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La musique et la danse traditionnelles

Impossible d’aborder les traditions musicales brésiliennes sans les introduire par le carnaval. Fête gigantesque et iconique du pays, le carnaval brésilien est héritier de la tradition d’un défilé historique portugais appelé entrudo, auquel sont venues s’ajouter les influences africaines, en particulier en matière de danses. Une fête unique, singulière, sans laquelle le Brésil ne serait pas vraiment le même. Naturellement, toutes les grandes villes possèdent le leur, chacune présentant à sa manière un large panel des musiques du pays. Un genre traditionnel particulièrement lié au carnaval est le frevo. Apparu à la fin du XIXe siècle, ce rythme ardent joué par un orchestre de cuivres accompagné de quelques percussions (surdo et caisse claire principalement) est la tradition musicale et chorégraphique par excellence du Pernambouc. Proche de la capoeira dans ses mouvements, le frevo voit les danseurs vêtus d’habits colorés et d’un petit parasol répéter une chorégraphie très agile. Un trésor de la culture brésilienne qui fut d’ailleurs désigné Patrimoine immatériel de l’humanité par l’UNESCO en 2012.

Autre expression traditionnelle brésilienne très courante, le forró est le genre typique du Nordeste. Typiquement joué à l’accordéon et aux percussions comme le zabumba (une grosse caisse) le forró se base sur des danses européennes africanisées et se décline en plusieurs genres, certains plus cadencés que d’autres. Désignant également le nom de la danse qui l’accompagne, le forró s’exécute toujours à deux, un peu comme une lambada. Le genre a pas mal voyagé avec le temps et on en trouve quelques groupes en Europe.

Egalement natif de l’Etat de Pernambuco, le maracatu est une manifestation culturelle afro-brésilienne dont l’origine remonterait au XVIIe siècle. Fête rituelle, le maracatu est pratiqué depuis le début de la colonisation, hérité de l’histoire des esclaves. Toujours accompagnée des percussions, cette procession folklorique dansante et colorée figure les cérémonies de couronnement du « roi du Congo », une pratique permise durant l’esclavage. Déclarée « décadente » durant le XXe siècle la pratique a connu un nouveau souffle dans les années 1990 avec l’ascension du mouvement noir et du mangue beat (ou « rythme du marais »).

Citons également le repente (ou cantoria), défi d’improvisation en vers chantés, à partir d’un thème et souvent accompagné du pandeiro (tambourin) ou du violão (une guitare). Des concours sont souvent organisés.

La musique traditionnelle regorge d’instruments typiques du pays comme le berimbau, arc relié à une calebasse au son de guimbarde et rythmant magiquement les combats de capoeira ; le cavaquinho, petite guitare à quatre cordes ou encore la cuica, tambour raclé de l’intérieur avec un bâton. C’est ce dernier qui émet le « rire » typique de la musique brésilienne.

Outre le carnaval, le pays multiplie les occasions de goûter à ses traditions musicales. Par exemple, la Festa Do Divino, célébration religieuse particulièrement spectaculaire à Paraty et Diamantina est entrecoupées de danses et de manifestations folkloriques. On trouve beaucoup de musiques et danses également au Festival de Parintins, la deuxième fête folklorique après le carnaval ou aux Festas Juninas ou de São João, grandes célébrations de saint Antoine (23), saint Jean (24), et saint Pierre (29) comprenant musique traditionnelle, jeux, danse et nourriture locales. Quelques adresses reparties dans le pays proposent des spectacles folkloriques comme le Club Finlândia de Rio ou le Galo da Madrugada de Recife qui, tous les jeudis, reçoit à son siège des groupes de frevo, maracatu ou de folklore régional.

La musique populaire

Quelle musique est plus emblématique de l’identité nationale brésilienne que le samba ? Oui LE samba, ici, ce mot est masculin. Datant du début du siècle, le genre est né dans le port de Rio, parmi les esclaves libérés du Nordeste venus chercher du travail dans la capitale. Sa musique se caractérise par son exceptionnelle richesse de percussions, un chant collectif et une gaieté lumineuse tandis que sa danse particulièrement entraînante et contagieuse guide les carnavals de tout le pays. Une excellente adresse pour écouter du samba à Rio est le Carioca da Gema qui dans une atmosphère traditionnelle accueille de nombreux groupes locaux. Citons également la Pedra do Sal ou la Cachaçaria Mangue Seco, un club de samba aussi connu pour son incroyable bar que pour la qualité de ses concerts de samba et choro ao vivo.

La samba a généré beaucoup d’autres genres tels que la pagode ou encore la bossa nova. Cette dernière est devenue une des pierres angulaires du pays. Née à la fin des années 1950, la bossa nova est schématiquement un samba en plus intimiste et sophistiquée, truffée d’influences jazzy. Il est courant de dire – à raison – que c’est le premier album du Bahianais João Gilberto Chega de Saudade qui marque la naissance de la bossa nova. Une œuvre charnière pour la musique brésilienne qui confère à son auteur un statut particulier. Poète introverti et solitaire, João Gilberto (1931-2019) est un des colosses de la musique brésilienne. Voix superbe, arrangements sublimes, la légèreté douce-amère de la musique de João Gilberto plane à tout jamais dans l’air brésilien et il est plus que conseillé de se familiariser avec son œuvre avant un séjour sur place.

Si Chega de Saudade est un album aussi important, c’est sans doute aussi car plusieurs grands esprits de la musique s’y croisent, dont les deux cadors Antonio Carlos Jobim et Vinícius de Moraes. Le premier, aussi connu en tant que Tom Jobim (1927-1994), fut compositeur, pianiste, flûtiste et un des géniteurs de la bossa nova. S’il a composé quelques 500 chansons, Jobim reste particulièrement associé à l’une d’entre elles, The Girl from Ipanema, écrite en 1964. Un bijou qui fit voyager la bossa nova dans le monde entier et dont les paroles étaient signées… Vinicius de Moraes (il n’y a pas de hasard). Figure réjouissante, généreuse et poétique, Vinicius de Moraes (1913-1980) a grandement participé à faire de la musique brésilienne ce qu’elle est devenue. Compositeur, collaborateur, parolier prolifique de la bossa nova, il fut un temps où il ne se composait pas un chef-d’œuvre sans que de Moraes y soit associé de près ou de loin. Vinicius demeure un artiste légendaire de la bossa nova et, sans surprise, l’institution du genre à Rio, porte son nom. Le Vinicius Bar – sis dans la rue qui porte également le nom de l’artiste en face du bar Garota da Ipanema – est sans conteste une des meilleures adresses en ville pour un concert de bossa, sa scène mythique ayant vu passer la crème du genre : Baden Powel, Wanda Sa, Dori Caymmi… Plus loin, dans la même rue, on trouve le Toca Do Vinicius, boutique qui sous ses airs de librairie, cache un véritable centre culturel de la bossa nova. Aussi quiconque cherche un bon concert de bossa à Belo Horizonte se rendra au Cafe com Letras, très chic café littéraire accueillant concerts de jazz, de bossa ou DJs pratiquement tous les soirs.

Née dans le sillage de la bossa-nova, la musica popular brasileira – la « musique populaire brésilienne » ou « MPB » – et ses mélodies sophistiquées, n’est pas un style à proprement parler, mais plutôt un mouvement protestataire, souhaitant mélanger traditions musicales (les musiques régionales), textes contestataires et samba, bossa, jazz, rock, etc. Le genre a émergé avec quelques-uns des plus grands noms de la musique brésilienne dont Chico Buarque (1944), compositeur, chanteur et écrivain carioca, figure de proue du mouvement et auteur de nombreux standards brésiliens ou Baden Powel (1937-2000), virtuose de la guitare et compositeur d’une musique somptueuse, inattendue, chaude et lumineuse. Aujourd’hui, moins populaire que le pagode ou l’axé, la MPB a cependant connu un renouveau dans les années 2000 avec un groupe d’artistes qui, souvent, portent des noms de famille déjà connus du grand public, tels Moreno Veloso (fils de Caetano), Leo Maia (fils de Tim Maia), Maria Rita (fille d’Elis Regina) ou Jairzinho et Luciana Mello (fils de Jair Rodrigues).

Autre genre très populaire, l’axé est caractéristique de Bahia et du carnaval de Salvador. Né dans les années 1980, il plonge ses racines dans la musique africaine, caribéenne et brésilienne, s’inspirant du reggae, du calypso et de la marcha, entre autres. Parmi les artistes célèbres du genre, citons Ivete Sangalo, Chiclete com Banana et surtout Claudia Leite, aujourd’hui superstar. Beaucoup moins connu, mais absolument charmant, le choro vaut également la peine d’être mentionné. Ce genre de musique instrumentale enchanteresse a été développé à Rio de Janeiro au XIXe siècle, influencé par plusieurs rythmes africains. Le grand artiste du genre fut Pixinguinha, flûtiste, saxophoniste et compositeur dont le swing avait un goût de paradis.

Un lieu à noter où se croisent grands noms de la musique populaire et nouveaux talents : la Fundição Progresso de Rio, lieu magique pouvant accueillir plus de 5 000 personnes.

La musique classique

C’est véritablement durant la seconde moitié du XVIIIe siècle qu’apparaissent les premiers compositeurs brésiliens de musique savante. A l’époque, la région du Minas Gerais est criblée d’exploitations coloniales d’or et diamants, attirant une population importante. De très nombreux compositeurs étaient alors en activité et certains sont restés dans la postérité comme Lobo de Mesquita, Francisco Gomes da Rocha ou Marcos Coelho Neto, auteurs essentiellement de pièces de musique sacrée. Avec l’appauvrissement des mines à la fin du siècle, l’activité musicale se déplace vers de grands centres comme Rio et São Paulo. Surtout Rio, puisque la famille royale portugaise s’y installe en 1808, ordonnant à des compositeurs et musiciens portugais de la rejoindre. C’est notamment le cas de Marcos Portugal (1762-1830), prolifique compositeur d’opéras qui influencera grandement la composition brésilienne à venir. Apparaît à cette époque José Maurício Nunes Garcia (1767-1830), le premier des grands compositeurs brésiliens. Fier représentant du classicisme dans les Amériques, il a été le compositeur brésilien le plus prolifique de son temps, notamment influencé par les compositeurs viennois de l’époque tels que Mozart et Haydn. Disciple de Nunes Garcia, Francisco Manuel da Silva (1795-1865) est l’auteur de la mélodie de l’hymne national brésilien et incarne via son œuvre la transition vers le romantisme. C’est également à cette époque que s’illustre Antônio Carlos Gomes (1836-1896). Contemporain de Verdi et Puccini, il a composé des opéras de style italien avec des thèmes nationaux brésiliens, comme Il Guarany et Lo Schiavo – qui furent joués à la Scala – et demeure à tout jamais le seul compositeur non européen à être auréolé de succès en Italie durant l’âge d’or de l’opéra. Au Brésil aussi, l’opéra traverse un âge d’or et reste très populaire jusqu’au milieu du XXe siècle. C'est à cette époque que de nombreux opéras sont construits, comme le Théâtre municipal de São Paulo ou le magnifique Théâtre municipal de Rio de Janeiro, inspiré de Garnier et résidence de l’orchestre symphonique brésilien (un des principaux du pays).

A l’instar de nombreux endroits du monde, apparaît ici au début du XXe siècle la volonté d’établir une musique nationale, authentiquement brésilienne, affranchie des influences européennes et trempée d’inspirations folkloriques. Si Alberto Nepomuceno (1864-1920) est considéré comme le père de ce nationalisme musical, c’est bel et bien Heitor Villa-Lobos (1887-1959) qui en est le grand héraut. Compositeur illustre du pays, il mêla brillent le classicisme de ses maîtres (Bach en tête) aux sonorités traditionnelles du Brésil. Après huit ans à voyager dans les régions les plus reculées du pays, l’artiste a sillonné l’Amazonie et effectué des recherches sur le folklore national afin d’élaborer son œuvre si singulière. D’aucuns s’accorderont sur le fait que Bachianas Brasileiras est sa pièce maîtresse, série de neuf suites et apothéose de la fusion entre le folklore et le style Bachien.

En réaction à l’école nationaliste, apparaît à la fin des années 1930 le mouvement Música Viva (« musique vivante »), dirigé par Hans Joachim Koellreutter et par Egídio de Castro e Silva, prônant une esthétique dérivée du dodécaphonisme et de la musique atonale d’Arnold Schoenberg. Dans les années 1960, l’avant-garde brésilienne reprend du tonus via une nouvelle vague – appelée Música Nova (« musique nouvelle ») – s’intéressant à la musique sérielle, concrète ou électronique. La grammaire musicale se renouvelle alors complètement, notamment sous l’impulsion d’artistes tels que Gilberto Mendes (un élève de Boulez et Stockhausen) et Willy Corrêa de Oliveira. Depuis, la musique savante brésilienne maintient intacte cette lignée d’avant-garde entre les mains de compositeurs tels que Sílvio Ferraz, Marcos Balter, Edson Zampronha, Jorge Antunes ou encore Caio Facó.

Outre la composition, le Brésil s’est également illustré grâce à ses interprètes et plus particulièrement de grands noms internationaux tels que les pianistes Roberto Szidon (1941-2011), la Franco-Brésilienne Magda Tagliaferro (1893-1986) et surtout le très révéré Nelson Freire ou encore le violoncelliste Antônio Meneses, très admiré. Citons également deux grandes sopranos, Bidu Sayão (1902-1999) autrefois star du Metropolitan Opera et Eliane Coelho qui brilla sur les scènes du Frankfurt Opera du Staatsoper de Vienne. Le pays possède plusieurs ensembles philharmoniques conséquents, le plus célèbre étant certainement l’Orchestre symphonique de l’Etat de São Paulo, anciennement dirigé par la cheffe Marin Aslop avant d’être remplacée par le Suisse Thierry Fischer (depuis 2020). Le pays compte d’ailleurs quelques baguettes relativement célèbres comme Roberto Minczuk, directeur de l’Orchestre philharmonique de Calgary, John Neschling, autrefois directeur de l’Orchestre national Bordeaux Aquitaine et Isaac Karabtchevsky, à la tête de la Petrobras Symphony.

Le rock

Aspect moins connu du pays, le Brésil entretient une longue amitié avec le rock. Tout commence dans les années 1960, peu avant la naissance du MPB (mentionné précédemment), lorsqu’un mouvement d’avant-garde naît en réaction à la répression militaire : le tropicalisme. Mêlant les grosses influences anglo-américaines – pop, rock et psychédélisme – aux spécialités locales que sont le samba ou la bossa-nova, le mouvement débute avec un album Tropicália : ou Panis et Circencis, fabuleuse œuvre collaborative réunissant un paquet de noms qui deviendront essentiels à la musique brésilienne : Gilberto Gil, Caetano Veloso, Tom Zé, Os Mutantes et Gal Costa. Le premier, Gilberto Gil, est peut-être l’un des musiciens les plus éclectiques et engagés du pays (rappelons aussi qu’il fut ministre de la Culture entre 2003 et 2008), le second, Caetano Veloso est un des plus connus et emblématiques tandis que le groupe Os Mutantes, demeure culte chez plusieurs générations de fans de rock. Depuis que ces pionniers ont posé les jalons de la scène rock brésilienne, cette dernière est intarissable. Dans les années 1970, on croise des forces tranquilles comme Milton Nascimento et des groupes révolutionnaires comme Novos Baianos, dans les années 1980 on voit apparaître des increvables comme Titãs, toujours actifs aujourd’hui, dans les années 1990 Sepultura montre que le Brésil sait faire du metal mieux que personne et dans les années 2000, l’électro rock de CSS va faire remuer des millions de têtes dans le monde entier.

La musique électronique

Ces dernières années, s’il y a bien un style qui a fait rayonner le Brésil dans le monde, c’est bien le baile funk. D’ailleurs, si on l’appelle ainsi hors du pays, il est généralement désigné par funk carioca au Brésil, voire simplement par funk à Rio. Et ne vous fiez pas à son nom, cette musique électronique n’a pas grand-chose à voir avec James Brown ou George Clinton. Datant des années 1980 et puisant son inspiration dans la Miami Bass (une variante dansante du hip-hop), le funk carioca se distingue par son minimalisme, sa froideur, sa dureté et sa sauvagerie et peut apparaître comme un cousin brésilien du rap. Elle est la musique la plus populaire de la jeunesse du pays, portée par des stars comme la chanteuse Anitta, surnommée la « Beyoncé do Brasil », MC Kevinho ou MC Fioti (qui a eu un petit succès en France).