Sculpture d'Albertino Silva © lcdpstock - Shutterstock.com.jpg

Archéologie maritime

Habité tardivement, le Cap-Vert a forgé son identité contre vents et marées. Avec la liberté pour valeur essentielle, le peuple capverdien vit désormais dans une ambiance paisible et chaleureuse. Son passé tumultueux se dévoile sous l’eau. Toutefois, les fonds marins sont loin d’avoir livré tous leurs secrets. Des artefacts d’Europe, d’Asie et d’Afrique sont découverts dans les profondeurs et rassemblés au musée archéologique, anciennement Núcleo Museólogico da Praia. Ces vestiges proviennent des nombreux naufrages survenus autour des îles. Une collection d’objets variés qui nous parlent de la Bolivie et de la Suède, mais surtout du passé métissé du Cap-Vert.

Les frères Figueira

Ancien marin, Carlos Alberto Silva Figueira dit Tchalé Figueira est né à São Vicente en 1953. Il est l’un des peintres cap-verdiens les plus réputés. Ses œuvres rencontrent le succès en Europe, aux Etats-Unis et en Afrique. Il commence sa carrière artistique à l'Ecole des Beaux-Arts en Suisse tout en s’adonnant à la poésie. Tchalé puise son inspiration dans son cadre de vie, à Mindelo et Santo Antão qu’il dépeint avec un trait expressionniste. A présent, il est le peintre cap-verdien le plus tourné vers le monde. Il se démarque par ses séries qui dénoncent la dictature ou la colonisation de l'Afrique.

Tchalé et son frère aîné Manuel peignent et exposent dans leur atelier à Mindelo, mais vous pourrez aussi facilement les rencontrer au café Lisboa, rue de Lisboa, qu’ils fréquentent régulièrement. C’est d’ailleurs l’endroit préféré des artistes de l’île. Manuel Figueira, son frère Tchalé et sa femme Luisa Queirós ont longtemps formé une famille de peintres très connus et estimés dans l'archipel. On dit de Manuel qu’il est le plus inspiré de sa génération.

Ils exposent au premier étage de la Casa Figueira (à proximité de la tour de Belém), transformée en galerie mais aussi sur les murs du Café Lisboa. Après plus de trente ans d'activité, Manuel Figueira est l’une des figures de proue de la scène culturelle. Formé à l'Ecole des Beaux-Arts de Lisbonne, il vit depuis 1975 au Cap-Vert. Depuis, il croque sans relâche la vie de ses contemporains, les saisissant dans des instants du quotidien. Son style, ni naïf ni réaliste à l’excès, intègre des leçons cubistes mêlées d’un vent de liberté qui font sa particularité.

Luísa Queirós

Originaire du Portugal, Luísa Queirós (1941-2017) profite de la Révolution des Œillets pour s’envoler pour le Cap-Vert en 1975. Sortie de l'Ecole des Beaux-Arts de Lisbonne, elle expose pour la première fois en 1966 à l'Ambassade d'Espagne. Devenue enseignante d’arts graphiques, elle s’établit à São Vicente et fait la rencontre de son futur mari, le peintre Manuel Figueira. Luísa lutte alors activement contre le colonialisme. Peu de temps avant l'indépendance, le couple s'installe définitivement à Mindelo. Peintre et poète, elle s’investit dans la promotion de l’artisanat local et participe à la fondation du Centre national de l'Artisanat avec Bela Duarte et son mari.  Sa peinture colorée met en scène des personnages dans un monde inspiré par son environnement direct. Ses silhouettes primitives semblent emportées par des forces invisibles. Les formes arrondies de ses personnages atténuent le sentiment de peur qui émane de certaines de ses peintures.

En parallèle de ses nombreuses activités, elle écrit des livres illustrés pour enfants et expose dans le monde entier, notamment dans la péninsule ibérique, en France, en Belgique et aux Etats-Unis. Elle avait aussi son atelier à la Casa Figueira.

Son amie de toujours, Bela Duarte arrive en même temps qu’elle au Cap-Vert après la révolution du 25 avril. Bela Duarte s’illustre dans la tapisserie et les batiks qui font sa réputation, et poursuit en parallèle une carrière de peintre. Ses toiles se distinguent par leur emploi de la géométrie et du camaïeu. Elle aussi aime représenter le quotidien au Cap-Vert, qu’il s’agisse d’évocations du paysage ou d’activités traditionnelles.

Le Musée d'Art Traditionnel abritait à l’origine les ateliers de tissage d'une coopérative organisée après l'indépendance par Manuel Figueira, Bela Duarte, Luísa Queirós. Désormais, ce magnifique bâtiment chargé d’histoire expose plusieurs centaines de créations entre art et artisanat : sculptures, céramiques, batiks, etc. En visitant ces collections, imaginez que dans les années 30, l'élite de Mindelo donnait des bals dans la grande salle.

La peinture vibrante de Kiki Lima

Coup de cœur pour l’œuvre de Kiki Lima, artiste peintre né en 1953 à Punta do Sol, au Cap-Vert. Il émane de ses figures colorées un dynamisme qui rend hommage à l’esprit festif capverdien. Ses œuvres sont exposées un peu partout sur les îles. Il est en outre le plus acclamé et le plus vendu à l’international. Alors qu’il se prédestinait à une carrière juridique, Kiki Lima part étudier au Portugal mais se réoriente deux ans plus tard vers l’art, qu’il a découvert à l’adolescence. Il se consacre dès lors à la peinture, décidé à faire vivre sa famille nombreuse grâce à son talent. Après une période difficile, accompagnée d’une angoisse qui ressort dans les toiles de ses débuts, il connaît le succès au point qu’il ouvre sa galerie au Portugal. La luminosité reparaît dans ses toiles emplies d’un joyeux expressionnisme. Mais le Cap-Vert lui manque, et de retour sur son île natale, il fonde la Kaza d'Ajinha, un lieu solidarité et de culture. Peintre, sculpteur et dessinateur, il décrit également la vie urbaine et rurale à travers ses chansons. Compositeur-interprète renommé, il chante La marchande de poissons, la Rue de Lisbonne ou encore le Commerce du Coin.

Art des rues

Sur toutes les îles, dans toutes les villes du Cap-Vert, des graffitis décorent les murs des habitations.

Elève de Manuel Figueira, João Fortes a fréquenté le Centre Nation d’Artisanat. Au CNA, il a pu se former à diverses techniques : tapisserie, céramique et peinture. S’il n’a pas encore accédé à la notoriété de son enseignant, il est connu pour la fresque de 30 mètres qu’il a peinte sur l'un des murs de la ville.

Depuis 1993, le festival de musique et d’arts méditerranéen et lusophone Sete Sóis Sete Luas donne lieu à des échanges artistiques entre le Cap-Vert et de nombreux pays. A cette occasion, les street artistes Raphaël Gindt et Daniel Mac Lloyd ont été invités en 2020 au Cap-Vert. Leur résidence de deux semaines les a conduits à s’exprimer dans les îles de Brava, Fogo, Santo Antão et à Santa Catarina de Santiago, avec le soutien de l’Ambassade du Luxembourg. Parmi leurs réalisations : une fresque à la Bibliothèque de Santa Catarina de Santiago ; une seconde sur l’île de Brava qui rend hommage aux femmes du Cap-Vert ; une troisième sur l’île de Fogo, qui sensibilise à la survie d’un oiseau endémique.

Les domaines de prédilection du festival sont la musique populaire et l’art contemporain. Son but est d’entretenir un dialogue interculturel en tissant un réseau fécond.

A Mindelo, capitale culturelle du Cap-Vert, l'art s'affiche volontiers sur les murs. A pieds, à vélo ou en voiture, traquer le street art dans les différents quartiers de la ville offre l’occasion d’aller à la rencontre des habitants.

Pour vous repérer, en partant de la place centrale, prenez la direction de la plage de Laginha avant de longer le front de mer. Autour de la baie de Mindelo, des artistes locaux ont reproduit des dessins d’enfants sur les murs. Tous les élèves de l’école primaire ont été invités à plancher sur le thème de l’environnement. Non loin, à Fonte Cônego, se déploie la fresque la plus connue de cette galerie à ciel ouvert. Signée par l’artiste portugais Vhils, elle met à l’honneur la célébrissime chanteuse de morna Cesaria Evora.

Hors du centre-ville, les street artistes en herbe recouvrent de graffitis les murs du quartier populaire de la praça d'Estrela.

Photographie

La photographie tient une place à part au Cap-Vert. Les paysages des îles inspirent autant les photographes étrangers que les locaux. Une résidence accueille à Mindelo les jeunes photographes de l’Afrique lusophone afin de les aider à se professionnaliser. La résidence Catchupa Factory est financée par la Fondation Calouste Gulbenkian. Pour les photographes africains tels que Michelle Loukidis, c’est l’occasion de montrer au monde une Afrique vue par ses habitants.

Seconde personnalité cap-verdienne la plus connue à l’étranger, l’écrivain João Cleofas Martins (1901-1970) était aussi photographe. Dès 1928, alors qu’il se rend à Lisbonne, il se lance dans cet art. De retour à Mindelo, il fonde en 1931 l’association Foto Progresso. Il prend d’innombrables photos des îles. Les plus marquantes sont celles de la série Lajinha datée de 1938. Chroniqueur radio, il fut l’une des voix qui critiquèrent le régime en place.

A sa suite, Alexandre Conceição (Xan, né en 1950), publie ses photos dans la presse (l'Expresso das ilhas, Afro, Panu di Terra, etc.). Auteur de poèmes, il se consacre à la photographie au sein de la communauté cap-verdienne au Portugal.

Jeune génération

Comme leurs aînés, les artistes de la génération montante allient les disciplines.

Sculpteur, peintre et photographe, Abraão Vicente est représentatif de la nouvelle génération d'artistes cap-verdiens. Blogueur et animateur de télévision, il devient député puis ministre de la Culture et des Industries Créatives en 2016. Né en 1980 à Assomada, dans l’île de Santiago, son œuvre est marquée par le style de Basquiat. Son influence se ressent dans ses tableaux entre collage et graffiti, mélangeant dessin, peinture et papiers recyclés.

Née au Portugal en 1985 mais venue très jeune au Cap-Vert, le pays de ses parents, Cíntia Lima associe action sociale et photographie.

Albertino Silva, mécanicien de métier, façonne des sculptures à partir d’objets recyclés. Cet esprit libre préfère expérimenter les matériaux que courir après la célébrité. C’est bien pour cela qu’on aime son originalité !