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Le Bordeaux de Montaigne

Commençons notre voyage littéraire par la capitale girondine. A Bordeaux, sur la place des Quinconces, deux statues se font face d’un bout à l’autre. D’un côté Montaigne et de l’autre Montesquieu. Intéressons-nous d’abord au premier. Considéré comme le fondateur des sciences humaines, le célèbre philosophe et humaniste de la Renaissance a donné son nom à la faculté installée dans le domaine universitaire de Talence-Pessac-Gradignan. Montaigne est né dans un château dans le Périgord, puis il est scolarisé au collège de Guyenne à Bordeaux. Il réside alors dans la maison familiale, rue de Rousselle. Il étudie le droit et devient rapidement conseiller au Parlement de Bordeaux. Il siège alors au Palais de l’Ombrière, aujourd’hui disparu, mais qui se tenait sur la place du Palais actuel. Près de 15 ans plus tard, il prend sa retraite et parcourt l’Europe avant d’être rappelé à Bordeaux, où il vient d’être élu maire malgré lui ! En parallèle de son mandat, il rédige ses fameux Essais, qu’il publie dans plusieurs éditions. C’est d'ailleurs chez un imprimeur bordelais, Simon Millanges, que les deux premiers livres des Essais sont édités pour la première fois. Un exemplaire imprimé de 1588 est aujourd’hui conservé à la Bibliothèque municipale de Bordeaux : avis aux amateurs ! Montaigne s’éteint à l’âge de 59 ans, dans son château à Saint-Michel-de-Montaigne (la Tour historique et le domaine sont accessibles à la visite) et repose dans l’église des Feuillants à Bordeaux, à l’emplacement actuel du musée d’Aquitaine.

Le quartier des Chartrons

Poursuivons le séjour dans le quartier des Chartrons, source d’inspiration du romancier François Mauriac. Comme souvent, la réalité a inspiré la fiction : c’est un fait divers qui a donné à Mauriac l’idée de sa fameuse Thérèse Desqueyroux. En 1920, ce jeune Bordelais de 20 ans assiste au procès d’Henriette-Blanche Canaby, accusée d’avoir voulu empoisonner son mari. Le couple vit au 54, quai des Chartrons dans une belle demeure donnant sur la Garonne. L’affaire est singulière : la victime prend fait et cause pour son épouse... L’accusation vient en réalité du pharmacien qui s’étonnait de traiter des ordonnances d’un docteur landais, prescrivant à l’époux Canaby des produits toxiques. Vérification faite, l’écriture et la signature avaient été falsifiées. Le verdict tombe : Henriette est inculpée et incarcérée à la prison du Hâ, avant d’être acquittée et de fuir la Gironde. De cette étrange histoire est née Thérèse Desqueyroux, roman phare de Mauriac, publié en 1927. Reprenant l’intrigue principale, il la déplace des Chartrons dans la commune d’Argelouse, située dans la forêt des Landes. Le livre est un succès. C’est à cette même période qu’il hérite de la propriété familiale de Malagar…

Le Domaine de Malagar de Mauriac

Né au 89, rue du Pas-Saint-Georges, au cœur du quartier Saint-Pierre de Bordeaux, François Mauriac est une personnalité emblématique de la ville. Il déménage rue Duffour-Dubergier, puis rue Vital-Carles, passe ses vacances à Gradignan et dans les Landes, avant de rejoindre la capitale. A l'âge de quarante ans, il hérite du domaine de Malagar, situé dans la commune de Saint-Maixant en Gironde, petite maison bourgeoise du XIIIe siècle. Il y passera le reste de sa vie à rédiger quelques chefs-d'œuvre, dont Le nœud de vipères et Le Mystère Frontenac, et de nombreuses chroniques compilées dans son Bloc-notes. Aujourd’hui, le domaine a laissé place au Centre François Mauriac de Malagar, ouvert au public. Dans les pas de l’écrivain, les curieux peuvent visiter ce lieu d’exception en pleine nature offrant un panorama sur les vignobles et la forêt des Landes. Des balades littéraires sont proposées : une alternative originale pour découvrir à la fois les paysages et l'œuvre romanesque de Mauriac. La balade « Entre les pages du Nœud de vipères » permet de découvrir les environs du Domaine jusqu’au village de Verdelais, entre vigne et coteaux ; tandis que la balade « Sur le sable de la forêt landaise » explore ce territoire très présent dans les romans, notamment le chalet d’enfance de Saint-Symphorien. Toutes les offres sont sur le site internet de Malagar.

Château de la Brède

Après la ville de Bordeaux et le domaine de Malagar, la troisième étape littéraire nous entraîne dans le petit village de la Brède, au sud de la capitale girondine. D’architecture gothique, le château de la Brède a été le domicile du penseur Montesquieu pendant une partie de sa vie. C’est ici qu’il naquit en 1689. Huit siècles plus tard, le domaine a gardé l’esprit du philosophe. Classés au titre des Monuments Historiques, le château et son domaine sont ouverts au public et retracent notamment la vie de son célèbre hôte. Né Charles-Louis de Secondat, le jeune homme entame des études de droit à 15 ans à Bordeaux. Devenu baron de la Brède au décès de son père, Montesquieu devient président au Parlement à seulement 27 ans. Tout au long de sa vie, il se consacre aux lettres et aux sciences politiques et naturelles. Son œuvre phare reste aujourd’hui les Lettres persanes. Il y met en scène des Persans découvrant Paris, lui permettant de dresser un tableau satirique de la France et de la religion. Entre plusieurs voyages en Europe, Montesquieu revient régulièrement dans la région, au château de la Brède, mais également à Bordeaux. Il habita notamment rue Margaux, rue du Mirail puis rue Porte-Dijeaux où il finit sa vie. Aujourd’hui à cette adresse se dresse la célèbre librairie Mollat, plus grande librairie indépendante de France (2 500m²). Un lieu chargé d’histoire !

La Villa Arnaga

Faisons un saut de 200 kilomètres pour rejoindre le Pays basque et la jolie cité de Cambo-les-Bains. C’est ici que le célèbre dramaturge français Edmond Rostand vécut à partir de ses trente ans. Artiste de la fin du XIXe siècle, il restera pour toujours attaché à son célèbre héros Cyrano de Bergerac. A l’époque, il quitte la capitale sur les conseils de son médecin. C’est à une vingtaine de kilomètres de la côte d’Argent, non loin des rives de la Nive, que l’artiste crée cette maison de style néo-basque dont l’intérieur ressemble à un somptueux décor de théâtre. Son jardin à la Française offre une vue sur les montagnes pyrénéennes, tandis qu’à l’opposé, un jardin à l’anglaise offre un écrin de fleurs et de douceur. Aujourd’hui, cette demeure d’exception accueille le Musée d’Edmond Rostand. Plongez dans l’univers de ce poète méconnu à travers ses nombreuses œuvres, ses manuscrits et ses dessins.

La Côte basque de Pierre Loti

Rochefortais de naissance, mais Basque de cœur, Pierre Loti a vécu de nombreuses années dans le Pays basque. Cet écrivain, membre de l’Académie française et officier de marine a laissé derrière lui une œuvre très marquée par l’exotisme. Sa longue carrière lui permet de sillonner les mers du monde et de ramener des souvenirs transformés en roman autobiographique. Si son plus grand succès, Pêcheur d’Islande, met en scène la passion d’une jeune Bretonne et d’un marin pêcheur des Côtes-d’Armor, Pierre Loti trouve également l’inspiration dans le territoire basque. C’est ici qu’il s’installe à ses quarante ans dans le petit village de Sare. Ce nouvel environnement lui inspire une de ses œuvres maîtresses : Ramuntcho. Récit d’amour et d’aventure, le roman se déroule dans le milieu des contrebandiers basques. L’écrivain décrit un Pays basque traditionnel et folklorique, que certains pourraient juger presque caricatural. Pourtant, Ramuntcho est un succès emblématique de la région et plusieurs fois adapté au cinéma. Malade, Loti s’éteint à 73 ans à Hendaye, avant d’être enterré sur l’île d’Oléron.

Maison de Pierre Benoit à Saint-Paul-lès-Dax

Pierre Benoit connaît aujourd’hui un succès moindre, et pourtant il fut à son époque un écrivain reconnu, distingué par l’Académie française, nommé au Goncourt et dont les œuvres furent plusieurs fois adaptées au cinéma. Auteur de romans d’aventures, plusieurs de ses récits se déroulent sur la côte aquitaine : Don Carlos au Pays basque, L’île Verte en Gironde… Fuyant la notoriété, Pierre Benoit passe beaucoup de temps dans la maison familiale de Saint-Paul-lès-Dax, qu’il baptisa, dans l'un de ses romans, La Pelouse. Pendant de nombreuses années, la demeure a été un musée perpétuant la mémoire de ce romancier populaire. Aujourd’hui, la maison, achetée par la Ville, a ses volets clos, mais des visites sont organisées de temps en temps.

Et aussi…

Nombreux sont les auteurs ayant trouvé l’inspiration dans le territoire. La liste ne peut être qu’exhaustive, mais citons pour l’exemple Jean-Henri Séqué et Bernard Manciet, poètes gascons, Francis Jammes, poète et romancier ayant passé la majeure partie de son existence dans le Béarn et le Pays basque et le poète landais Jean Rameau. Encore aujourd’hui, la côte Aquitaine continue d’inspirer les auteurs contemporains, parmi lesquels Emmanuelle Bayamack Tam, Marie Darrieussecq, Anne-Marie Garat ou encore Chantal Thomas, romancière française ayant passé son enfance et son adolescence à Arcachon. Du côté des hommes, le dramaturge bordelais Jean Anouilh a séduit le public avec ses pièces, au même titre qu’Hervé Le Corre avec ses polars. Du côté du neuvième art, un auteur de bandes dessinées de Mont-de-Marsan tire son épingle du jeu : Jean Harambat dont une des œuvres, En même temps que la jeunesse, s’inspire du sport régional : le rugby.

Enfin, que serait la littérature sans les éditeurs ? En Nouvelle-Aquitaine, plusieurs dizaines de maisons d’édition proposent des romans, de la poésie et des beaux livres ! Tous dénichent des perles d’art.