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Des studios florissants

Le cinéma japonais est déjà ancien, puisqu’il remonte à 1896. Il est d’abord diffusé dans les salles de théâtre avec des présentateurs de marionnettes. Tokyo et Kyoto sont alors au premier rang puisque les séances ont lieu dans les deux métropoles. En 1908, le temple Shinnyodo, à Kyoto, est le décor du premier film de Shōzō Makino, Honnoji Kassen. Deux ans plus tard, Kyoto voit naître le premier studio de cinéma : le studio du château de Nijo. Ce n’est qu’en 1912 que naît la première société de production de films japonais, Nikkatsu, cette fois à Tokyo. En 1926, le Toei Studio Kyoto voit le jour. Ce lieu gigantesque est propice à la construction de faux décors et au développement d’effets spéciaux.

Des débuts difficiles

Les années 1930 amènent les premiers films de Yasujiro Ozu : Le Cœur de Tokyo, Après notre séparation et Gosses de Tokyo. Les années 1950 représentent l’âge d’or du cinéma japonais. En 1951, Akira Kurosawa reçoit le Lion d’or de Venise pour Rashōmon, dont l’intrigue prend place à Kyoto. En 1953, Ozu raconte l’histoire d’un couple de retraités qui viennent rendre visite à leurs enfants vivant à Tokyo dans Voyage à Tokyo. Ozu met en scène la désintégration du système familial japonais pour la première fois à l’écran et crée ainsi un monument du cinéma japonais. Le nombre de films chute dans les années 1970-1980 en raison de la disparition progressive des grandes firmes nationales de production. On retient cependant L’Empire des sens d’Oshima Nagisa, en 1975 où, dans un Tokyo bourgeois, une domestique anciennement prostituée se plaît à regarder les ébats de ses maîtres. S’ensuit un cinéma de l’ombre dans les années 1980-1990, qui ne s’exporte pas et auquel les Japonais préfèrent le cinéma hollywoodien. Les années 2000 amène un cinéma d’auteur mené par des réalisateurs tels que Kichitarō Negishi, Sōmai Shinji ou encore Hirokazu Kore-eda, dont l’approche novatrice et épurée de la fiction se rapproche du documentaire. En 2018, ce dernier sort Une affaire de famille mettant en scène l’histoire d’une petite fille perdue trouvant refuge dans une famille résidant à Tokyo. Cette œuvre est un succès international et reçoit la Palme d’or à Cannes la même année, ainsi que le César du meilleur film étranger en 2019. En 2023, un autre film de Kore-eda, Monster (Kaibutsu), se voit décerner la Queer Palm du festival de Cannes.

L’univers des films d’animation

Le cinéma nippon est indéniablement empreint d’un genre particulier : le film d’animation. Un cinéma d’animation de grande qualité apparaît dans les années 1990, concurrençant sérieusement les productions américaines. Tokyo et Kyoto participent considérablement au développement de ce genre, Hayao Miyazaki et les studios Ghibli à Tokyo entre autres. Maître incontesté de la discipline, Miyazaki est le réalisateur japonais le plus célèbre à l’étranger. Né en 1941 à Tokyo, il entame une carrière comme intervalliste dans les célèbres studios d’animation Tōei, où sont créés les plus grands mangas nippons. Il y fait la connaissance d’Isao Takahata. Ils signent leur premier long-métrage, Le Château de Cagliostro, en 1979. Non seulement ce film rencontre un grand succès à sa sortie mais demeure encore aujourd’hui l’un des classiques du genre. En 1985, Miyazaki et Takahata montent leurs propres studios, les studios Ghibli, un laboratoire d’idées où est produit ce qui se fait de mieux en matière de mangas et de films d’animation. Les studios Ghibli produisent des chefs-d’œuvres d’animation comme Le Château dans le ciel, Princesse Mononoké ou Le Voyage de Chihiro qui font des millions d’entrées dans le monde entier, sans parler de leur immense succès au Japon. Kyoto de son côté, voit naître les studios KyoAni (abréviation de Kyoto Animation) en 1981. Sous l’initiative de la productrice Yoko Hatta, le studio travaille d’abord en post-production ou en co-production avec d’autres enseignes comme Sunrise ou les studios Ghibli (notamment sur le dessin animé Kiki la petite sorcière). C’est avec le dessin animé Munto, en 2003, que KyoAni commence ses propres productions. Trois ans plus tard, le studio gagne en notoriété grâce à la série La Mélancolie de Haruhi Suzumiya relatant les aventures de deux jeunes lycéens fascinés par les phénomènes paranormaux. Parmi les dernières sorties du studio, on retrouve A Silent Voice (2016) ou encore Liz et l’oiseau bleu (2018).

À l’international

La culture nippone n’en finit pas de fasciner les réalisateurs et producteurs du monde entier. Encore une fois, Tokyo et Kyoto se retrouvent au cœur de nombreuses œuvres, qu’elles soient indépendantes ou à gros budget. Voici un petit tour d’horizon des plus célèbres d’entre elles. À commencer par Yakuza de Sydney Pollack, sorti en 1974. Cette œuvre, maintenant devenue culte, inspire de nombreux films dont Kill Bill (2003) de Quentin Tarantino. Ce film en deux volumes raconte la quête vengeresse d’une mariée (Uma Thurman) qu’on a tenté d’assassiner le jour de ses noces. Son périple la mène au Japon, à Tokyo. Tarantino, inspiré par le restaurant Gonpachi Nishiazabu à Tokyo, décide de l’utiliser comme décor pour l’une des scènes les plus spectaculaires du film. En 2005, le magnifique Mémoire d’une geisha nous transporte à Kyoto. Cette œuvre délicate de Rob Marshall raconte l’histoire de Chiyo, jeune Japonaise aux yeux bleus et de sa vie de geisha, de son apprentissage à son apogée. Bien que se déroulant au Japon, le film est tourné presque intégralement en Californie, à l’exception de quelques scènes tournées à Kyoto (entre autres au sanctuaire Fushimi Inari Taisha, au temple Kiyomizu-Dera ainsi qu’à celui de Yoshimine-Dera). Un an plus tard, le réalisateur mexicain Alejandro González Iñárritu passe par Tokyo pour les besoins du dramatique Babel. En 2008, trois réalisateurs renommés (les Français Michel Gondry et Leos Carax ainsi que le Coréen Bong Joon-Ho) s’associent pour sortir le très beau Tokyo! Ce film composé de trois courts-métrages se déroulant tous dans la ville de Tokyo, reçoit une nomination au Festival de Cannes dans la catégorie « Un certain regard » et remporte le prix Titra film au Festival international du film fantastique de Neuchâtel. N’oublions pas des films à succès comme Lost in Translation (2003) de Sofia Coppola, où tout ce qu’il y a de plus pittoresque et folklorique dans la culture japonaise sert de décor à une chaste histoire d’amour entre Bill Murray et Scarlett Johansson ; le blockbuster Fast and Furious : Tokyo Drift ainsi que le délicat Tokyo Fiancée de Stefan Liberski.