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Dubaï avant Dubaï

Au XIXe siècle, Dubaï était une bourgade de pêcheurs à l’architecture modeste, certes, mais déjà très élaborée. Pour découvrir cet étonnant passé, rendez-vous dans le quartier de Shindagha et d'Al Fahidi et à Deira, les plus anciens quartiers de la ville, qui ont conservé leur tissu urbain traditionnel fait d’étroites ruelles permettant de lutter contre les contraintes du vent et de la chaleur, car protégées par la très forte densité de maisons alentour. Pour leur habitat traditionnel, les Dubaïotes ont depuis toujours privilégié matériaux et constructions permettant une parfaite gestion de la température et de l’aération. Ainsi, les nomades utilisaient pour l’hiver des tentes portatives de forme pyramidale avec un mât central soutenant la structure, elle-même recouverte de peaux d’animaux ; tandis que l’été, surtout dans les palmeraies, ils construisaient des maisons de type « arish » très aérées et entièrement tissées en feuilles de palmier.

Les tentes bédouines sont appelées aussi Bait Al Shaar. Elles servaient de maisons dans le désert et pendant l'hiver, et leur nom peut être littéralement traduit par la « maison des poils ». Elles sont traditionnellement tissées avec les poils des chèvres. Aux Émirats elles sont à larges bandes blanches et noires et la toile est soutenue par des pieux dont le nombre plus ou moins important était un signe de richesse. La couleur blanche et noire est obtenue sans teinture, car elle est la couleur des pelages des animaux. Une fois tissées pendant de longs mois, les pièces sont cousues entre elles. Les poils de chèvre sont naturellement imperméables et donc parfaitement adaptés aux averses en hiver.

Pour les maisons en dur, les mélanges de matériaux étaient privilégiés : dans les zones côtières, les murs des maisons étaient réalisés à base de corail fossilisé coupé en blocs, collé avec un mélange d’argile et de fumier combiné avec du plâtre ; tandis qu’au cœur des villes, les maisons étaient réalisées avec des pierres faites de boue transformées en blocs. D’un point de vue de la structure, ces maisons sont régies par deux points clés : le respect de l’intimité et la ventilation. Elles disposent ainsi de peu d’ouvertures sur l’extérieur et s’organisent autour d’une cour centrale intérieure sur laquelle donnent l’ensemble des pièces. La cuisine et les équipements fonctionnels sont concentrés par mesure de sécurité dans une partie de la cour. Pour la ventilation, en plus d’une toiture aérée réalisée en poutres et feuilles de palmier, de nombreuses maisons possédaient une tour à vent, ingénieux système de ventilation ressemblant à une cheminée à quatre faces, dotée à son sommet de fentes verticales permettant de capter le vent, son intérieur étant séparé en différents conduits permettant de séparer courants ascendants et descendants et, par un jeu de pression, d’évacuer l’air chaud et de faire pénétrer l’air frais. La tour à vent est l'ancêtre de la climatisation. Importée par les Perses, on la retrouve dans le quartier Al Fahidi de Dubaï. On en comptait près de 1 500 au milieu du XXe siècle dans la capitale dubaïote. Elle consiste en une tour qui s'élève à plus de cinq mètres au-dessus de la chambre à coucher ou du majlis et ressemblant a de grandes cheminées, capteur de vent, en général situé à l'opposé des vents du désert pour éviter que le sable ne pénètre à l'intérieur des maisons. En captant l'air plus haut, elle crée une ventilation pour la pièce située directement en dessous. En l'absence de vent, l'air contenu dans la tour, chauffée par le soleil, se réchauffe. Du fait de la convection, l'air monte, s'échappe de la tour par le haut et crée un appel d'air qui ventile les pièces. L’espace le plus important de ces maisons est le majlis, dont le nom signifie littéralement « endroit pour s’asseoir ». Il s’agit d’un espace culturel et social où l’on reçoit les invités. Le reste des pièces est destiné uniquement à l’usage de la famille, c’est le cas notamment de la galerie ou porche (al-liwan) donnant sur la cour intérieure qui, elle-même, apporte lumière et aération à l’ensemble des pièces de la maison. En matière de décoration, l’élégance est de mise avec des tapis de sol colorés, des treillis en bois complexes aux fenêtres et des portes en bois sculptés selon des motifs empruntés au vocabulaire islamique. Parmi les plus beaux exemples de cette architecture vernaculaire, notons l’Heritage House, la maison Cheikh Saeed al Maktoum. Au cœur de ces quartiers historiques se trouve un autre élément incontournable de l’urbanisme islamique : le souk, sorte de ville dans la ville, avec d’étroites rues flanquées de boutiques regroupées en branches commerçantes, et possédant souvent une haute charpente de bois permettant de protéger des rayons du soleil. Parmi les plus beaux souks à ne pas manquer : le Souk Al Kabeer avec ses arches de bois ajourées, le Souk de Bur-Dubai ou bien encore le Souk Naif de Deira. Mais avant même de devenir une véritable ville, Dubaï était déjà une zone très convoitée, ce qui explique la présence de nombreuses fortifications. Le Fort Al-Fahidi fut ainsi érigé en 1787 pour protéger la zone des invasions étrangères. Ses murs sont faits d’un mélange de pierres de corail, coquillages et sable, son plafond est en troncs de palmier et ses tours répondent toutes à des fonctions précises (stockage, plateforme de tir…) Au cœur d'Al Fahidi, il est également possible d’apercevoir des vestiges du mur d’enceinte qui protégeait Dubaï au XIXe siècle. Dans la première partie du XXe siècle, Dubaï continue de se doter d’ouvrages fortifiés, comme le Fort Naif de Deira en gypse et corail ou la Tour de Guet de Shindagha avec créneaux et mâchicoulis.

Effervescence architecturale

Il faut attendre les années 1940-1950 et la découverte du pétrole pour que la ville connaisse sa première grande phase de développement. L’essor de la ville est tel qu’elle doit se doter d’un bureau d’architecture en charge de sa planification. Ses terrains constructibles sont déjà très convoités, alors l’enjeu est de taille, mais les constructions de l’époque sont encore assez modestes comme en témoigne le Municipality Museum qui abrita le premier hôtel de ville de Dubaï. Avec la création des zones portuaires de Port Rashid et Jebel Ali dans les années 70-80, la ville continue son expansion. Malheureusement, cette dernière se fait au détriment des quartiers historiques qui perdent leur rôle de noyau central, la ville s’organisant désormais de façon multipolaire. Cependant, la ville possède un élément structurant : la Sheikh Zayed Road, tout à la fois artère principale de la ville et autoroute reliant les Emirats arabes unis entre eux. Elle fut inaugurée en 1980, mais sa forme actuelle date des années 90. C’est elle qui donne à la ville sa lisibilité. Et c’est elle qui accueille les premières grandes tours de la ville. Rivalisant d’audace, ces tours participent, partout dans la ville, à une forme de mise en scène de l’espace urbain. Il semble loin le temps du World Trade Center, « simple » tour de béton datant de 1979. Désormais, le verre et l’acier se plient aux imaginations débordantes des architectes. Les tours se comptent par centaines, formant une skyline unique au monde… Mais quelques-unes sont devenues au fil du temps les emblèmes de la ville : la Burj Al Arab qui se dresse telle une voile blanche gonflée par le vent ; les tours panoramiques de la Marina de Dubaï, plus grande marina artificielle du monde ; les différentes tours du quartier de Jumeirah, celles des Emirates Towers, deux tours symétriques où domine la forme du triangle emprunté aux motifs islamiques, revêtues d’un habillage de verre et de métal argenté qui élancent vers le ciel leur élégante silhouette profilée de plus de 300 m ; ou bien encore l’Infinity Tower dont les 73 étages tournent sur eux-mêmes en s’élevant, les étages les plus hauts étant ainsi décalés de 90 degrés par rapport au sol et représentant alors… l’ADN ! Et n’oublions pas bien sûr la désormais légendaire Burj Khalifa, pièce maîtresse du Downtown Dubai, qui culmine à 828 m. Tutoyant les cieux, ces tours tentent malgré tout de concilier gigantisme et échelle humaine en repensant leur base, les ouvrant aux commerces et créant de vastes esplanades. Mais Dubaï n’est pas faite que de tours ! La ville propose aussi une relecture contemporaine des édifices traditionnels de la culture islamique. La Mosquée Jumeirah, la plus importante de la ville, est, avec ses deux minarets et sa grande coupole centrale en pierre calcaire, une réinterprétation des mosquées fatimides où hautes arcatures et riches motifs décoratifs prévalaient. Quant à la Mosquée Al-Farooq, surnommée la « mosquée bleue », elle se veut une copie de la célèbre mosquée stambouliote du même nom. Elle impressionne par ses 4 minarets de 65 m, son dôme de 30 m de haut et ses vitraux laissant pénétrer la lumière. Le Souk Madinat Jumeirah a été entièrement pensé sur le modèle des marchés traditionnels avec ses longues allées surplombées d’une charpente en bois aux arches ajourées. Même les malls, ces gigantesques centres commerciaux, reprennent les codes de cet urbanisme marchand, comme dans le Wafi Mall et le Souk Khan Murjan. Enfin, pensez à réserver à l'avance une visite du nouveau musée du futur. Sa visite reflète bien le côté innovant de Dubaï. Par ailleurs, éclairée la nuit, son architecture vaut le détour !

Dubaï demain

Terre d’infinies possibilités, Dubaï est très vite devenue une terre d’expérimentations architecturales, dont certaines relèvent presque de la science-fiction ! Comme la Dubai Media City dont la planification urbaine a été réalisée à l’aide d’algorithmes et autres QR Codes déterminant l’implantation la plus adaptée pour les rues, places, parcs et blocs résidentiels la composant. Cette Smart City se donne aussi des ambitions écologiques et durables, en cherchant notamment à améliorer les solutions de mobilité, un enjeu de taille dans une Dubaï tentaculaire. Des questionnements qui ont été au cœur de l’Exposition Universelle en 2021-2022. L’événement qui trouve aujourd'hui une suite avec Expo City, a été structuré autour de trois thématiques phares : opportunité, mobilité et durabilité. Dubaï est ainsi devenue une belle vitrine de l’architecture de demain ! Les plus grands noms de l’architecture s'y croisent : la célèbre agence Grimshaw Architects a ainsi imaginé le pavillon Durabilité, que l'on peut encore visiter aujourd'hui, comme une sorte d’expérience holistique convoquant tous les sens et s’organisant autour d’un parcours paysager ; Norman Foster a réalisé le pavillon Mobilité qui se visite aussi encore, avec pour objectif l’excellence en matière d’architecture verte ; Santiago Calatrava, lui, a réalisé le pavillon des Emirats arabes unis, encore ouvert au public aussi. Sa forme reprend celle d’un faucon prenant son envol… et il y a encore bien d’autres trésors d’architecture à découvrir ! En marge de l’exposition, la ville a dévoilé d’autres étonnants projets comme le vaste projet de réaménagement du quartier de Creek Harbour que la municipalité souhaite transformer en « Riviera du Moyen-Orient » et où elle a démarré un projet de construction d'une tour encore plus grande que la Burj Khalifa. L’Exposition Universelle a été aussi l’occasion pour la ville de développer son réseau de transports urbains, en ajoutant notamment de nouvelles stations de métro, une manière de tenter de décongestionner la ville, tout en resserrant son tissu urbain. En parallèle de l’effervescence suscitée par l’Exposition, Dubaï continue à mettre en lumière architectes et créateurs via son Dubai Design District, également appelé d3, qui lui a permis de rentrer dans le grand réseau des villes créatives de l’UNESCO. Ce hub de l’innovation et de la création porte l’empreinte de Norman Foster qui a participé à la planification du quartier, créé de nombreux studios et ateliers et imaginé le Dubai Institute of Design and Innovation. Pour vous remettre de toutes ces émotions architecturales, n’hésitez pas à poser vos valises au ME Dubai, seul hôtel au monde entièrement conçu par Zaha Hadid et dont la silhouette de bloc de glace fondant ne vous laissera pas indifférent ! Fière de son statut d’eldorado pour architectes audacieux, si Dubaï s'est calmée à la fin des années 2010 et au début des années 2020, les projets les plus fous ont repris récemment. Vous verrez partout, jour et nuit, des grues qui s'activent à construire la ville où il fait le plus bon vivre dans le monde, selon le vœux de Cheikh Mohamed bin Rashid, Vice Président des Emirats Arabes Unis et gouverneur de Dubaï.