée à bord des navires de ligne, où des bals étaient parfois donnés lors des escales à l’intention du beau monde seselwa. Les esclaves, qui participaient à la fête en qualité de serviteurs ou de cuisiniers, finirent par adopter cette danse de cour et de salon. Bien que « seychellisé » au fil du temps, ce quadrille reste cependant une synthèse de la valse, de la polka, de la scottish et de la berline. Aux Seychelles, où on l’appelle « danse commandée », ses figures doivent être dirigées par un maître de cérémonie, le commandeur. À son injonction, danseurs et danseuses se forment en deux rangs, les uns en face des autres, et selon son commandement, ils exécutent la série de figures, accompagnés par un violon, un banjo, un accordéon, une grosse caisse, une caisse claire, des cymbales et un triangle. Si la contredanse reste une valeur sûre des réjouissances seychelloises, notamment lors des mariages, d’autres danses anciennes sont tombées en désuétude, tel le madilo ou caloupilon, pratiqué surtout à La Digue. Là des filles sautaient par-dessus deux perches tenues parallèlement au-dessus du sol, en chantant le refrain Madilo, oh ! Madilo, soutenu par les claquements de mains de l’assistance.

Autre danse remarquable, le sokwé allie à la fois musique et théâtre, danseurs et danseuses portant des masques et se recouvrant de paille jusqu’à ce qu’on ne les reconnaisse plus. Les yeux et la bouche étaient cernés de rouge et un lichen faisait office de barbe. Alternant parties dansées et parties dialoguées, le sokwé avait aussi la réputation d’être une danse dangereuse, car il n’était pas rare que les spectateurs enivrés mettent le feu aux costumes de paille.

À noter que le pittoresque carnaval international de Victoria, fête folklorique de trois jours se tenant chaque fin avril, est une excellente opportunité d’assister à des danses et défilés de chars.