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Femme Nung © hadynyah - iStockphoto.com.jpg

Une mosaïque ethnique difficile à ordonner

Il est de convention de regrouper les ethnies en cinq grandes familles établies selon des critères linguistiques (voir le chapitre Population). Néanmoins, de l’avis des spécialistes, cette classification est peu éclairante. En effet, au sein d’une même famille de langues, les pratiques sociales ou les systèmes politiques et religieux peuvent être très hétérogènes quand deux groupes appartenant à des familles différentes peuvent avoir beaucoup en commun. Les préhistoriens se perdent encore en conjectures sur l’origine et l’identité des différents groupes ethniques qui peuplent le Viêt Nam, mais le schéma couramment admis est celui d’une mise en place en vagues migratoires successives d’éléments originaires du sud de la Chine sur un substrat autochtone constitué de populations austro-asiatiques (Viêt et Muong dans le delta du fleuve Rouge) et austronésiennes (Jaraï, Edé ou Rhadé sur les hauts plateaux du Centre).

En simplifiant, les plaines deltaïques et les basses terres sont occupées par des Austro-Asiatiques : les Viêt, les Khmer Krom dans le delta du Mékong ou encore les Muong, dont certaines familles accueillent volontiers les touristes qui passent la nuit dans les maisons sur pilotis des villages de la réserve naturelle de Ngoc Son Ngo Luong (province de Hoa Binh, dans les environs d’Hanoi). Dans les vallées et les bassins intramontagnards vivent les groupes de la famille thaï-kadai : Thaï blanc, Thaï noir, Nung, mais surtout les Tay. Ces derniers forment le deuxième groupe ethnique le plus important (un peu moins de 2 millions de personnes) après les Viêt. Ils sont surtout présents dans le nord-est du pays. Les Thaï, quant à eux, sont installés dans le nord-ouest, sur la rive droite du fleuve Rouge. La vallée de Mai Châu, la plaine de Nghia Lô, la réserve naturelle de Pu Luong et la province de Diên Biên sont réputées pour la splendeur des paysages disciplinés par la géométrie des rizières en terrasses et l’authenticité des villages thaïs, avec de spacieuses et élégantes maisons de bois, perchées sur de hauts pilotis à près de 2 m du sol. Sur les crêtes de la ceinture montagneuse qui s’étire le long de la frontière avec le Laos et la Chine vivent les Hmông et les Dao. Les premiers sont des migrants récents dont la présence n’est pas attestée avant le XIXe siècle. L’installation des Dao remonterait au XIIIe ou au XIVsiècle, une antériorité qui explique leur établissement à des altitudes moins élevées. Ces deux derniers groupes se rencontrent en particulier dans les provinces de Lao Cai et de Ha Giang où se tiennent de nombreux marchés qui rassemblent chaque semaine les minorités, venues des hameaux alentour. Sur les hauts plateaux du Centre, on rencontre des Austroasiatiques (Banhar, Katu, Sedang...) et des Austronésiens (Jaraï, Edé...). L’accès est plus difficile, non pas que les minorités soient moins accueillantes, mais parce que les autorités exercent un contrôle sévère, craignant que les influences étrangères ne viennent alimenter des poussées irrédentistes.

Historiquement, ces minorités qu’on retrouve partout dans une vaste zone montagneuse transnationale qui s’étend du sud de la Chine au nord de l’Asie du Sud-Est continentale, à l’extrémité orientale du monde indien, se sont tenues à l’écart, pratiquant ce que l’anthropologue James C. Scott appelle « l’art de ne pas être gouvernées ». Mais les vicissitudes de l’histoire, les guerres successives dans lesquelles les minorités ont été entraînées et ont combattu d’un côté ou de l’autre, et enfin l’essor économique accéléré ont eu raison des systèmes traditionnels. L’ubiquité de l’implantation viêt rend dorénavant quelque peu caduc le schéma de l’étagement ethnique. Après 1975, les hauts plateaux ont été progressivement colonisés et transformés par le développement d’une agriculture industrielle. Les plantations de café, de théiers ou de poivriers ont pris la place des espaces forestiers, domaine ancestral des minorités autochtones. Le cas de la station d’altitude de Sapa est également exemplaire. La construction d’une autoroute et d’un téléphérique ont alimenté la spéculation foncière, la débauche d’infrastructures touristiques et l’accaparement des terres agricoles des minorités par l’ethnie majoritaire viêt. Le brassage des populations s’observe aussi à Hanoi, où il n’est pas rare de rencontrer des représentant(es) de l’ethnie thaïe venu(e)s louer leur force de travail sur les nombreux chantiers de la capitale.

Richesse des musées

La visite des musées est un excellent moyen de s’initier à la diversité culturelle et ethnique du Viêt Nam. Costumes, bijoux, vanneries, objets rituels furent colletés dès les débuts de la présence française en Indochine. Avant ou après un séjour au Viêt Nam, et si l’on a l’occasion de se rendre à Paris, la visite du Musée du quai Branly – Jacques Chirac peut être l’occasion de découvrir ces riches collections. Au Viêt Nam, la visite du Musée d’Ethnographie de Hanoi est une étape obligée dans la capitale. Inauguré en 1997, en présence du président Jacques Chirac, le lieu a été conçu en collaboration avec des spécialistes du Musée de l’Homme (Paris), dont la partie ethnographique a depuis été transférée au musée du quai Branly. Le jardin d’architecture est particulièrement apprécié des visiteurs. Les constructions typiques de plusieurs ethnies y ont été reconstituées avec les matériaux d’origine et les techniques de construction traditionnelles. Toujours à Hanoi, le Musée des Femmes est une autre institution riche d’enseignements sur les coutumes propres aux différentes minorités ethniques : mariage, naissance, vie quotidienne, artisanat... Dernier musée, enfin, le Musée d’ethnographie du Dak Lak, à Buôn Ma Thuôt, dans les hauts plateaux du Centre. Inauguré en 2011, il a également été conçu en coopération avec des spécialistes français. Son architecture reprend les lignes des maisons traditionnelles et il est essentiellement consacré à la culture des ethnies de la région : Edé, Mnong, Jaraï…

Richesse des rencontres

La rencontre avec les minorités est toujours un moment fort d’un voyage au Viêt Nam, voire peut constituer l’objectif de ce voyage. En fonction de son budget, de la durée du séjour et de sa condition physique, on peut envisager différents types d’activités. Dans le nord du Viêt Nam, les voyages à moto séduiront les amateurs d’aventure. C’est un moyen privilégié de s’immerger dans les paysages et d’être ouvert aux rencontres avec les populations locales. Sur les pistes, au cœur d’une vallée ou en s’engageant dans les lacets qui partent à l’assaut d’un col perdu dans la brume, les arrêts sont nombreux, à la cascade, sous un banian, au passage d’un gué ou avant de s’engager sur le pont suspendu… Pour être réussi, un tel voyage requiert un minimum d’organisation et de précautions. Le recours à une agence spécialisée permet d’éviter bien des déconvenues. À Hanoi, Carnets d’Asie bénéficie d’une expérience considérable. Au-delà des aspects matériels et sécuritaires, de l’assistance mécanique, non négligeables dans des régions reculées, l’agence maîtrise parfaitement la géographie humaine des zones montagneuses et propose des circuits accompagnés qui tissent rencontres et paysages pour des histoires toujours uniques. Les treks sont un autre moyen de découvrir la vie des populations montagnardes. Les provinces de Ha Giang et de Lao Cai, au nord, recèlent les plus beaux parcours, qui conduisent dans les hameaux d’altitude, domaine des Hmông, des Dao, des Nung, des Phu La ou des Hani. Point n’est besoin d’être un athlète, seules sont requises un peu d’endurance et une bonne capacité d’adaptation. Si les randonnées d’un jour peuvent s’improviser, les treks de plusieurs jours nécessitent de recourir à un opérateur spécialisé. À Hanoi, l’agence GP Travel propose des treks qui peuvent aller jusqu’à dix jours, avec différents niveaux de difficulté et qui pourront convenir à tous les publics. Le soir, accueil dans des maisons traditionnelles dans les villages de minorités. Un guide francophone aide à établir le contact et à entamer la conversation avec les hôtes. La formule du logement chez l’habitant (Homestay) est elle aussi très attractive. L’agence Amica Travel excelle dans la conception de ce type de séjour qui permet une véritable immersion dans la vie villageoise. Il s’agit de courtes extensions (mais qui peuvent être prolongées…) d’un ou deux jours, à partir d’un site touristique déjà connu, dans un village représentatif de la culture locale. Le voyageur est invité à séjourner chez un habitant dont la maison a été réaménagée pour disposer des commodités nécessaires. Il est convié à participer aux activités du quotidien : le marché, les travaux des champs, la cuisine, le tissage, les soins du bétail… Enfin, pour ceux qui souhaiteraient disposer d’un certain confort, certains établissements hôteliers sont situés dans des lieux exceptionnels et préservés. Ils constituent des bases idéales pour partir à la découverte des groupes ethniques qui peuplent ces régions reculées. Citons notamment l’écolodge du Panhou Village dans le massif du Song Chay (province de Ha Giang) et le Mai Chau HideAway Lake Resort dans le village de Suôi Luôn, en bordure du grand lac d’Hoa Binh. À 2h30 de Hanoi, le site est absolument superbe et évoque la baie d’Along. Les promenades et les explorations en kayak ou à bicyclette conduisent dans les villages alentour dans lesquels se laisse découvrir la vie quotidienne des Muong, des Dao et des Thaï qui accueillent volontiers les visiteurs.

Achats solidaires

Souvent isolées et soumises à des conditions de vie difficiles, les minorités ethniques des régions montagneuses comptent parmi les populations les plus pauvres du Viêt Nam. La vente de produits artisanaux représente pour elles la possibilité de générer des revenus complémentaires. Néanmoins, elles maîtrisent mal les circuits de distribution et sont souvent victimes d’intermédiaires peu scrupuleux. Par ailleurs, beaucoup de produits artisanaux dits ethniques sont en fait fabriqués dans des ateliers tenus par des Kinh. Dans un esprit de solidarité, un certain nombre d’ONG soutiennent des initiatives en faveur du commerce équitable qui valorisent le travail des artisans issus des minorités. À Hanoi, Craft Link propose de très beaux produits qui permettent de sauvegarder les savoir-faire ancestraux de plusieurs groupes ethniques. Superbes produits également chez Indigo Store, une boutique spécialisée dans les textiles, avec des batiks indigo et des écharpes splendides. Oriberry et Betterday permettent d’apprécier de rares thés verts récoltés sur des arbres centenaires par les Hmông et les Dao, dans les régions montagneuses du nord. À Sapa, Indigo Cat offre une large sélection d’artisanat local (textiles, bijoux…), mais aussi des produits naturels tels que le miel ou des huiles essentielles.