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Zénobie s'adressant à ses soldats, par Tiepolo ©  Everett Collection - Shutterstock.com.jpg
La Vierge à l'enfant, par Titien © Everett Collection - Shutterstock.com .jpg

L’influence byzantine

Du VIe siècle à l’an 1000, l’Empire byzantin s’étend jusqu’en Italie. Venise entretient durant cette période des relations étroites avec Byzance. L’héritage oriental se retrouve notoirement dans les mosaïques de la basilique Saint-Vital de Ravenne. Inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco, cet édifice est l’un des plus représentatifs de l’art byzantin en Europe. Sur ces mosaïques, le fond d’or et la simplification des formes caractérisent l’influence byzantine. Les Byzantins ont également transmis la technique de fabrication du verre qui a rendu l’île de Murano célèbre dans le monde entier.

L’évolution de l’art vénitien se retrouve dans sa peinture. Pour certains historiens, les mosaïstes grecs appelés à orner la basilique Saint-Marc furent, dès le XIe siècle, les premiers peintres de Venise. La rupture avec l’art byzantin se ressent dans l'intégration de thèmes gothiques. Au XIVe siècle, Paolo Veneziano joua un rôle déterminant dans cette période dite primitive. Seul peintre officiel de ce siècle, il s’affranchit peu à peu des règles des icônes et des miniatures. Parmi ses œuvres visibles à Venise : La Vierge à l'Enfant avec deux donateurs (Gallerie dell’Accademia) et La Vierge et l'Enfant (Santa Maria Gloriosa dei Frari).

Des scuole à l’école vénitienne

Apparues au XIIIe siècle, les scuole étaient des confréries de bienfaisance. Certaines s’apparentaient à des guildes. Cependant, l’aura des scuole grandi, les plus fortunées, ne tenait pas seulement à leur rôle social. Ces institutions, qui firent de plus en plus appel aux artistes pour bâtir ou embellir leurs locaux, et ainsi affirmer leur prestige, stimulèrent fortement la création artistique.

L’école vénitienne s’est épanouie du XIVe au XVIIe siècle et rassemblait des peintres provenant des environs et d'anciennes familles vénitiennes. Elle aboutit à un style unique, le plus reconnaissable de toutes les écoles italiennes, en combinant enseignements gothiques et byzantins et particularités locales. Les thématiques développées en peinture sont abondamment discutées parmi les érudits de l’époque. Sur le plan pictural, les grands aplats d’or tendent à disparaître, de même que la tempera ou peinture à l’eau. La peinture à l’huile permet davantage d’effets et de précision : elle se met au service d’un dessin plus réaliste, qui est le fruit d’une juste observation du modèle. Le sujet s’inscrit ensuite dans un décor construit dans le respect de la perspective.

L’âge d’or vénitien

De la grande Renaissance vénitienne, attardons-nous sur Giorgione et le Titien. Les deux maîtres s’inscrivent dans le prolongement de la première Renaissance mais contribuent différemment au style vénitien.  Si le Titien est le plus admiré de son époque, Giorgione fut le premier à s’aventurer hors des thématiques religieuses. Il laissa de splendides tableaux à l’interprétation encore mystérieuse à ce jour, comme La Tempête (1505, Galerie de l’Académie). Pour sa part, le Titien, homme charismatique, parvint à se détacher de ses prédécesseurs tout en étant nommé peintre officiel de la République de Venise. Pour les artistes, le recours à la peinture à l’huile permit de multiplier les effets et d’imposer de nouvelles règles qui confortèrent leur prestige.

Les grands peintres vénitiens

Les Bellini (œuvres visibles à l’Accademia ou au Musée Correr). Le père, Jacopo, (1400-1470) fut capital à plusieurs titres. On peut affirmer que la Renaissance est arrivée à Venise par son atelier. Premier peintre à se dégager pleinement du gothique, il repensa la notion de perspective et de composition de l’espace. Son fils Gentile (1429-1509), influencé par Mantegna, fut le premier à représenter la vie quotidienne de sa cité dans des tableaux de grandes dimensions. Ainsi, il est le précurseur d’un genre pittoresque qui connut un immense succès jusqu’au XVIIIe siècle. Son frère Giambellino (1430-1516) est considéré comme le véritable fondateur de l’école vénitienne. Il sut unir les apports de son père aux techniques flamandes et aux formes florentines. Il laissa une œuvre variée bien qu’il soit avant tout célèbre pour ses Madones présentes dans les églises vénitiennes. Son imagination et sa sensibilité ne cessent d’émerveiller. De son vivant, des artistes comme Dürer accouraient pour travailler à ses côtés.

Carpaccio (1460-1525), élève de Gentille Bellini, est connu pour ses vastes représentations de la vie vénitienne. Aucun artiste n’a détaillé avec autant de brio les canaux, les gondoles, les ponts et les hommes de l’an 1500.

Giorgione (vers 1447-1510) fut un disciple de Giovanni Bellini. Son importance dans l’histoire de l’art repose sur ses thèmes ésotériques, la richesse de sa palette, l’emploi de la couleur comme source d’émotions, les effets de lumière et de clair-obscur.

Le Titien (vers 1488-1576), autre élève de Giovanni Bellini, il eut une longue vie bien remplie au cours de laquelle il explora tous les genres : fresques (Histoire de saint Antoine, Scuola del Santo de Padoue), portraits et autoportraits, scènes mythologiques et religieuses. Sollicité dans toute l’Europe, il fit le portrait des têtes couronnées de son temps. Le style du Titien, bien que multiple, se caractérise par sa lumière, son rendu du mouvement et sa puissance. Inventeur de l’effet de halo, il privilégiait la couleur à la forme. L’art du Titien eut un retentissement considérable sur l’évolution de la peinture au cours des siècles suivants.

Le Tintoret (1518-1594) vécut et travailla exclusivement à Venise. Homme du peuple, d’un tempérament ardent, il prend Michel-Ange pour guide. Cet artiste instinctif et lyrique délaissa l’Antiquité au profit de sujets bibliques. La puissance de l’art du Tintoret, fameux pour ses contrastes, trouva sa plus vibrante expression dans le thème de la vision surnaturelle, telle que dans La Cène (Saint-Georges-Majeur, Venise) et dans Les Histoires de la Passion réalisées pour la Scuola di San Rocco. Les épisodes évangéliques constituent la plus importante entreprise de sa carrière et visent à démontrer la possible coïncidence entre histoire et vision.

Véronèse (1528-1588) est le peintre de la splendeur vénitienne. Coloriste sans égal, il parvint à obtenir une lumière qui se détache sur fond clair. Même dans ses sujets bibliques, le luxe et la beauté l’emportent sur la ferveur religieuse. Par ailleurs, Véronèse travailla pour le théâtre et cette activité imprégna certainement son œuvre. Les fresques de la villa Barbaro à Maser mettent en évidence une recherche sur la perception de l’espace pictural confronté à l’espace architectural.

Tiepolo (1696-1770). Le grand fresquiste du XVIIIe siècle sut tirer les leçons de Véronèse sur l’éclat des coloris et la magnificence de la composition. Maître du trompe-l’œil, il modèle véritablement l’espace et excelle dans le traitement des plafonds. Il reste l’un des meilleurs interprètes de la joie de vivre qui fit de Venise la ville la plus gaie d’Europe.

La sculpture à Venise

La sculpture, qu’elle soit monumentale ou décorative, fait partie intégrante du charme de Venise. Se promener dans les calle de la cité flottante se transforme rapidement en cueillette symbolique de végétaux de pierre sur les façades des palais. Ne manquez pas la statue équestre du Colleone d’Andrea del Verrochio, forme qui évoque l’art militaire, ou les Atlantes de la Douane de mer de Benoni. Dès le XVe siècle, l’art de la sculpture s’impose à Venise avec les œuvres de Matteo Raverti et Marco Cozzi.

Le lombard Benedetto Antelami influence les sculpteurs de Saint-Marc, tandis que l’activité des maîtres campionesi à Vérone et des maîtres toscans à Padoue et à Venise contribue à former une école vénitienne dont les principaux représentants sont les frères dalle Masegne.

Donatello (1386-1466) bouleversa l’art de la pré-Renaissance en composant des sculptures extrêmement expressives et proches du public. Installé à Florence, il reçut des commandes de nombreuses villes : à Venise, il réalisa la statue de saint Jean-Baptiste en 1438.  Également commandée par la ville de Venise, sa principale œuvre padouane est une statue équestre, l’Erasmo da Narni, dit le Gattamelata, la première œuvre monumentale de l’époque.

Pietro Lombardo (1435-1515) et ses fils. Pietro Lombardo fut le chef de file de la sculpture vénitienne à la fin du XVe siècle. Architecte et sculpteur, il fit évoluer la sculpture funéraire en collaboration avec ses fils, Antonio et Tulio. Il a signé notamment le tombeau du doge Pietro Mocenigo et l’église Santa Maria dei Miracoli à la façade multicolore.

Antonio Canova (1757-1822). Le jeune Canova fut formé par son père, tailleur de pierre, avant de devenir apprenti dans plusieurs ateliers de Bassano et Venise. Il y acquit une technique éblouissante, remarquée dès ses premières œuvres. La grâce de la composition et la pureté des formes compensent les citations trop explicites à l’Antiquité et la froideur de ses réalisations. Acclamé dans toute l’Europe, le sculpteur entreprit de nombreux voyages pour répondre aux demandes des différentes cours.

L’art à Venise aujourd’hui

Ce qui ravit tout visiteur, c’est que l’art fait partie intégrante de Venise aussi bien dans ses lieux culturels qu’à l’extérieur. Pour autant, la cité ne se repose pas sur ses lauriers. Depuis 1893, la Biennale célèbre l’actualité de tous les arts majeurs. En 2011, elle a salué le travail du photographe Luigi Ghirri qui s’est attaché à décortiquer une Italie envahie par la culture de consommation. Pour les amateurs, l’Ikona Photo Gallery est spécialisée dans l’art photographique.

Plusieurs collectionneurs renommés ont élu Venise comme lieu d’accueil. La mécène et galeriste américaine Peggy Guggenheim rachète en 1949 le palais Venier dei Leoni sur le Grand Canal. Cet agréable musée à taille humaine et doté d’un jardin rassemble des pièces maîtresses de l’art contemporain : Picasso, Mondrian, Chagall, Pollock, Dali, Kandinsky ou Magritte.

Pour sa part, la collection Pinault se déploie sur deux sites d’exception restaurés par l’architecte Tadao Ando : le Palazzo Grassi et la Punta della Dogana. Pour accompagner les expositions temporaires, les artistes sont conviés à réaliser des œuvres in situ.

Depuis peu, le festival annuel Venezia Photo a lieu sur l’île de San Servolo. Des manifestations grand public se déroulent en parallèle d’ateliers dirigés par des grands noms de la photographie. Ce festival ambitionne de devenir un laboratoire de création photographique.

Dernier point, le premier quartier artistique permanent de Venise a récemment vu le jour : le Giudecca Art District. Cette île peu touristique abrite certaines des galeries les plus intéressantes. Le quartier d’art relit des lieux existants à onze nouveaux espaces culturels qui inscrivent la scène contemporaine dans la riche histoire de Venise.