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Une vaste presqu’île

La péninsule du Yucatan est cette grande presqu’île située au sud-est du Mexique et au nord de l’Amérique centrale. Elle sépare les eaux couleur émeraude du golfe du Mexique, au nord et à l’ouest, et celles turquoise de la mer des Caraïbes, à l’est. Si l’on considère souvent la péninsule du Yucatán comme une simple région mexicaine, ce territoire de 181 000 km² intègre géographiquement deux autres pays : le Belize et le Guatemala. La partie mexicaine (141 736 km²) représente les trois quarts de la Péninsule du Yucatán, et 7,2 % du territoire mexicain. Elle est divisée en trois États : Yucatán (nord), Campeche (ouest) et Quintana Roo (est). Au sud de la péninsule, on trouve le Belize et le nord du Guatemala (Petén). Ces trois pays font partie de la région Mésoamérique, une aire biogéographique et culturelle homogène, qui se trouvait sous l’influence de la civilisation maya.

L’émergence de la péninsule

La péninsule du Yucatán est formée d’un grand plateau calcaire d’environ 600 km de long et dont la largeur oscille entre 275 et 400 km. Ce plateau s’enfonce ensuite sous la mer sur une centaine de kilomètres au nord-ouest. Cette plaque de roche calcaire a émergé il y a quelques dizaines de millions d’années, avec l’accumulation de sédiments carbonatés provenant de mers peu profondes, qui ont recouvert à plusieurs occasions cette partie du continent, à l'ère cénozoïque. La forme actuelle de la péninsule date de la fin de la période Pliocène, il y a environ quatre millions d’années. Le Quintana Roo et le nord du Yucatán sont géologiquement plus jeunes que l’intérieur de la péninsule et le Campeche. Isla Mujeres par exemple, l’île la plus orientale du pays, est apparue il y a à peine 10 000 ans, et les récifs coralliens continuent de se former au nord et à l’est de la péninsule.

Des plages de rêve

La péninsule du Yucatán est célèbre pour ses plages de sable blanc et ses eaux cristallines, aux couleurs incroyables. La côte caraïbe (Quintana Roo) est la zone la plus touristique de la péninsule, avec des villes dédiées au tourisme de masse, comme Cancún ou Playa del Carmen. Il est vrai que les plages de la fameuse Riviera Maya et les îles lui faisant face (Isla Cozumel, Isla Mujeres, Holbox…), sans oublier la Costa Maya moins courue, offrent des paysages de cartes postales (quand il n'y a pas trop de sargasses) ! Ces côtes et petites îles entourées de superbes récifs coraliens sont aujourd’hui massivement exploitées par le tourisme. Pour plus de tranquillité, les côtes du golfe du Mexique (Campeche et Yucatán) sont plus sauvages, avec encore de belles plages où viennent pondre des tortues, mais aussi des lagunes, marécages et mangroves bien conservées, avec une faune aviaire abondante.

Peu de relief, peu d’eau en surface…

La péninsule du Yucatán est plate. On s’en rend vite compte quand on grimpe par exemple en haut de la pyramide de Nohoch Mul à Cobá. Les quelques collines qui apparaissent de la forêt tropicale sont généralement d’anciens temples toujours recouverts par la végétation ! C’est seulement dans l’intérieur des terres, dans le centre-sud du Campeche, que l’on peut rencontrer quelques élévations de plus de 200 ou 300 mètres. On ne viendra donc pas ici pour faire de l’escalade ! Pas de rafting non plus… Malgré des précipitations abondantes, il y a peu de rivières ou de lacs dans la péninsule, en particulier dans sa partie nord. Le principal cours d’eau de la région est le río Hondo (209 km), au sud. Il prend sa source dans les montagnes du Guatemala et constitue une frontière naturelle entre le Mexique et le Belize. Le fleuve se jette dans la baie de Chetumal, à proximité de la capitale du Quintana Roo. Cette voie d’eau a facilité la pénétration de l’intérieur des terres depuis la côte, facilitant le développement de la civilisation maya. Au nord, le río Champotón (57 km) traverse l’État de Campeche avant de se jeter dans le golfe du Mexique, au sud de la ville de Campeche. C’est l’un des rares cours d’eau pérennes dans cette partie de la péninsule. Comme le río Palizada (180 km) ou le río Candelaria (400 km) qui se jettent dans la Laguna de Términos, il est navigable. Dès la fin du XVIIe siècle, il permit le transport du palo de tinte, un bois précieux à la sève de teinte rouge foncé, connu en français comme bois de Campêche qui a longtemps été utilisé comme teinture et colorant naturel. Aujourd’hui ces ríos sont appréciés des voyageurs souhaitant s’échapper de la foule pour des excursions paisibles au fil de l’eau.

… mais un sous-sol gorgé d’eau : la magie des cenotes

L’eau douce, c’est surtout sous la terre qu’on la trouve ! Les sols calcaires de la péninsule sont très poreux. Ils absorbent l’eau de pluie, qui pénètre facilement en sous-sol pour rejoindre un vaste réseau de galeries, cavernes, grottes et rivières souterraines. Parfois, l’eau douce se juxtapose sans se mélanger sur une couche d’eau salée, arrivée de la mer par des failles souterraines. Certaines cavités remplies d’eau apparaissent à la surface, ce sont les cénotes (quand un cénote est immergé en pleine mer, on parle de « trou bleu »). Les cénotes se forment quand le sol calcaire surplombant la cavité s’effondre, par l’effet de l’érosion. Ces puits naturels d’eau douce, dont la profondeur peut atteindre plusieurs dizaines de mètres, ont des formes variées en fonction de l’état d'avancement de l’érosion : certains ont une petite ouverture circulaire de quelques mètres, d’autres sont beaucoup plus larges et cylindriques, avec des parois abruptes, d’autres encore sont complètement souterrains, on accède à la cavité par un étroit tunnel depuis la surface… Les cénotes offrent un accès à tout ce réseau aquatique souterrain, qui débouche lentement vers la mer. Cette curiosité géologique ne se trouve que dans quelques endroits de la planète, et la péninsule du Yucatán est la région au monde qui en abrite le plus. Parmi les quelque 5 000 cénotes cartographiés beaucoup n’ont pas été explorés, et les images satellites indiquent que la péninsule pourrait en abriter près de 10 000 ! Les cénotes et cavités sous-terraines abritent tout un écosystème, avec des poissons, chauves-souris, insectes, dont certains sont endémiques.

Le mot cenote vient du maya dz’onot (ou tz'onot) qui signifie « caverne avec de l'eau ». Le Mayas se sont implantés dans la région pour profiter de ces immenses réserves d’eau douce conservées dans le sous-sol et c’est à proximité des cenotes que les grandes cités mayas ont prospéré. Pour les Mayas, ces gouffres avaient aussi une fonction religieuse : ils représentaient l’accès à Xibalba, l’inframonde maya. C’est là que vivait Chaac, le Dieu de la pluie, le bienfaiteur des cultures. Les Mayas pratiquaient des rituels autour de ces cénotes sacrés, pour invoquer la pluie et les bonnes récoltes. Au cénote Xtoloc de Chichén Itzá, des jeunes hommes et femmes qui avaient « l’honneur » d’être sacrifiés, étaient jetés dans le cénote au lever du jour, où on les laissait s’y noyer. S’ils n’étaient pas morts à midi, ils étaient considérés comme des messagers divins... Certains cénotes sont de grands sites archéologiques. On y a découvert des peintures rupestres, des ossements humains millénaires et de nombreuses offrandes (bijoux, poteries, artéfacts rituels comme des bruleurs d’encens, etc.).

Aujourd’hui les cénotes sont devenus de véritables piscines naturelles pour touristes en goguette. Leurs eaux turquoise, fraiches et cristallines, au beau milieu de forêts luxuriantes, sont en effet un régal pour les sens ! Kankirixché ou Chelentún dans la région de Mérida, Xkekén près de Valladolid, Ik-Kil proche de Chichén Itza, ou encore Car Wash, Ponderosa, Dos Ojos ou Gran Cenote dans le Quintana Roo, sont parmi les plus féeriques, et pour des sites sympas sans la foule, le choix est grand aussi. Certains cénotes offrent des possibilités de plongées souterraines au milieu de grandes galeries immergées envahies de stalagmites et stalactites. L’eau qui a été filtrée à travers la roche calcaire et les racines des arbres, est d’une grande pureté et la visibilité excellente. Mais il s'agit parfois de vrais labyrinthes, qui rendent indispensable le guidage par des professionnels certifiés. Fin 2017, des plongeurs mexicains du projet scientifique Gran Acuifero Maya ont réussi à relier les deux immenses galeries sous-marines Sac Atun et Dos Ojos, près de Tulum. Avec la découverte de cette connection, ces grottes aquatiques constitueraient le plus grand réseau de galeries sous-marines au monde connu à ce jour (347 km), détrônant celui de Ox Bel Ha (269 km) situé plus au sud. Plus qu'une découverte géologique (on sait que la quasi-totalité des grottes sous-marines de la péninsule sont reliées entre elles), il s'agit surtout du site archéologique submergé le plus important au monde.

L'astéroïde du Yucatán

Au nord de la péninsule du Yucatán, d'innombrables cénotes sont reliés entre eux en forme d'arc-de-cercle. On le surnomme l'« anneau de cénotes ». La raison de cette forme étrange, qui ne se distingue que depuis l'espace, est la présence d'un immense cratère de 180 kilomètres de diamètre, qui s'étend pour moitié sous la terre ferme du Yucatán, et pour moitié sous le golfe du Mexique. C'est le cratère de Chicxulub. Aujourd'hui totalement recouvert par plus de 1 000 mètres de roche calcaire, le cratère de Chicxulub s'est formé il y a environ 66 millions d’années, suite à la collision d'un astéroïde de 10 km de diamètre avec la Terre, ici dans le nord du Yucatán ! La puissance de l’impact aurait libéré une quantité d'énergie équivalente à plusieurs milliards de fois celle d’une bombe atomique ! Outre de gigantesques raz-de-marée, tremblements de terre et éruptions volcaniques, un épais nuage de poussière s’est élevé dans l'atmosphère, provoquant peu à peu une chute brutale des températures et l’arrêt de la photosynthèse. Cette météorite est très probablement à l’origine de l’extinction des dinosaures et de 70 % des espèces vivantes de la Terre de l'époque...