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L’autonomie insulaire

La Sardaigne jouit d’un statut spécial conféré par une loi constitutionnelle datant de 1948. Elle lui octroie le pouvoir de légiférer de façon exclusive dans certains domaines (administration locale, urbanisme, agriculture, industrie et commerce, tourisme, transports terrestres, eaux et forêts, chasse et pêche) ou de renforcer l’arsenal juridique de l’Etat dans d’autres domaines (santé, assistance publique). Elle dispose d’une autonomie financière importante et peut retenir jusqu’à 70 % de l’impôt sur le revenu, 90 % des droits d’enregistrement et 50 % des droits de succession. Les Sardes élisent leurs représentants au Conseil régional (assemblée législative) ainsi que le président de la région, tous les 5 ans. L’exécutif est rassemblé au sein d’une junte régionale. Les dernières élections de 2019 ont été emportées par une large coalition de centre-droit menée par le parti populiste de la Ligue. Néanmoins, le président de région est le chef de file du Parti d’action sarde, Christian Solinas. Une dizaine de partis exclusivement sardes occupent l’échiquier de la représentation. Ils représentent les sensibilités culturelles et politiques qui vont d’un régionalisme renforcé à l’indépendance totale. Un récent sondage effectué par l’Université de Cagliari montre que les deux tiers de la population se sentent sardes et italiens. Ceci conduit à penser que l’intégration de la Sardaigne comme région autonome au sein de l’Italie convient aux îliens.

Les principales ressources

La Sardaigne possède une tradition agricole ancestrale. L’agriculture, l’élevage et la pêche constituent la base économique de l’île. Dans certaines de ses régions, les pépinières de plantes et les cultures de vignes, d’oliviers et de vergers s’étendent sur des kilomètres. La région produit essentiellement du blé dur, du riz et des pommes de terre. Les productions secondaires sont les artichauts, les cardons, les fèves, les endives, les radis et les betteraves à sucre. L’élevage revêt une grande importance et les Sardes sont très attachés à leurs troupeaux. Ce sont près d'un million de chèvres et 4 millions de moutons qui paissent sur les plateaux de l’île. Pour soutenir cette activité, la région reçoit de nombreuses subventions, surtout dans la partie orientale de l’île. La production du lait de chèvre et du fromage est aussi encouragée. Quant à la pêche, elle est pratiquée surtout dans les étangs et dans les embouchures des fleuves. La pêche en mer, pratique apportée par les Siciliens au début du XXe siècle, prélève essentiellement thons, calmars, poulpes et crustacés. Le tourisme constitue le deuxième pilier économique de l’île. Il n’a cessé de se développer depuis les années 1960 pour connaître un véritable essor dans les années 1990. Les infrastructures – autant d’accueil que les modalités de venue sur l’île – se sont multipliées. La Sardaigne accueille 10 millions de visiteurs par an, dont 80 % visitent l'île en juillet et août. Parmi les visiteurs étrangers, les touristes allemands sont les plus nombreux, suivis par les Espagnols et les Russes. Les visiteurs plébiscitent les plages à 95 %, notamment celles de la Costa Smeralda et autour de Cagliari. A elle seule, la province de Sassari reçoit 50 % des touristes. Du côté de l’industrie lourde, le tableau se fait beaucoup plus sombre. La Sardaigne a longtemps vécu de l’exploitation de ses ressources minières. Mais celle-ci s’est effondrée dans les années 1990 et aujourd’hui les mines se visitent comme des vestiges archéologiques. Dans les années 1960, l’île fait le pari de la chimie et développe des zones industrielles, notamment du côté de Porto Torres. Mais lorsque le secteur de la chimie s’effondre pour des raisons mondiales, la Sardaigne se retrouve une fois de plus à la peine. Depuis, elle investit massivement dans le secteur des énergies renouvelables et plus particulièrement dans l’éolien et le photovoltaïque.

Perspectives et enjeux

Sur le plan politique, la Sardaigne semble avoir trouvé un consensus stable qui la fait basculer de coalitions de centre-gauche à des coalitions de centre-droit au gré des élections. Aujourd’hui, le personnel politique sarde cherche surtout à se débarrasser de l’intense présence militaire italienne et de l’OTAN qui possèdent de nombreuses et larges bases. Mais l’enjeu majeur demeure l’industrialisation de l’île pour favoriser son développement et réduire durablement le taux de chômage. En 2021, l’île comptait 14,7 % de chômeurs, contre 10 % sur le territoire national. Mais le taux s’envole lorsqu’il s’agit des jeunes, pour atteindre 45 %. L’agriculture peine à renouveler son modèle de production archaïque peu rentable et à mettre en place des systèmes d’irrigation qui permettraient de gagner en surface et en productivité. Par conséquent, le secteur n’attire que peu les jeunes, malgré la possibilité de valoriser la production grâce à l’obtention de labels de qualité. Le pecorino, l’huile d’olive ou encore le safran bénéficient d’AOP. Le tourisme, à l’activité très saisonnière, ne peut absorber à lui seul l’excédent de main-d’œuvre sarde. Les autorités s’emploient à promouvoir le potentiel historique et culturel de l’île, en aménageant les nombreux sites archéologiques et les monuments importants (nuraghes et églises romanes notamment). Au-delà de la préservation stricte du patrimoine, il s’agit d’attirer une clientèle plus diversifiée, susceptible de s’intéresser à d’autres régions que la bande côtière et prête à venir en dehors de la période estivale. La pandémie de Covid-19 montre que l’économie sarde ne saurait se reposer presque uniquement sur son industrie touristique. Celle-ci a subi de plein fouet la première phase aigüe de l’épidémie et il est trop tôt pour se prononcer sur ses effets durables. La Banca d’Italia voit en revanche la volonté de développer les énergies renouvelables d’un bon œil. La moindre dépendance au charbon peut permettre non seulement de réduire les émissions de CO2, mais aussi d’accroître la productivité sarde à moyen terme. Cela ne suffira pas à équilibrer la balance commerciale largement déficitaire et comblée par la solidarité nationale. L’île importe beaucoup plus qu’elle n’exporte, notamment des produits manufacturés, et le manque de diversification de son économie ne peut que réduire les ambitions indépendantistes de certains.