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Chalet dans la région de Alpbach © PHG Pictures - iStockphoto.com.jpg

Puissance médiévale

Le Duomo de Trente est un superbe exemple de la puissance et de la sobriété du roman lombard qui se devine notamment dans la silhouette crénelée de la tour-clocher. Un sens de l’épure que l’on retrouve dans l’église de Zell am See qui impressionne par le calme qui se dégage de ses volumes harmonieux. A cette sobriété va ensuite faire place un gothique mêlant motifs mystiques et héraldiques dans des fresques, peintures et sculptures sur bois à la superbe polychromie. Voûtes en croisées d’ogives ou en étoiles joliment nervurées, encadrements des portails et fenêtres stylisés et ornements en relief caractérisent également ce gothique tyrolien. L’église paroissiale de Kötschach avec la voûte de sa nef dont les lignes gracieuses évoquent des motifs floraux ; l’église Saint-Andreas de Laas et la voûte nervurée de sa nef principale évoluant en une nef en étoile au niveau du chœur ; l’église paroissiale de Rattenberg avec son superbe appareillage de blocs de marbre rose et ses chapiteaux stylisés ; ou bien encore l’église paroissiale de Schwaz avec les galeries de son cloître voûtées en ogive, comptent parmi les chefs-d’œuvre de ce gothique. Vous remarquerez d’ailleurs que le nombre de nefs est toujours pair dans les églises tyroliennes… à l’exception de l’église des Franciscains de Schwaz qui, avec ses trois nefs, se veut une interprétation rigoureuse des règles de construction imposées par l’ordre religieux.

Le château de Bruck conserve de très beaux exemples de son origine médiévale, notamment sa Salle des Chevaliers avec son plafond à poutres et solives portant encore la marque de superbes décors polychromes. La forteresse de Berneck avec son portail gothique à encorbellement et le château de Landeck, tous deux sis sur l’ancienne voie romaine, témoignent aussi de cette effervescence défensive. Dans le Tyrol italien, ne manquez pas le légendaire Castello del Buonconsiglio de Trente formé notamment du Castel Vecchio du XIIIe siècle ; la puissante silhouette crénelée du château de Castelbello ; ou bien encore le château de Brunico. A l’ombre de ces forteresses et de ces murs d’enceinte se déploient de charmantes bourgades à l’urbanisme tout médiéval fait de ruelles étroites, volées d’escaliers et passages voûtés menant à des places qui sont le centre de la cité. De toutes les villes du Tyrol, Hall in Tyrol est probablement celle qui a le mieux conservé cet urbanisme. Voyez son découpage en ville haute et ville basse, chacune possédant sa grande place bordée de jolies maisons blasonnées à arcades. La ville possède également un très bel exemple de gothique civil : son hôtel de ville aux arêtes crénelées. Mais le plus beau représentant de ce gothique civil est à voir à Innsbruck. Il s’agit du Petit Toit d’Or, superbe oriel (balcon fermé) faisant office de loge d’honneur. Avec son toit couvert de milliers de bardeaux de cuivre dorés à l’or fin et ses fresques et bas-reliefs à l’effigie de Maximilien Ier, difficile de le manquer !

Splendeurs Renaissance et baroques

Après les fastes du gothique, Maximilien Ier fait souffler sur le Tyrol un vent nouveau : celui de la Renaissance, qui sera fortement teintée d’influences italiennes. Les grands palais se couvrent d’élégantes façades peintes ou à bossages et s’organisent autour de grandes et harmonieuses cours à arcades, tandis que leurs intérieurs s’ornent de somptueux plafonds à caissons, de fresques et de magnifiques travaux de marqueterie. Surnommée « la ville peinte », Trente est célèbre pour ses palais colorés aux élégantes baies géminées. A Rattenberg, les maisons impressionnent avec leurs hautes façades colorées, ornées d’éléments en stuc et d’encadrements en marbre. Vous remarquerez que derrière leurs linteaux horizontaux elles abritent des toits à plusieurs faîtes perpendiculaires à la rue. Ces toits dits « en fossé » étaient pensés pour limiter les risques d’incendie. A Innsbruck, l’église impériale, dont on admire la tribune en marqueterie baptisée « le chœur des princes », abrite l’un des plus beaux et célèbres témoins de cette Renaissance tyrolienne : le mausolée de Maximilien Ier, dont l’empereur conçut lui-même les plans grandioses. Le cénotaphe de marbre blanc, ceint d’une magnifique grille ouvragée, est entouré de 4 figures allégoriques en bronze, d’une statue agenouillée de Maximilien, de 28 statues de bronze (40 étaient prévues au départ !) surnommées « les Bonshommes noirs » et de 24 bas-reliefs. Les châteaux se font désormais palais, comme le château de Tratzberg et ses façades enluminées, ses belles cours à arcades, ses salles ornées de fresques et ses plafonds aux étonnants assemblages de bois réalisés sans aucun clou ! Le château d’Ambras à Innsbruck est un autre magnifique exemple de ce renouveau de la Renaissance. Exit les atours médiévaux massifs et place désormais aux décors raffinés, comme dans la Salle Espagnole ornée de stucs et de grotesques, d’un plafond à caissons, de portes en marqueterie et d’élégantes fresques. La forteresse de Kufstein, elle, montre comment l’architecture militaire s’adapte aux évolutions de l’artillerie : bastions et casemates sont autant de nouveautés structurelles. Puis l’harmonieuse Renaissance va faire place au foisonnant baroque. Art de la mise en scène par excellence, le baroque s’accompagne d’une profusion de stucs, dorures et autres ornements aux formes les plus variées pour créer d’étonnants mouvements. La Karlskirche de Volders est la première grande église baroque du Tyrol. Voyez son étonnant plan en trèfle, ses 6 coupoles et ses clochers à bulbes ornés de tourelles. Wilten possède deux chefs-d’œuvre de ce baroque : l’église abbatiale avec sa façade de crépi orangé s’incurvant jusqu’à un portail flanqué de deux géants en bois peint et son intérieur peuplé de retables noirs rehaussés d’or et de grilles aux élégants décors végétaux ; et la basilique dont le décor intérieur se pare de rose et de blanc, tous deux rehaussés d’or, et de rinceaux et fleurs en stuc. L’abbaye de Stams a perdu sa sobriété cistercienne originelle au profit d’un décor tout en fresques et dorures, auquel on a également ajouté deux tours à bulbes. La « baroquisation » des édifices médiévaux est un phénomène très fréquent, comme le prouve la cathédrale Saint-Jacques d’Innsbruck avec sa façade concave encadrée de deux tours et son dôme monumental. Voyez également les peintures de sa coupole-lanterne dont les effets de perspective donnent une étonnante impression de hauteur. Mais ce baroque n’est pas que religieux, il transforme aussi les maisons et palais. Le Palais impérial d’Innsbruck en est le plus bel exemple. Sa longue façade encadrée de tours à coupoles et ses salles richement décorées, dont la Salle des Géants avec ses panneaux de stucs éclatants aux aspects de porcelaine, portent la marque de ce foisonnant baroque... Tout comme la Maison Helbling avec ses encadrements stylisés et ses fenêtres disposées dans d’étonnants avant-corps convexes, ingénieux moyen de capter au maximum la lumière dans une rue étroite et donc très peu ensoleillée !

Du XIXe siècle au modernisme

C’est à Cortina d’Ampezzo qu’est créé l’un des tout premiers hôtels de luxe du Tyrol italien. Et ils sont nombreux à jalonner la Grande Route des Dolomites, chef-d’œuvre d’ingénierie construit entre 1895 et 1909 pour relier Bolzano à Cortina. Très en vogue à l’époque, l’éclectisme historicisant et le style Belle Epoque, puisant aux sources des styles antique, gothique et Renaissance, ornent les façades de tous ces nouveaux chantres du tourisme. A Merano, le bâtiment phare de la ville, le Kurhaus ou bâtiment de bain, ajoute à tous ces styles néo une touche nouvelle : celle de l’Art nouveau, dit Liberty en Italie. Il mêle colonnades et frontons classiques à des décors floraux et d’élégantes verrières et dômes. Au début des années 1930, la jolie ville de Bolzano attire l’œil du Duce qui souhaite en faire un exemple en matière d’architecture et d’urbanisme fasciste. Aux lignes baroques, on préfère un monumentalisme prônant un retour aux codes antiques à grands renforts de colonnades et portiques. Le Monumento alla Vittoria et le Palace del Tribunale sont deux représentants de ce fascisme architectural.

C’est également dans les années 1930 qu’est construite la Route des Hautes-Alpes Großglockner. 870 000 m3 de terre et de pierre déplacés, 115 750 m3 de maçonnerie réalisés, 67 ponts construits… : des chiffres impressionnants pour cette route s’étalant sur 48 km et 36 virages et s’intégrant parfaitement au paysage grâce à l’emploi de la pierre traditionnelle. Le Tyrol va ensuite s’ouvrir au modernisme sous l’impulsion de deux grands architectes locaux : Clemens Holzmeister et Lois Welzenbacher. Le premier s’est rendu célèbre pour son style monumental puisant aux sources des traditions locales, oscillant entre simplicité et expressivité. Parmi ses grandes réalisations, notons : l’étonnante Passionsspielhaus d’Erl, sorte de virgule de béton posée sur pilotis, ou bien encore la chapelle du cimetière de Lienz érigée en l’honneur des combattants de la Grande Guerre. Au second, on doit des édifices empruntant au style international naissant, mêlant fonctionnalité et rationalité, comme sa tour blanche et anguleuse à Hall in Tyrol ou ses immeubles entourant la gare d’Innsbruck. Lois Welzenbacher fut d’ailleurs le seul architecte autrichien à être convié à l’exposition « International Style » organisée à New-York en 1932 ! Dans les années 1950, le Tyrol va à nouveau se transformer mais cette fois-ci via des mastodontes d’ingénierie tels que le Pont de l’Europe qui nécessita la production de pas moins de 70 000m3 de béton et 3 150 tonnes d’asphalte ou bien encore tous les barrages et réservoirs créés notamment dans la vallée de Kaprun.

Effervescence contemporaine

Rendez-vous tout d’abord à Innsbruck. Le Kaufhaus Tyrol, son grand centre commercial imaginé par David Chipperfield, est une élégante structure dont on apprécie la façade en verre et béton enduite d’un mélange de ciment et de marbre blanc. Dominique Perrault et Daniel Buren y ont entièrement réaménagé l’hôtel de ville avec de lumineuses et aériennes structures en verre. Le cabinet Stoll Wagner a imaginé le Tyrol Panorama, bâtiment longiligne brillant tel un diamant et opérant une délicate liaison avec le Musée Historique des Chasseurs Impériaux. Un dialogue réussi avec le passé que l’on retrouve à l’office de tourisme qui occupe les anciennes écuries impériales et dont la galerie à trois nefs et les voûtes Renaissance dialoguent avec des volumes contemporains épurés. On apprécie également la Maison de la Musique avec les grandes baies vitrées de sa façade animée par des lames mobiles en céramique. Non loin du centre, c’est la marque de Zaha Hadid que l’on découvre. On lui doit le Tremplin de Bergisel, étonnante installation hybride, entre rampe de ski, restaurant et plateforme panoramique, dont on apprécie la structure blanche tout en courbes. C’est également Zaha Hadid qui a repensé les stations du téléphérique d’Hungerburg, notamment la station de Seegrube, dont les formes et la blancheur sont directement inspirées des monts enneigés alentour. Dans le Tyrol italien, l’architecte est l’auteure d’une autre prouesse architecturale : celle du Messner Mountain Museum de Plan de Corones, dont la structure est littéralement blottie dans la roche pour ne pas briser l’harmonie des paysages. La haute montagne est un terrain propice à toutes les expérimentations et à toutes les audaces. Les plateformes y sont spectaculaires, à l’image de la Stubaier Gletscher, structure de métal et de bois suspendue au-dessus du glacier Stubai, ou du pavillon d’acier, de verre et de bois de mélèze du domaine d’Hochgurgl imaginé par Peter Schluck. Les lignes et stations de téléphériques ne sont pas en reste. Voyez les sculptures organiques couvertes de panneaux de tôle d’aluminium courbés des stations du Wildspitzbahn, ou bien les constructions d’acier recouvertes d’une membrane transparente du Gaislachkogelbahn. Ces dernières ont été imaginées par l’architecte tyrolien Johann Obermoser, à qui l’on doit également l’étonnant Restaurant Ice Q à la structure de verre rappelant des blocs de glace. L’élégant Parc des Congrès d’Igls imaginé comme un espace climatique tout en transparence, la Maison du Festival d’Erl s’inspirant des montagnes environnantes, sans oublier l’incroyable Musée d’Art Moderne et Contemporain de Rovereto imaginé par Mario Botta comme un « panthéon sans façade » dont les 3 étages s’organisent autour d’une grande agora surplombée d’une grande coupole de verre… : voilà quelques autres superbes exemples de l’effervescence contemporaine qui ne cesse de transformer le Tyrol !

Richesses vernaculaires

A très haute altitude, les constructions sont quasiment toujours en pierre, mais dans les alpages plus verdoyants se déploie une architecture étonnante : celle des fermes et chalets en bois. Solidement ancrées sur une base de pierre, pour renforcer l’isolation de la maison, ces maisons rustiques se reconnaissent à leurs toits pentus, dont l’avancée protège la façade décorée de belles peintures et ornée d’oriels et de galeries de bois. Lambrequins et frises ciselés tels de la dentelle s’ajoutent à cet art du décor unique que l’on retrouve également dans les intérieurs lambrissés, où le mobilier est peint de couleurs vives et décorés de motifs au pochoir (fleurs, étoiles, cœurs). Epicéa, mélèze, sapin, frêne, noisetier… : les essences les plus diverses sont utilisées selon leur propriété pour atteindre un raffinement unique dans les travaux de sculpture et de marqueterie. Le clocheton en façade est là pour rythmer la vie quotidienne. Le plus beau village où découvrir cette architecture et ces chalets est sans conteste Alpbach. Vous pourrez également visiter de nombreux écomusées. Parmi les plus célèbres : le Musée des Fermes Tyroliennes à Rattenberg, le Musée Régional et Ecomusée de l’Ötztal et bien sûr le Musée des Arts et Traditions Populaires du Tyrol à Innsbruck. Dans le Trentin-Haut-Adige, vous verrez plus fréquemment des grandes fermes blanches, en maçonnerie sur 1 ou 2 étages et avec un toit à pignon en bois. Le rez-de-chaussée est pour les bêtes, le 1er étage pour l’habitation et le grenier pour le stockage du foin. En façade, on retrouve souvent escaliers et balcons en bois. A partir de la seconde moitié du XXe siècle, cette architecture vernaculaire redevient très à la mode, les stations de ski usant et abusant du modèle chalet pour leurs hôtels, tandis que ne cessent de naître un peu partout des chalets résolument modernes mêlant la rusticité du bois à des formes toujours plus originales, tout en prônant la simplicité et la durabilité !