Oursin brun © Neil Burton - Shutterstock.com.jpg
Fonds marins près de l'île de Hvar © Adam Ke - Shutterstock.com.jpg

Au nord, près de la frontière slovène

Dans les forêts des Alpes dinariques, domaine naturel des grands arbres, les conifères dominent (sapins, pins noirs, épicéas) mais aussi les genévriers, qui résistent bien aux neiges hivernales. Dans les parties basses, s’étendent les collines boisées, les vallons, les vastes prairies, où poussent différentes espèces de chênes pédonculés, charmes, noisetiers, hêtres, érables sycomores.

Au grand Nord croate, le roi de la forêt, c’est l’ours brun !

Ils seraient plus d’un millier à s’y reproduire. Si la chasse aux sangliers, cerfs ou chevreuils est largement autorisée, tirer sur l’ours est strictement règlementé (quatre mois par an) ; le plantigrade faisant partie des trois grands carnassiers protégés avec le lynx et le loup. À l’université vétérinaire de Zagreb, la recherche sur l’ours brun est dirigée par l’un des meilleurs spécialistes européens, le professeur Djuro Huber. L’association Kuterevo, dans un village du même nom (30 km de Senj), participe également à sa sauvegarde. Une équipe de bénévoles y gère un refuge pour les ours orphelins, que l’on peut visiter.

Dans la forêt toujours, l’observateur patient pourra apercevoir sangliers, chats sauvages ou renards roux. Avec le loup, c’est plus difficile ! Réintroduit en Slovénie dans les années 1990, le canidé redouté vient de réapparaître au nord de la Croatie et dans les hauteurs du parc de Plitvice. Beaucoup moins crainte, la martre des pins, la kuna, tient une place particulière dans le cœur des Croates. Ce petit mammifère carnivore, de la famille des mustélidés, a été choisi comme symbole de la devise nationale (HRK). Au Moyen Âge, la fourrure de sa queue longue et touffue servait de monnaie d’échange. Aujourd’hui, l’animal est gravé sur les pièces toujours en vigueur tout comme l’ours, le poisson, la tourterelle ou l’iris jaune endémique (Degenia velebitica).

Autre animal emblématique, l’étrange protée anguillard (Proteus anguinus), que les plongeurs ont débusqué dans les grottes karstiques des Alpes dinariques (Slovénie, Croatie, Bosnie-Herzégovine, Italie). Protégé au même titre que les amphibiens, le prédateur des souterrains aquatiques appartient à la famille des salamandres. On le surnomme parfois « poisson humain » car sa peau photosensible ressemble à celle de l’homme. Protégée également, la loutre de mer, qui vit dans les eaux des parcs nationaux de Plitvice et Krka, se nourrit d’écrevisses et de poissons d’eau douce.

Dans ces lacs et rivières, on trouve aussi des anguilles, carpes, truites, brochets, huchons, silures. Dans les zones humides slavones (nord-est), de nombreux oiseaux migrateurs font le bonheur des ornithologues. Dans le parc naturel du Kopački Rit, on compte plus de 275 espèces d’oiseaux. Il y a le héron cendré, le canard sauvage, la poule d’eau, la grue, l’aigle doré, l’aigle aux pieds courts ainsi que des cormorans, aigrettes, sternes, pygargues, cigognes…

Surpêche et réchauffement climatique

Les fonds marins, ceux de l’archipel des Kornati par exemple, sont tapissés de posidonies. Accrochés aux rochers, des gorgones, des coraux, des nudibranches. On peut voir des étoiles de mer, des éponges, plus rarement des hippocampes et très fréquemment des oursins, signes d’une excellente qualité de l’eau. Au large de l’île de Losinj, une petite colonie de dauphins sauvages est choyée par l’association Blue World Institute’s alors que l’on vient de réintroduire des tortues de mer sur la côte istrienne. Sur l’île de Cres, la colonie de vautours-fauves ne fait pas bon ménage avec les vacanciers. On tente de les réimplanter sur le continent.

Sur les terres méridionales, les fosses karstiques ont créé des lacs profonds, des lacs salés où l’eau douce se mêle à l’eau de mer. La flore endémique s’adapte aux fortes températures. Cyprès, oliviers, figuiers, amandiers sauvages puisent l’eau en profondeur. Dans la garrigue ou le maquis, parfumés de plantes aromatiques, se cachent la mangouste, l’hypolaïs des oliviers, la tortue d’Hermann, des lézards, des insectes. Dans le canyon de Paklenica, logent faucons pèlerins, éperviers, busards-chouettes, sans oublier les vipères, deux espèces endémiques, l’unicorne et la péliade. Oui il y a pas mal de serpents en Croatie ! La plupart non venimeux, comme le serpent-léopard, la couleuvre ou l’orvet. En somme une biodiversité admirable !

Un pays partagé entre tourisme et écologie

Mais aujourd’hui, la Croatie n’échappe pas au paradoxe planétaire. Ses eaux cristallines en mer Adriatique attirent toujours plus de monde. Cette surfréquentation nuit à l’écosystème. Ces dernières années, une prise de conscience collective pointe les problèmes de la pression environnementale. Le constat est simple : la poule aux œufs d’or est fragile.

Après la dernière guerre, la Croatie a rapidement valorisé ses ressources naturelles pour les transformer en une véritable mono-industrie. Les enjeux économiques liés au tourisme reposent sur l’attrait de cités historiques mais surtout sur les joies du balnéaire, de la plaisance, sur la découverte des fantastiques parcs nationaux. Avoir la chance d’entrer dans une nature intacte, se baigner au pied des cascades, guetter le passage des oies sauvages, trouver une île déserte, observer les fonds marins, croiser des mammifères marins ou des grands oiseaux… tout cela est possible en Croatie. Problème : chaque été, le tourisme de masse dans le Sud est tel qu’il menace à terme l’équilibre de ce formidable patrimoine naturel. Le bétonnage des côtes et des îles se conjugue avec l’augmentation des bateaux de croisière, de l’exploitation offshore et autres polluants. Mais comment trouver un compromis entre la nécessité d’exploiter la nature et le devoir de préserver notre bien commun ? C’est l’énorme défi qui attend les dirigeants politiques croates et, partant, toute la société civile.