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La Côte d_Opale, littoral marqué par les conflits, fascine les auteurs de polars. (c) Aaron Tamarit - Shutterstock.com.jpg
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Une terre d'inspiration pour de nombreux écrivains

Le Nord a inspiré de nombreux écrivains et a donné naissance à de nombreux titres de littérature. On pense évidemment à Zola qui, à travers Germinal, a si bien décrit l’industrialisation et ses conséquences dans la région. Le développement de l'industrie minière a favorisé l'essor économique de la région, mais elle ne fut pas sans sacrifices car les conditions de travail des mineurs restaient particulièrement éprouvantes.

La baie de Somme est restée un symbole des romans de Colette. George Bernanos, originaire de la région, situe la plupart de ses romans à Lumbres, près de Saint-Omer. Et comment ne pas voyager à travers les romans de Maxence van der Meersch, qui décrit la région comme personne dans des romans tels que Maria, fille de Flandre ou L’Empreinte de Dieu qui reçut le prix Goncourt en 1936 ?

Mais la littérature de la région, ce sont aussi des figures de proue de la littérature contemporaine. Marguerite Yourcenar vécut à Lille jusqu’en 1912 et une propriété familiale située sur le mont Noir abrite désormais des résidences d’artistes. Le roman de Jacques Duquesne, Maria Vandamme, brosse un très beau portrait de femme dans le XIXe siècle industriel, des corons jusqu’aux ateliers textiles roubaisiens. Plus récemment encore, Marie Desplechin remportait en 2005 le prix Médicis pour La Vie sauve. Michel Quint régale aussi régulièrement ses lecteurs de romans noirs à l’intrigue bien ficelée et a connu un succès retentissant pour Effroyables jardins en 2000. En 2013, il s’inspire d’un fait divers sur les disparus de la Deûle avec En dépit des étoiles. Pensons aussi à Franck Thilliez et à son commissaire lillois Franck Sharko.

Parmi les écrivains français les plus illustres figurent aussi des Picards. L’Aisne a vu naître Jean de La Fontaine, Jean Racine, Alexandre Dumas, Paul Claudel et le marquis de Condorcet. L’Oise a accueilli Jean-Jacques Rousseau et Roger Vaillant. Enfin, la Somme n’est pas en reste avec Jules Verne, certes né à Nantes, mais qui passa une grande partie de sa vie (et la finit) à Amiens, où il fut un conseiller municipal actif. L’auteur français le plus traduit dans le monde est d’ailleurs célébré dans un beau musée installé dans son ancienne maison amiénoise, qui l’inspira pour ses plus belles œuvres.

Une Côte d'Opale particulièrement inspirante

La Côte d'Opale inspira de nombreux écrivains. Parmi les plus connus et reconnus, Victor Hugo et son chef d'œuvre Les Misérables dont une partie prend place à Montreuil-sur-Mer. C'est après un voyage dans le Nord et en Belgique que Victor Hugo découvre la ville en 1837. Des années plus tard, lorsqu'il commence l'écriture des Misérables, le souvenir est pour lui si marquant qu'il décide de faire figurer la première partie de son intrigue dans la cité des remparts. Le roman sera publié en 1862, et est depuis considéré comme un roman emblématique de la littérature française. Une vingtaine d'années plus tôt, l'écrivain Alexandre Dumas publiait également un autre grand classique dont l'action se passe en partie sur notre littoral, le fameux roman Les Trois mousquetaires. L'écrivain décide ainsi de faire figurer des scènes à Boulogne et à Béthune, qu'il a pris soin de visiter afin d'en retranscrire l'ambiance.

Une certaine prédilection pour le polar

Très en vogue depuis une dizaine d'années dans la région, le polar fait de nombreux émules et se voit valorisé au cœur de nombreux festivals. Aux côtés de l'historique festival du polar de Lens, on retrouve de nombreuses déclinaisons dans des petites et grandes villes : Polartifice au Touquet Paris-Plage, Les Forges obscures à Trith-Saint-Léger, Les Géants du Polar à Douai ou encore Les Mines noires à Noeux-les-Mines... : autant de noms aussi inspirés qu'inspirants. Et nul doute que de nouveaux festivals sur le genre verront le jour dans les années à venir dans la région. L'éditeur Rivet-Anceau développe d'ailleurs la collection Polars en Nord qui comporte à ce jour plus de 200 titres et ne cesse de se développer.

De nombreux polars prennent ainsi place sur la Côte d'Opale, dont la beauté des paysages et les terres marquées par les nombreux conflits historiques fascinent. C'est une terre ponctuée de villages de pêcheurs, dont certains semblent encore entre deux époques. Un littoral aux belles plages de sable, sur lequel on peut retrouver blockhaus et épaves. Occupée durant la Seconde Guerre mondiale par l'ennemi, la Côte d'Opale a été le théâtre d'affrontements sanglants et de sauvetages héroïques à l'image de l'Opération Dynamo dans le Dunkerquois, qui ne cesse d'inspirer de nouvelles œuvres tantôt du point de vue des marins, tantôt de celui des hommes restés en ville pour ralentir l'ennemi. Une terre de contrastes, qui offre le meilleur, tout en n’oubliant pas le pire. A l'intérieur des terres et dans le bassin minier, le développement des industries minières a permis un certain essor économique, et créé de vraies petites villes dans les cités minières et leurs corons si caractéristiques. Mais cela se fit au prix de vraies tragédies, à l'image de la catastrophe de Courrières qui fut la plus meurtrière en Europe. En 1906, l'explosion dans cette mine située près de Lens fait plus de 1 100 morts (dont un tiers ont moins de 18 ans) et plonge la France entière dans l'émoi. Ce sera aussi le point de départ d'un véritable mouvement social réclamant plus de sécurité dans les mines et de nouvelles mesures, mais ce n'est que le sommet de l'iceberg de conditions de travail difficiles et éprouvantes.

Dans ce contexte historique fort, il n'est pas étonnant de voir éclore autant de polars tirant leurs inspirations dans les drames et le passé du Nord, ainsi que dans ses paysages si caractéristiques. Un passé que ses habitants ont à cœur de valoriser et de mettre à l'honneur plus que de le renier. Il y a là une vraie volonté de dépasser les clichés associés à la région, pour montrer les humains derrière les gros titres. Montrer, derrière les « gueules noires » (surnoms des mineurs) et les soldats, ces hommes et ces femmes qui ont une vie et des rêves, tout comme chacun peut en avoir.

Le Réseau régional des maisons d’écrivain et des patrimoines littéraires des Hauts-de-France

Créé en 2010 à l'origine en tant que Réseau régional des maisons d’écrivain et des patrimoines littéraires en Picardie, il s'est étendu à toute la région en 2017. Cette action a plusieurs missions destinées à différents publics : elle valorise le patrimoine littéraire de la région et contribue à sa visibilité en créant des projets, rencontres et festivals, et participe à des actions pédagogiques à destination du public scolaire. Elle regroupe ainsi : 16 maisons d'écrivain, 1 centre de résidence d’écrivains européens, 6 lieux patrimoniaux et 14 associations dans le domaine de l'écriture. Celui-ci est ainsi à l'origine du festival Résonances chaque année en mars-avril, durant lequel des nombreux ateliers, conférences ou encore randonnées littéraires ont lieu afin de valoriser le patrimoine littéraire en France ou dans la région.

Dans le réseau, on retrouve ainsi de nombreux lieux liés aux écrivains du XVIe au XXIe siècle. Dans l'Aisne, on peut citer le Musée Jean de la Fontaine, le Musée Alexandre Dumas ou encore la Maison de Camille et Paul Claudel. Dans l'Oise, le Musée Jean Calvin et le Domaine de Chaalis. Dans la Somme, la très connue Maison de Jules Verne qui revient sur toute la carrière de l'auteur et son œuvre, mais aussi l'Historial de la Grande Guerre qui rend hommage aux écrivains de cette période de conflits. Et dans le Nord, le Musée de l'Abbé Lemire, la maison natale de Charles de Gaulle ou encore la Villa et le Parc Marguerite Yourcenar qui fait aussi office de résidence d'écrivains européens.

La langue picarde ou « chti » mise à l'honneur

On parle souvent des « chtis » lorsqu'on évoque le Nord, mais savez-vous vraiment à quoi ce mot correspond ? Il s'agit en fait de l'une de nos deux langues régionales : le chti (ou picard) et le flamand occidental. Tandis que le flamand occidental peut être surtout entendu à la limite de la Belgique et de l'actuelle Flandre, le picard était majoritairement utilisé dans l'ensemble de la région. Aujourd'hui peu parlé ou compris (selon une étude INSEE, il n'est parlé ou compris que par 10 à 27 % de la population), il possède pourtant son propre dictionnaire publié par l'Agence Régionale de la Langue Picarde.

La littérature picarde s'est surtout développée aux XIXe et XXe siècles. Ce sont d'abord les écrits politiques qui la font connaître avec le révolutionnaire Pierre-Louis Pinguet ou encore le bonapartiste Clément Paillart. Mais les chansonniers et poètes rejoignent très vite le mouvement et de belles plumes émergent dont Alexandre Desrousseaux, l'auteur de la chanson P'tit Quinquin, l'un de nos « monuments » de la chanson picarde. Le picard se caractérise par ses nombreuses applications, mais aussi par ses auteurs aux origines aussi variées qu'uniques. De nombreux mineurs ont ainsi pris la parole en picard, phénomène unique en France, et l'un des plus connus est Jules Mousseron et ses histoires de Cafougnette à Denain (vous marcherez très certainement dans la rue Jules Mousseron en vous promenant dans le centre-ville !).

Aujourd'hui, le prix de littérature en picard met encore cette langue à l'honneur, qui reste pratiquée par plusieurs centaines d'écrivains. Celui-ci s'adresse à tous les écrivains pour tous types de formats (conte, nouvelle, extrait de roman, poésie...). Son but est d'encourager la diversité des écrits picards, mais aussi d'inciter les écrivains hésitants à se lancer et à dépasser leurs complexes d'écriture. Il se ponctue par une lecture des textes primés à la Maison Jules Verne à Amiens, et par leur publication. Par ailleurs, de grands éditeurs entreprennent régulièrement de faire traduire certaines œuvres connues en picard, comme Astérix, Tintin ou Le Petit Nicolas. Il semblerait que le picard ait encore de beaux jours devant lui !