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La ville-musée de San Sperate (c) Sildf - Shutterstock.com.jpg
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Les premiers hommes

La Sardaigne a été occupée dès l’âge de pierre. La civilisation la plus marquante des débuts de l’histoire sarde est certainement celle des Nuraghes. Son nom provient de l’élément architectural le plus distinct du paysage, les tours coniques en pierre éparpillées dans toute la Sardaigne. Dès le XVIIIe siècle av. J.-C., les artisans nuraghes produisent des vases décorés et des statuettes en bronze. Ces brunzittus, coulées à cire perdue, illustrent toutes sortes de thèmes : vie quotidienne, divinités, navires, animaux. La plus grande collection de vestiges archéologiques sardes se trouve au Musée archéologique de Cagliari. L’histoire de l’île de la Préhistoire à l’ère byzantine est reconstituée à travers des statuettes de la Déesse Mère, des bronzes nuraghes et des joyaux romains notamment.

Les sites en plein air permettent d’explorer les vestiges laissés par les Romains il y a deux mille ans. Situés en bord de mer, les sites Tharros et Nora invitent à compléter une tranche de culture antique par un petit plongeon.

La sculpture : une tradition sarde

Les premiers exemples de sculpture sarde remontent au Néolithique. En plus de statuettes de la divinité mère, on trouve des bas-reliefs sculptés des têtes taurines dans les domus de janas, les « maisons de sorcières » courantes sur l’île.

Il faut cependant attendre le XIVe siècle pour que l’art de la sculpture voit se démarquer des artistes prestigieux. A leur tête, Nino Pisano a taillé des œuvres en métal et en bois. La sculpture sur bois ne se développe pas avant le XVIIIe siècle, avec les maîtres de Sassari, Antonio Sanna et Francesco Carta. Antonio Cano et Andrea Galassi sont les sculpteurs les plus appréciés de l’île.

Moine franciscain, le sculpteur Antonio Cano naît à Sassari en 1775. Il reçoit une formation néoclassique à l’architecture, sous la direction de Canova à Rome. Toutefois c’est vers le style rococo qu’il se tourne, trouvant le moyen d’exprimer au mieux sa personnalité. On en trouve un exemple dans la sculpture de l’Immacolata qu’il a réalisée pour l’église de Santa Maria de Betlem à Sassari.

Le néoclassicisme est représenté par Andrea Galassi. Né en 1793, Andrea Galassi est lui aussi formé par Canova. Parmi ses œuvres néoclassiques, notons le monument funèbre à Maria Luisa de Savoia conservé dans le dôme de Cagliari, ainsi que la statue en marbre du Beato Amedeo, dans l’église de Sant'Anna à Cagliari. Galassi a par ailleurs sculpté les autels et la statuaire de la cathédrale d’Oristano.

Sculpteur sarde le plus prestigieux du XVIIIe siècle, Giuseppe Antonio Lonis naît à Senorbì en 1720. Très jeune, il travaille à Naples auprès des plus grands graveurs sur bois de l’époque. Lonis se dédie exclusivement à la sculpture de simulacres sacrés. De retour en Sardaigne, il ouvre un atelier et aura pignon sur rue jusqu’à sa mort, en 1805. Le style de Lonis va du baroque napolitain au néoclassicisme, avec une prédilection pour la polychromie et des influences hispaniques très évidentes. Ses œuvres se rencontrent sur toute l’île.

Emergence de la peinture sarde

La peinture se développe sur l’île à partir du XIVe siècle avec une dominance pour l’art du retable jusqu’à la fin du siècle suivant.  La pinacothèque de Cagliari regroupe les principaux courants picturaux du XVe siècle à nos jours. On peut y découvrir des œuvres de l’école de Stampace, dont Pietro Cavaro fut le grand initiateur.
Peintre du XVIe siècle, Cavaro fréquente les artistes barcelonais et napolitains avant de s’établir à Stampace, quartier de sa ville natale de Cagliari. Il devient alors l’organisateur et le représentant majeur de ce qui prendra le nom de Scuola di Stampace, mouvement artistique qui domine l’île au XVIe siècle. Parmi ses plus belles œuvres, on pourra admirer, au Palazzo Comunale (hôtel de ville) de Cagliari, le grand retable représentant l’hommage des conseillers de la ville à la Vierge Marie, réalisé entre 1527 et 1539. 
Aux XVe et XVIe siècles, des maîtres anonymes réalisent des sujets religieux pour les églises de l’île. On connaît mal la vie de ces artistes remarquables. Le maître d’Ozieri, le maître de Castelsardo et le maître de Sanluri sont peut-être les plus estimés. Le premier a vécu au XVIe siècle et a travaillé dans le nord de la Sardaigne. Son style est d’influence sardo-hispanique et on y retrouve la  parenté de Pietro Cavaro.  Le maître de Castelsardo, actif aux XVe et XVIe siècles, réunit des composantes de la peinture italienne de la Renaissance et des influences flamandes. D’origine catalane, il se rend en Sardaigne vers 1490 car on lui a confié la réalisation du retable della Porziuncola. Placé dans l’église de San Francesco à Cagliari, ce dernier a depuis été divisé en plusieurs pièces aujourd’hui conservées par la pinacothèque de la ville.

Vers l’époque actuelle

Par la suite, les artistes sardes se formèrent autour du bassin méditerranéen. Pour la plupart, ils firent carrière à la fois sur leur île et sur le continent.  Des styles individuels affirmés naquirent de ces échanges. Ils proposèrent leur vision de l’art sarde, mêlant des influences picturales d’ailleurs et des préoccupations sardes. Parmi ceux-ci, le peintre et écrivain Antonio Ballero né à Nuoro en 1864. A l’âge de 30 ans, il entame sa carrière de peintre avec une prédilection pour les scènes de genre folkloriques : fêtes, bals, coutumes, paysages. Son parcours d’artiste est en accord avec les courants prédominants du temps, le vérisme et le divisionnisme, auxquels il ne se conformera jamais entièrement.

Francesco Ciusa est le premier sculpteur sarde à être remarqué à la Biennale de Venise. Né à Nuoro en 1883, Francesco Ciusa remporte à l’âge de 20 ans le premier prix de la Biennale avec La Madre dell’ucciso (La Mère de l’assassiné). Au mépris des canons classiques, l’œuvre représente l’attitude résignée de l’île face à ses dominateurs. En 1928, il expose à la Biennale de Venise une de ses dernières grandes œuvres, L’Anfora sarda (L’Amphore sarde).

Né en 1887, Mario Delitala acquiert très jeune une renommée qui l’emmène à Rome, Bologne, Turin, Venise. Cependant, le tournant de sa carrière a lieu en 1924, quand il est chargé de décorer la salle du conseil de l’hôtel de ville de Nuoro, qu’il orne d’une peinture célébrant les « valeurs sacrées » de la culture sarde. On lui confie ensuite les travaux de décoration de la cathédrale de Lanusei, de la grande salle de l’université de Sassari ainsi que de la cathédrale d’Alghero. Il participe à la fin des années 1920 à la Biennale de Venise et à la Quadriennale de Rome.

Pinuccio Sciola (1942-2016) est célèbre dans le monde entier pour ses pierres sonores, des sculptures qui émettent des sons dès qu’on les effleure. Dès 1968, il décide de faire de San Sperate un village-musée. Il se forme aux murales au Mexique avant de recouvrir les murs à la chaux des maisons de San Sperate de fresques et d’installer des sculptures sur les places du village. Désormais, on peut visiter son Giardino Sonoro (le jardin sonore) qui rassemble une centaine de ses œuvres musicales. A découvrir.

Naissance de l’art des rues

Le muralisme italien a sa capitale en Sardaigne. En même temps que Pinuccio Sciola lançait son projet de village-musée, la petite commune d’Orgosolo accueillait sa première peinture murale en 1969. Ce sont désormais 150 fresques qui s’étalent dans les rues et sur les places du village. La première impulsion fut donnée par le collectif anarchique Dioniso. Peu après, un enseignant de Sienne réalisa en collaboration avec des collégiens une œuvre publique pour commémorer la Libération du fascisme italien. Les peintures collectives nées de la ferveur politique montrent aussi des scènes de la vie rurale. Les années 1980 se tournent plus radicalement vers les transformations que connaît la société italienne.

Peu à peu, les rues deviennent le lieu d’expérimentations à vocation esthétique. Tous les styles se côtoient : réalisme, naïf ou encore impressionnisme. Le muralisme sarde reste cependant attaché à la notion d’art collectif et populaire. Les espoirs, les peurs et les aspirations de toute une communauté qui s’est peut-être sentie, à un moment de son histoire, exclue du monde extérieur se cristallisent sur ces murs.

Art contemporain

La Galerie municipale d’art abrite la plus vaste collection d’artistes sardes des XIXe et XXe siècles avec un accent sur les années 1960 et 1980. Plus de 650 œuvres d'artistes italiens dont de grands noms du futurisme sont représentés : Balla, Depero, Boccioni ou encore De Pisis.

L'abattoir municipal de Calasetta a été restauré pour abriter le musée d’art contemporain. Sa collection, constituée par le peintre Ermanno Leinardi, couvre les principales tendances européennes des années 1960 et 1970. Le premier étage se partage entre la collection d'art constructiviste et l’art abstrait. La section des constructivistes français est particulièrement riche (Sonia Delaunay, Jean Leppien, Aurelie Nemours, Yves Popet et beaucoup d'autres), mais des artistes italiens renommés sont aussi exposés, tels que Lucio Fontana, Mauro Reggiani ou Luigi Veronesi pour ne citer qu’eux.

La galerie AB Factory défend les talents de demain. Paola Falconi, née à Cagliari en 1968, reste marquée par les contes de son enfance. Formée à Florence, elle pratique le dessin, la peinture et la sculpture. Depuis peu, elle s’intéresse à la réalité contemporaine, sans mettre de côté le monde de l’imaginaire. Plusieurs musées et galeries exposent son travail imprégné de la Sardaigne.

Giorgio « Jorghe » Casu a été art thérapeute avant de se lancer dans une carrière artistique en 2002. Son univers onirique, empli de délicatesse et de mélancolie, a séduit jusqu’à la Maison Blanche qui conserve désormais son portrait du président Obama.

Cédric Dasesson est un photographe et artiste conceptuel basé à Cagliari. Il expérimente l’espace pour en proposer une définition contemporaine. Ses photographies fascinantes sur le thème de l’eau montrent la Sardaigne sous un jour particulièrement original.