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Racines aborigènes

Les traditions aborigènes se transmettent principalement par la parole. Plusieurs sites sacrés abritent néanmoins des peintures et objets d’art de cette culture, avant tout spirituelle. Elle se fonde sur le Temps du Rêve, ou Dreamtime, le moment de la Création. Les croyances de ce peuple sont en étroite relation avec la nature, et les esprits présents sur la terre australienne depuis plusieurs millénaires.

L’art aborigène court de la longue période qui a précédé la colonisation, à nos jours. Il englobe la peinture, la sculpture, la gravure, associées à la musique, au chant et à la danse, donc à la collectivité. Sa première vocation est de faire circuler l’énergie créatrice.

Les premières peintures rupestres aborigènes sont plus anciennes que les œuvres de nos grottes européennes, notamment de Lascaux. Datées pour certaines à plus de 40 000 ans, elles sont réparties sur plus de 5 000 sites. Ces sites sacrés sont concentrés dans le Nord et dans le centre. Dans le Nord, le Parc de Kakadu ouvre aux visiteurs le site de Nourlangie Rock et les Ubirr rock art sites. A Nourlangie, les plus fameuses peintures sont celles du Namarrgon, l’homme-foudre responsable des tempêtes, qui se réfugie dans les flaques d’eau à la saison sèche ; représenté en pointillés blancs, il est marié à Barrinj, la mère des sauterelles. Au beau milieu du désert, la terre ocre d’Uluru - Ayers Rock abrite une douzaine d’esprits ancestraux. Dessins et sculptures sur roche illustrent le Temps du Rêve. De nombreuses gravures peuvent également être admirées tout autour du pays. On citera par exemple les figures de la Péninsule Burrup dans le Nord-Ouest du WA ou bien d'Ewaninga au sud d'Alice Springs. Mais vous n'avez pas forcément besoin de vous diriger vers l'Outback pour voir de l'art millénaire: sachez qu'il y a même quelques sites d'art rupestre dans Sydney et dans ses environs!

Art aborigène moderne

En 1971, l’art aborigène se fait remarquer alors qu’il passe de la roche à la toile. Ce changement se produit au sein de la communauté de Papunya, dans le centre du continent. L’enseignant Geoffrey Bardon invite alors ses élèves à orner des murs, puis des toiles de motifs traditionnels en recourant à une succession de points similaires. Ces représentations rencontrent un tel succès qu’elles se vendent à l’étranger.

L’art, jusqu’alors collectif, s’individualise. Les couleurs et les thèmes se diversifient. Certains artistes aborigènes les plus célèbres ont exposé à travers le monde, comme Emily Kame Kngwarreye, Clifford Possum Tjapaltjarri ou Rover Thomas.

Clifford « Possum » affirme avoir réalisé des œuvres traditionnelles avant le mouvement pictural de Papunya. Egalement sculpteur, il peint les rêves aborigènes dès 1976 sur de grands formats. Les toiles de Clifford ont intégré les collections de la National Gallery of Victoria ou  l’Auckland City Art Gallery.

En 1974, Rover Thomas Joolama (1926-1998) reçoit durant son sommeil les rites Gurirr Gurirr dont il devient le garant. A ce titre, il en peint les emblèmes sur des panneaux qui feront sa renommée. Il reçoit ensuite des commandes, et participe à des expositions à travers le monde jusqu’à son décès, survenu au sommet de sa gloire.

La peintre Emily Kame Kngwarreye (1910-1996), originaire de la communauté Utopia, développe sa sensibilité artistique en préparant des cérémonies féminines. Initiée au batik, elle adopte la toile comme support pour exprimer son originalité. Son premier style se définit par le recours à une multitude de points de tailles et de couleurs variées, comme on peut le voir dans Wild Potato Dreaming (1996). Peu à peu, les taches colorées envahissent la toile, avant que sa phase colorée simplifie à l’extrême son trait. Ses toiles se vendent à prix d’or. En 2013, le Emily Museum, le premier musée consacré à un artiste aborigène, ouvre à Cheltenham, dans la banlieue de Melbourne. A une vente aux enchères en 2017, un de ses tableaux a battu le record de vente pour une artiste féminine du pays.

La peinture aborigène continue de se développer. De nombreux des grands noms vivent dans les endroits les plus reculés du pays, c'est par exemple le cas des artistes de Yirrkala comme Nongirrnga Marawili ou Dhambit Mununggurr, ou de Maningrida comme John Mawurndjul, en Terre d'Arnhem dans le Northern Territory. Vous les retrouverez dans les belles galeries des grandes villes australiennes.

De l’art colonial à l’art moderne

La première période de l’art australien, dite « coloniale », offre le point de vue des Occidentaux. Le Britannique Thomas Watling débarque en 1792 après avoir été condamné au bagne. Le forçat peint des vues de la baie de Sydney, dans un style quelque peu idéalisé. A sa suite, les artistes émigrés en Australie font le portrait des Aborigènes en reprenant les poses de guerriers classiques, romains et grecs. Il faut préciser qu’à la même époque, le néo-classicisme de David séduit en France.

Le premier musée des beaux-arts est créé en Australie : la National Gallery of Victoria.

A la fin du XIXe siècle, c’est au tour des artistes australiens de partir chercher l’inspiration en Espagne, en Grande-Bretagne et en France. Ils découvrent alors l’impressionnisme, qu’ils adaptent à la lumière australienne à leur retour. C’est ainsi qu’est fondée l’Ecole de Heidelberg. Les paysages du bush deviennent un motif apprécié. A partir de 1920, il en découle la période Art in Australia, première tendance véritablement nationale.

Un art contestataire s’élève en réaction à la Première Guerre mondiale. Plusieurs courants coexistent : Josl Bergner creuse le réalisme social, Albert Tucker suit la voie de l’expressionnisme, et James Glesson, celle du surréalisme. « La décennie de la colère », révolte anticonformiste, s’étend de la fin des années 1930 à la fin des années 1940. Une forte conscience nationale s’affirme pour la première fois. L’artiste Sidney Nolan pose son regard corrosif sur l’histoire australienne, ses éleveurs et ses colons.

A cheval sur deux cultures, Albert Namatjira (1902-1959), originaire du peuple Arrernte, est élevé par des parents catholiques. Bien vite, il renoue avec ses racines et réintègre sa tribu. Mais en 1934, il fait la connaissance du peintre Rex Battarbee, qui le sensibilise à l’aquarelle. Namatjira connaît un succès grandissant avec ses paysages baignés de lumière qui fourmillent de détails.

Photographes australiens

Parmi les premiers photographes australiens, l’aventurier James Francis « Frank » Hurley (1885-1962) adopte la caméra puis l’appareil photo pour immortaliser ses découvertes. Ses expéditions le conduisent jusqu’en Antarctique. Durant les deux guerres mondiales, il officie en tant que photographe officiel de l’armée australienne. Non content de documenter les événements et les lieux, il décide de retoucher ses images. Il va jusqu’à se livrer à de véritables reconstitutions, qui lui attireront les foudres des puristes.

De nos jours, une frange de la photographie australienne joue avec les frontières de la représentation. Des propositions comme celle de Justine Khamara, artiste de Melbourne née en 1971, brouillent les repères entre photo, collage et création en trois-dimensions. L’artiste découpe ses portraits photographiques pour recomposer des sculptures intrigantes.

Sonia Payes, née en 1956, fusionne photographie, sculpture et multimédia pour produire des univers dystopiques. Ses thèmes tournent autour de l’interdépendance de l’homme et de la nature, ainsi que la régénération. Ses Ice Warriors sont destinés à aider l’humanité à trouver des solutions aux questions environnementales. Représentée par Scott Livesey Galleries à Melbourne, elle a participé à la foire Sydney Contemporary 2019. A Melbourne, l’art multimédia est mis à l’honneur à l'Australian Centre for Contemporary Art.

Petrina Hicks (née en 1972) distord le langage aguicheur de la photo commerciale pour questionner l’identité féminine. Il en résulte des portraits peu conventionnels, comme Shenae and Jade, qui montre une mannequin sur papier glacé tenant une perruche dans sa bouche.

Art contemporain

Le dialogue entre les artistes occidentaux et aborigènes ne cesse de s’enrichir. Des projets jettent des ponts entre les deux cultures, tel Mer de mains, œuvre de Fiona  Mac Donald qui consiste en un ensemble de mains en plastique planté dans le désert. A travers son travail, elle alerte sur la nécessité de respecter les terres des Aborigènes. Le photographe Alastair Mc Naughton a pour sa part vécu parmi les Aborigènes ; de cette expérience, il a rapporté de précieuses images de leur quotidien.

Quelques artistes installés dans les grandes villes ont ouvert la voie à un art aborigène urbain. Considéré comme le pionnier de cette tendance, le sculpteur et peintre Lin Onus (1948-1996) est d’origine aborigène et écossaise. Autodidacte, il se démarque par sa conscience sociale. Onus, carrossier de métier, utilise ses compétences pour confectionner des sculptures pleines d’ironie et d’originalité.

Né en 1961, Walangari Karntawarra Jakamarra appartient à la « génération volée », celle des enfants enlevés à leurs parents pour être adoptés. Par conséquent, il reçoit une éducation occidentale. C’est ainsi que dans son travail, il se réapproprie les normes occidentales pour évoquer le Temps du Rêve.

En tête de l’avant-garde, Brett Whiteley (1939-1992) décroche en 1960 une bourse qui lui permet de voyager. La Tate Gallery de Londres lui achète son tableau Untitled Red Painting, qui lui assure une reconnaissance immédiate. En 1967, il s’établit à New York. En pleine guerre du Viêt-nam, il s’exprime en faveur de la paix dans sa série The American Dream. Son tableau Alchemy orne la pochette d'un album du groupe Dire Straits.

Circuit street art

L’art des rues a la vie belle en Australie. Fintan Magee, né en 1985, est tombé dans la marmite du graff dès l’âge de 13 ans ; il évolue ensuite vers la fresque figurative. Ses portraits monumentaux, hyperréalistes interpellent le regard partout dans le monde. Ses personnages en lévitation illustrent le déclin de la société de consommation ou le réchauffement climatique. A Sydney, il a récemment alerté sur les ravages de la gentrification en peignant The Riders sur la façade de l’Alexandria Hotel.

Dans les principales villes australiennes, fresques et graffitis inondent les espaces publics et artistiques. Un survol du continent ? A Canberra, les artistes de rues disposent de 30 sites appelés « espaces libres » pour s’exprimer librement, avec le soutien du conseil municipal. Ainsi, ruelles, hangars et cuves de stockage ont été recouverts de créations de toutes sortes. En périphérie, les quartiers branchés de NewActon et de Braddon sont prisés par les graffeurs.

Du côté de Sydney, direction Surry Hills, qui abrite par ailleurs le musée Brett Whitely (Raper Street). Dans un esprit plus alternatif, les quartiers de Newtown et d'Enmore à Sydney dévoileront les pépites du street art local. Certaines sont des commandes de propriétaires désireux d’apporter une touche arty à leur maison.

Le Darwin Street Art Festival attire tous les ans des artistes renommés. Ce projet est né du succès rencontré au nord de la ville par le Bagot Painting Home Project.

A Brisbane, les œuvres d’art publiques se succèdent sur Brisbane Burnett Lane. Entre boutiques design et cafés branchés. Ici aussi, le Street Art Festival apporte des touches colorées au paysage urbain.

Capitale mondiale des arts de la rue, Melbourne abrite plusieurs spots de street art. Les rues Hosier et Rutledge ainsi que la Centre Place font partie des plus belles galeries d'art en plein air de tout le pays. Typiquement australien, le Silo Art Trail invite à découvrir des œuvres d’art réalisées sur des silos. Le Silo Art Trail dans l’État du Victoria offre un formidable parcours hors des sentiers battus. Grandiose et… so australian ! Vous pourrez aussi découvrir le Silo Art Trail dans d'autres États australiens.