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L’or brun des Mayas

Un petit arbre qui fait des miracles ! Le cacaoyer poussait de manière sauvage, mais très tôt les civilisations d’Amérique latine développent des plantations pour récolter les fèves de la cabosse (vingt à quarante fèves par cabosse). Il pousse sous un climat tropical chaud et humide autour de l’équateur, dans les Antilles et en Afrique (Ghana, Tanzanie). Il mesure entre 3 et 8 m à l’ombre d’autres arbres.

La monnaie d’échange des Mayas a bien évolué ! Ils utilisaient les fèves de cacao contre de la nourriture, des vêtements et pour tout troc en général. Ils confectionnaient un breuvage à partir des fèves broyées, bouillies avec du poivre, différentes espèces de piments et du roucou (colorant naturel). C’est à l’apogée de la civilisation maya (vers 600 apr. J.-C.) que le cacao prend toute sa valeur. Cette boisson très amère et légèrement granuleuse était initialement réservée aux prêtres, aux rois et aux nobles aztèques. La « nourriture des dieux » était bue lors de rituels et de cérémonies. Une boisson sacrée qu'ils nommèrent xocoatl (xoco = épicé; atl = eau). La légende maya du Serpent à plumes raconte que l’année 1519 devait voir revenir le richissime roi des Aztèques Quetzalcoatl. C’est Hernán Cortes, explorateur du Nouveau Monde, qui se présenta avec ses troupes couvertes d’armures en forme d’écailles flamboyantes, tel des serpents reluisants ! Cette boisson est donc initialement liée à celle de la colonisation. Dès 1524, l’or brun des Mayas se transforma en or pour les Espagnols et très vite la boisson chocolatée inonda les grandes cours d’Europe pour ses vertus dynamisantes, euphorisantes et aphrodisiaques.

Les pionniers suisses

Pourquoi la Suisse est devenue le pays du chocolat ? Au XVIIe siècle, la boisson chocolatée est sirotée par toute l’aristocratie d’Europe. La recette a évolué et devient plus onctueuse avec l’ajout de sucre, de vanille, de fleur d’oranger. C’est à Bruxelles, en 1679, que le maire de Zurich goûte pour la première fois le breuvage en vogue. Comme beaucoup d’autres, il le fait découvrir à son cercle d’amis et sa réputation se diffuse. Dans les années 1800, le chocolat change de forme : des fabriques voient leur apparition en Italie. Le chocolat à boire devient donc « à croquer » et des pionniers, sur les rives du lac Léman, comme François-Louis Cailler, ouvrent une manufacture très moderne à Corsier-sur-Vevey en 1819. Il devient le père de la tablette en chocolat. Le chocolat sous cette forme est rendu possible grâce une mécanisation moderne et s’exporte plus facilement.

Le chocolat suisse atteint des sommets

Avant-gardistes, les Suisses changent la recette de base limitée au seul chocolat noir. En 1826, c'est au tour de Philippe Suchard de se lancer dans la fabrique de chocolat dans le canton de Neuchâtel. Jacques Foulquier est le prédécesseur de Jean-Samuel Favarger (chocolatier genevois). Charles-Amédée Kohler ajoute en 1830 des noisettes à la recette et diversifiera la gamme commercialisable.

C’est à Daniel Peter (époux de Fanny Cailler) que revient la création du chocolat au lait en 1875. Les pâturages suisses voient grandir de belles vaches laitières qui fournissent une matière naturelle de qualité. Avec son épouse, il expérimente de nombreuses recettes et découvre le secret de la réussite : marier le cacao avec du lait en poudre. Qui ne connaît pas la croustillante et onctueuse branche Cailler ? C’est une révolution et très vite il sera imité. L’héritage perdure et la maison Cailler, dans le canton de Fribourg, vous accueille dans son musée pour une expérience interactive, l’histoire chocolatière et une délicieuse dégustation. Vous découvrirez que la maison s’unit en 1929 à Nestlé, le numéro un mondial de l’agroalimentaire. Les chocolatiers se multiplient en Suisse et le chocolat n’est plus seulement réservé à une élite. Au XIXe siècle, la notoriété et le savoir-faire de cette poignée de maîtres chocolatiers dépassent les frontières et, pour certains, ils sont toujours une référence dans le monde. Par ailleurs, Rodolphe Lindt développe une nouvelle recette en 1879 : le chocolat fondant obtenu grâce une technique de conchage qui malaxe le chocolat en le chauffant pendant des heures. Sa texture devient veloutée et onctueuse. L’anecdote veut que la recette soit issue d’une erreur. M. Lindt aurait laissé la machine à brasser tourner 72h au lieu de 2h ! Le résultat est une nouvelle révolution.

Toutes les inventions, les techniques utilisées (la machine à mélanger, la conche, la méthode de broyage, le chocolat au lait, aux noisettes, fourré) sont la base des chocolatiers actuels. Les précurseurs suisses ont contribué à développer le savoir-faire dans le monde entier.

Une industrie florissante

Les chocolatiers les plus innovants et les plus connus au monde sont suisses. Ambassadrices de la qualité helvétique, les marques suisses de chocolat sont de véritables icônes et trônent dans les duty-free de tous les aéroports de la planète. À Genève, vous retrouverez toute la gamme de ce patrimoine gastronomique industriel dans les centres commerciaux. Manor et sa grande boutique vous invitent à confectionner votre assortiment de boules Lindor, à choisir d’emporter un couteau suisse en chocolat et toutes les innovations récentes. Au bord du lac de Zurich, la Lindt Home of Chocolate est une maison du chocolat unique en son genre. Grande comme quatre stades de football, elle abrite un musée sur l'histoire du chocolat et ses origines, une salle de dégustation avec des fontaines de chocolat en libre accès et une immense boutique.

Les marques suisses sont gravées dans notre esprit. Certaines nous sont indissociables des Alpes suisses comme la tablette Milka, connue pour son paysage montagnard et sa vache violette. Créée par Suchard Suisse en 1901, elle devient américaine dans les années 1970, achetée par Mondelēz International. Tout comme la barre crénelée Tobleronne, créée par Thedor Tobler en 1908 et rachetée en 1990 par le même groupe américain. L’énergique barre Ovomaltine, « l'énergie pour déplacer les montagnes », et ses dérivées, à base de malt d'orge, de lait écrémé, de cacao et de levure est créée en 1904 en suisse. En 2002, Associated British Food rachète la marque à Novartis Suisse.

La concurrence mondiale est bien présente et parfois même au sein d’un même groupe ! L’envers du décor, c’est que certains produits très marketing deviennent pauvres en goût, sont parfois finalisés dans d’autres pays et peuvent s’éloigner des valeurs suisses.

La production chocolatière suisse

Le marché du chocolat en Suisse a été affecté par l'épidémie de Covid-19. En 2022, la quantité vendue dans le pays et le chiffre d'affaires sont inférieurs de près de 5 % aux chiffres de 2019. Les exportations s'établissent à 73 % du volume, un chiffre en augmentation de 8 % sur un an, mais le secteur est sous tension du fait de l'augmentation du coût des matières premières. Le prix du sucre a ainsi doublé en 2022. Le chocolat est avant tout vendu sous forme de tablette (50 %), puis de confiseries (20 %) ou de produits semi-finis comme les poudres (20 %). En 2021, le secteur employait 4 378 personnes (chiffres communiqués par la fédération chocosuisse.ch). Les industries déploient de nouvelles idées afin de trouver de nouvelles variétés et rester compétitives et innovantes. La concurrence est accrue par les importations de produits bon marché fabriqués à l'étranger. Malgré tout, le chocolat Swiss made reste inégalé en notoriété.

Le cœur tout chocolat de Genève

Obélix est tombé dans la potion magique étant petit, les Suisses ont le chocolat qui coule dans les veines ! La production est commune au pays tout entier. Dans chaque ville une poignée de chocolatiers excellent dans l’artisanat. Ces maîtres chocolatiers innovent et bouleversent l’industrie du chocolat. Pour eux, le savoir-faire artisanal est la valeur qu’ils transmettent. Genève est une pépite ou plutôt un lingot d’or avec un grand nombre de maîtres chocolatiers qui ravissent les palais, des initiés aux plus curieux. La culture épicurienne et le goût de l’excellence des Genevois se traduisent par des produits chocolatés haut de gamme. Les recettes perpétuent la tradition en apportant cette touche de modernité. Les effluves de cacao se dispersent dans les rues de Genève et vos sens sont en éveil. Laissez-vous séduire par ce filtre chocolaté au travers des maisons de renom. Si vous êtes mordus de truffes et de pralinés, la maison Zeller est faite pour vous. Les chocolats au lait de la Chocolaterie Micheli sont aussi fins que la boutique est élégante. Auer quant à lui incarne cinq générations de savoir-faire et ses amandes chocolatées se dégustent sans modération ! Du Rhône Chocolatier est l’une des plus anciennes maisons, créée en 1875. Comme de nombreuses célébrités, on fond pour sa ganache avec le chocolat Coline à 70 % fèves de cacao ou encore son chocolat chaud. Joël Dicker, l’écrivain suisse à succès, en a fait son péché mignon en achetant la maison en 2019 pour perpétuer la tradition du chocolat de son enfance. Le chocolat de qualité sait se réinventer et devient branché avec par exemple la mèche de Titeuf aux trois chocolats (héros de bande dessinée du Carougeois Philippe Chappuis, dit Zep) vendue en coffret. D’autres chocolateries sont alléchantes comme Chocolaterie Ducret, Stettler & Castrischer, Philippe Pascoët, Martel et le nouveau Charlie Ganache.

Enfin, une odeur enivrante de chocolat vous attire de manière hypnotique de l’autre côté de l’Arve, vers la chocolaterie de Carouge. La maison Rohr est iconique et ses fameuses « poubelles » de Genève (coque de chocolat qui renferme une masse truffée) et ses pavés glacés ont contribué à sa réputation.

Pour vivre à la fois une expérience gustative et découvrir l’histoire de la ville, laissez-vous guider par id.geneve et sa « Choc’visite ».

La dernière fabrique historique

Une fabrique demeure à Versoix, la seule du canton, la Chocolaterie Favarger. Dans son « jus », elle a gardé l’authenticité de la manufacture de 1826. Elle est gravée dans l’inconscient collectif des Genevois et fait partie de leur histoire. Car plus qu’une simple marque, c’est la beauté d’une rencontre amoureuse entre deux emblèmes genevois. L’union d’un horloger (Jean-Samuel Favarger) et la fille d’un artisan chocolatier (Suzanne Foulquier) aboutira à l’épopée Favarger. L’Aveline, créée en 1922, est le produit phare de la gamme. La manufacture a tout d’une grande mais reste la plus petite de Suisse : il faut une semaine pour produire une aveline, de la fève à la boîte. Les fèves de cacao sont le sésame d’un bon chocolat : à la fois la matière première et la matière précieuse garantissant l’excellence. C’est pourquoi la manufacture Favarger torréfie elle-même sa sélection de fèves. Après sept générations, la famille Favarger a décidé de céder son empire en 2003 à l’entrepreneur croate de l’agroalimentaire, Luka Rajić. Plongez dans les cuves de Favarger en suivant les visites guidées organisées par la fabrique. Vous fondrez de plaisir en découvrant la fontaine de chocolat. La Chocolaterie Favarger, quai des Bergues au bord du Rhône, vous invite à composer votre brochette de fruits et délicatement l’immerger dans l’avalanche chocolatée. La déclinaison d’avelines (caramel, praliné, noisettes…) terminera de vous faire perdre la tête par l’équilibre parfait de leur composition.

Quand le chocolat devient symbole !

Ne cherchez pas l’ours (de Berne, la capitale) en guimauve ou le jet d’eau en puzzle chocolaté, mais plutôt la marmite de la Mère Royaume ! Les mois de décembre, cette marmite en chocolat irradie par son opulence (légumes en pâte d'amandes) toutes les vitrines des plus grands chocolatiers genevois. Un patrimoine gourmand qui commémore l’événement historique le plus marquant de la ville, « l’Escalade ». On casse la marmite pour fêter la défaite des ennemis savoyards lors de leur tentative d’assiéger la ville le 12 décembre 1602. La légende raconte que la Mère Royaume donna l’alarme en jetant sa marmite remplie de soupe de légumes sur les ennemis !