Timbre représentant le chanteur Tno Rossi © Sergey Goryachev - Shutterstock.com.jpg

Une scène musicale développée et active tout au long de l’année

Friands de représentations musicales, concerts et spectacles, les Corses ont la chance de pouvoir profiter de nombreuses salles de spectacle mais aussi  de monuments enchanteurs investis à l’occasion des festivals : églises, chapelles, couvents, citadelles, etc. Tout au long de l’année, et particulièrement l’été, diverses manifestations viennent égayer la vie culturelle locale : il peut s’agir de représentations classiques, comme le festival de chant de lyrique de Canari, ou bien d’évènements plus branchés qui attirent les nouvelles générations de tout le continent, comme le festival Calvi on the rocks. En tout cas, c’est pour les visiteurs l’occasion de mettre un peu de piment dans leur séjour tout en découvrant un aspect vivant et festif de la culture locale.

La musique polyphonique, au centre de l’identité corse

La musique polyphonique s’inspire directement de la mémoire corse. L’un de ses traits les plus singuliers est la polyphonie ou le chant a capella exécuté à plusieurs voix. On rencontre au sein de la polyphonie corse un nombre important de variantes qui diffèrent quant à la forme (joute chantée, nombre de voix…) et aux thèmes abordés. Il existe des polyphonies sacrées et profanes. Leurs origines remontent à des temps imprécis et lointains : les chants de messe, dans la tradition corse, étaient et sont encore dans certaines églises, interprétés à plusieurs voix par des hommes. Écouter des « paghjelle », avec l’acoustique des chapelles corses, est un des spectacles les plus émouvants auquel on puisse assister pendant son séjour. Il y a trois types de voix qui structurent le chant : « u bassu » la voix grave, « a siconda » la voix principale, et « a terza » la voix d’ornementation. Les voix s’interpénètrent. I Muvrini sont les chanteurs les plus connus, mais la Corse recèle en son sein de solistes et de nombreux groupes d’une qualité hors norme ; citons A Filetta qui allie des chants sacrés et des créations très abouties, Canta u Populu Corsu et ses chants très engagés, Petru Guelfucci, le Chœur d’hommes de Sartène dirigé par Jean-Paul Poletti, et tant d’autres ! On écoute aussi I Chjami Aghjalesi’, très populaires, Surghjenti et Soledonna, un des rares groupes féminins. Dans les «  classiques », Antoine Ciosi fait figure de maître ! Parmi les plus jeunes, on peut noter le groupe L’Alba et le groupe Giramondu à la musicalité affirmée.

Ghjuvan Claudiu Acquaviva, leader du groupe mythique A Filetta

L’actuel leader du groupe A Filetta crée à lui seul une grande partie des textes et des arrangements musicaux qui lui valent la reconnaissance unanime de ses pairs. Il collabore avec d’autres artistes reconnus tels les chanteurs d’IAM ou Bruno Coulais. Il est également à l’origine de la fondation du festival international Rencontres de chants polyphoniques de Calvi. Au-delà de son engagement artistique, l’homme est un fervent partisan des droits de l’Homme et d’une société plus juste. À rencontrer!

Alain et Jean-François Bernardini, modernisateurs de la chanson traditionnelle corse

Ce sont les deux créateurs du célèbre groupe I Muvrini, « les petits mouflons » en corse, fondé en 1970. Initiés dès leur plus jeune âge par leur père Ghjuliu, les frères ont tout d’abord réussi à convaincre la Corse puis le continent, dont ils fréquentent aujourd’hui les plus grandes salles de spectacles (Zénith, Olympia). Le groupe est régulièrement primé, avec notamment huit disques d’or et deux victoires de la musique. Reconnus et appréciés, ils travaillent avec les grands acteurs de la chanson française (Jacques Dutronc, Michel Fugain) et internationale (Sting). Le groupe possède son propre studio d’enregistrement dans le village de Taglio-Isolaccio en Castagniccia et sa propre maison de disque AGFB. Ils ont réussi le pari de relancer la musique traditionnelle corse en la modernisant et en la mêlant aux musiques du monde et à la variété. Jean-François est aussi à l’origine d’AFC Umani, une organisation qui prône la non-violence au travers de nombreuses interventions dans les radios, journaux et émissions télévisées.

Petru Guelfucci, chantre de la polyphonie corse outre-Atlantique

Né en 1955 à Sermanu, il est l’une des figures emblématiques du renouveau de la polyphonie et de la musique corse en général. En 1973, en pleine mouvance nationaliste, il rencontre Jean-Paul Poletti avec lequel il fonde le groupe Canta u Populu Corsu qui inspire les formations polyphoniques de l’île. Son parcours le conduit à sillonner la Corse afin de sauver le patrimoine linguistique insulaire et redonner l’envie aux nouvelles générations d’apprendre et de chanter la langue corse alors menacée. Après la rupture avec Canta u Populu Corsu en 1987, Petru Guelfucci se lance dans une carrière solo et prend la tête d’une nouvelle formation, Voce di Corsica, groupe de polyphonies corses. C’est avec elle que Petru Guelfucci va connaître le succès, non pas en France mais au Québec ! L’album Corsica, musique originale du ballet du même nom créé par la danseuse étoile Marie-Claude Pietragalla, rencontre un formidable écho : il est nommé disque d’or et vendu à plus de 100 000 exemplaires au Québec. Petru Guelfucci s'est éteint en 2021, il était directeur du Centre de Musiques Traditionnelles de Corse et partageait son temps entre sa carrière de chanteur et son village de Sermanu où il s'occupait de son moulin et de ses ruches.

Tino Rossi (1907-1983), le Napoléon de la romance

Voix de velours et chansons d’amour peuvent paraître aujourd’hui un peu désuètes, mais Tino Rossi, dont le destin fut loin d’être banal, reste une légende, en Corse comme sur le continent. Il est né à Ajaccio, au 43 de la rue Fesch, où son père tenait une boutique de tailleur. De son enfance et de son adolescence, on ne retient que sa voix exceptionnelle. Après une période de vaches maigres, sa carrière débute en 1932 grâce à un 78 tours très recherché des amateurs aujourd’hui : O Ciuciarella. De Petit Papa Noël aux bras de Marinella, ses chansons lui font connaître le succès et la gloire : 1 014  titres enregistrés, plus de 300 millions de disques vendus, 24  films, 4 opérettes… Décrit par ses proches comme un homme cultivé et plein d’humour, il restera jusqu’à sa mort toujours très attaché à sa Corse, île chérie qu’il aura bien contribué à faire connaître. Ses descendants occupent toujours sa magnifique propriété du Scudo, abritée derrière le long mur d’enceinte où se trouvent des pièces de collection sur sa carrière.

Danses de salon et danses traditionnelles

Les danses de couple en Corse ne remontent qu’au XIXe siècle et, bien que moins connues que les polyphonies, elles ont occupé une place importante dans le patrimoine de l’île de Beauté. La plus à l’honneur fut longtemps « a cuntradanza », la contredanse, puis la mazurka ou la polka. Plus tard arrivèrent java, paso-doble, valse et tango. Parmi les danses plus locales et traditionnelles, la «marsilliana », le «  tarascone », le « quadrille », la « monferina », la « conca » et le « caracollu » réservé aux femmes pour les funérailles, ou encore la « tarentella » qui se dansait en cercle. Anecdote amusante, le nom de tarantella vient de l'araignée nommée tarentule : la danse était une pratique rituelle thérapeutique réalisée par les personnes piquées accompagnées par des membres du village, pour éviter de se laisser aller à un état de léthargie qui aurait mené à la mort. La danse la plus spectaculaire reste la « moresca », grande figuration des combats légendaires contre les Maures, généralement dansée à l’occasion du carnaval ou de la fête patronale.

La « théâtralité » corse

Le milieu du théâtre, si on l’entend au sens classique, reste assez modeste en Corse en termes de troupes professionnelles, d’équipements et d’institutions dramatiques. Il existe néanmoins dans la culture populaire corse de nombreuses formes impliquant une théâtralité : on pense aux activités qui cimentent la vie traditionnelle des communautés locales, comme les veillées, les déclamations poétiques, le carnaval, les fêtes saisonnières et autres rites de la vie religieuse, mais aussi, de manière plus contemporaine, au théâtre burlesque et militant.

La forme théâtrale a en effet joué un certain rôle dans le « Riacquistu », des années 1970 notamment, car elle était un moyen de se réapproprier et de diffuser la langue corse, menacée de disparition. Le théâtre – souvent burlesque - est alors apparu comme un moyen de reprendre, détourner ou valoriser des éléments de l’identité culturelle locale (représentations ou stéréotypes villageois, valeurs, caractères, etc.) Cette production emprunte beaucoup à la comédie et au théâtre bourgeois des XVIIe et XVIIIe siècles d’inspiration française et italienne (Molière, Goldoni). L’un des pères de cette tendance en Corse est sans nul doute le dramaturge, conteur et acteur Ghjannettu Notini de San Petru di Venacu (1890-1986), surnommé le « Molière corse », dont les textes sont toujours beaucoup repris aujourd’hui par les organisations engagées dans la préservation de la langue. Ils font partie intégrante du patrimoine ethnolinguistique local.

On note également un bon nombre de pièces militantes, qui puisent plus directement dans l’histoire corse et le sentiment national. Les troupes précurseures de ce genre sont Teatru Paisanu (« théâtre du pays »), dirigée par Dumenicu Tognotti et Saveriu Valentini, dont la pièce A rimigna (1974) fut déterminante, à la fois d’un point de vue esthétique et politique. Ce spectacle (en français « la mauvaise herbe ») relate une période noire et traumatique de l’histoire de la Corse : l’exécution sanguinaire et publique de plusieurs résistants corses, dont un enfant de moins de quinze ans à la suite de la conquête française de 1769. Aujourd’hui, les styles et thèmes se diversifient et le théâtre garde une grande importance dans la culture populaire, avec pour moments forts les rencontres internationales de l’Aria au mois d’août, le festival du rêve de Porto-Vecchio et toute l’année à Bastia et Ajaccio.