Courses de chevaux et de mulets sur la plage de Sainte-Marie

Une tradition qui revit. Pour faire revivre la tradition des courses de mulets fortement ancrée depuis les années 1940 à Sainte-Marie et aider à sa pérennisation, une convention tripartite a été signée entre le Parc naturel régional de la Martinique (PNRM), la ville et l'association Les Sabots dans le sable de Sainte-Marie. Ainsi chaque année, sur la plage de Sainte-Marie en Martinique se tient dans le cadre de la fête patronale la course de chevaux qui attire la foule le 15 août. Le responsable de la course de chevaux s’appelle Patrick Bilvin. On peut voir des courses de pur-sang, demi-sang, poneys et mulets, dans ces courses qui ont lieu précisément sur la plage en bordure de mer de la commune. Ces évènements se passent sur deux jours durant le mois d’août, et le jour le plus « couru », comprendre le plus populaire, est le 15 août. Des prix sont décernés notamment pour la course de mulets, labellisée Grand Prix du Parc, et les autres courses de pur-sang, demi-sang, poneys sont sous la responsabilité de la ville et des sponsors ADN et ALIMA, deux magasins d’alimentation qui se trouvent à Trinité, et tout cela est parfaitement organisé.

On est sur la grève, loin de Carrère au Lamentin, de sa piste tondue, bien balisée et aseptisée, loin des parieurs installés dans les tribunes. Ici on se bouscule. On veut voir. La course est populaire, elle commence à 15h pile. Il n’y a pas de tickets d’entrée, ni non plus de défilés pour futurs mannequins, mais les jockeys ont leur tenue qui est la couleur de l’écurie qu’ils représentent, ainsi que leur casque et leur gilet de protection obligatoires.

Déroulement de la course. Par catégories, les concurrents s’alignent sur la plage, devant le commissaire qui siffle le départ. Une fois donné, les jockeys doivent rejoindre un drapeau qui se trouve à l’autre bout de la plage. Tout cela se passe entre rive et vagues, dans le sable, dans l’eau, sur un sol plutôt ingrat car, loin d’être régulier, il glisse, s’enfonce sous les sabots, près d’une mer qui s’invite à chaque fois que l’on ne l’attend pas, ajoutant du charme au pittoresque ainsi qu’à l’ambiance survoltée des vivats. Après chaque course, les trophées sont remis et vers 17h30-18h la course est finie. Les chevaux fatigués regagnent leurs écuries mais la plage ne se vide pas, c’est la fête. Les marchandes de pistaches, zélées comme à leur habitude, rameutent les clients : « Biiien grilléééés, grilléééés tout chaud ! » à deux brasses seulement des vendeurs de sinobol : sirop menthe-grenade-orgeat sur glace pilée. La nuit arrive, lentement mais elle arrive, avec cette fraîcheur maritime qui l’accompagne. Frénétiquement les clochettes s’agitent, s’il fait frisquet difficile de se laisser tenter par un rafraîchissement, les clochettes s’agitent pour ne pas rentrer bagage, elles s’agitent pleines d’espoir.

La tradition populaire du chouval-bwa

Jusqu’aux années 1970, le chouval-bwa (manège de chevaux de bois) était un élément incontournable des fêtes patronales à la Martinique. Il s’agit d’un manège, poussé à la seule force des bras et constitué essentiellement, comme son nom l’indique, de chevaux de bois artistiquement réalisés et peints – même s’il comporte aussi des voiturettes et des ti-ban (banquettes) toujours en bois.

Au centre du manège se tenaient des musiciens, un véritable petit orchestre : bwatè, qui donnaient le rythme en tapant sur une pièce de bambou ; joueur de chacha – sorte de maracas ; accordéoniste ou clarinettiste, joueur de tanbou dé bonda –tambour à deux faces. Ainsi, outre l’ivresse de virevolter qu’il procurait, le chouval-bwa était aussi un grand moment de plaisir musical, dont bénéficiait aussi les nombreux spectateurs.

Cette belle tradition a malheureusement disparu des fêtes communales, et il faut saluer le travail de Josélita et Claude Germany, créateurs de l’association Chouval Bwa Trad, qui s’efforcent de la maintenir et de la faire rayonner. Une pratique musicale, dite « chouval-bwa », existe.

Le bwaflo de Grand'Rivière

Le bwaflo (le bois creux) ou pri-pri. Derrière la maîtrise du milieu naturel naît la construction de l’identité culturelle. À la bonne lune, une semaine avant le Samedi gloria, les enfants vont couper le tronc ou la branche qui leur servira de flot ou de flotteur. Le pripri, comprendre le radeau, est composé de deux ou plusieurs flots, la dimension du flot doit être en rapport avec la taille de son utilisateur. Le flot doit sécher huit jours au minimum avant d’être mis à l’eau. Ils pèlent l’écorce, taillent l’avant en biseau pour servir de pointe qui va fendre l’eau, puis ils font une entaille sur le côté afin de personnaliser l’objet, nous raconte monsieur Chadet, natif de Grand'Rivière qui fut dans son enfance un féru de bwaflo. Le bwaflo est le nom créole de l’Ochroma pyramidale, un arbre appelé aussi balsa (radeau) en espagnol. Cet arbre est de la même famille que le fromager, dont le bois aussi est utilisé pour ses propriétés de flottaison. Cet arbre fréquent au nord de la Martinique sert à faire des radeaux appelés pripri au Marin ou bwaflo à Grand'Rivière. On a vu, dans le temps, plus de cent enfants munis de leur radeau, attendre la « résurrection des cloches » du Samedi gloria, pour se lancer à l’assaut des vagues et ce de haute lutte, partir affronter la mer pour faire la course. Alors couché sur son bwaflo l’enfant rame pour gagner la culminante vague plus vite que ses concurrents.

La technique du bwaflo, l’audace créatrice. Selon Emmanuel Nossin, pharmacien et ethno-pharmacologue « La vérité est que la pratique du bwaflo ne peut se concevoir en dehors de l’ensemble historique et sociologique qui le fait exister. Et comme toute pratique sociale s’effectuant dans une société articulée sur un mode de pensée naturaliste traditionnel, le sens et la destination de ses objets et de leurs usages, induisent toujours de complexes interactions entre des facteurs techniques, historiques, mais aussi symboliques, derrière la simplicité apparente de cette banale activité ludique et récréative, se cache non seulement l’audace créatrice et la dextérité de nos aînés, mais encore leur façon dynamique d’intégrer les éléments naturels dans la vie sociale. Sans aucun doute, l’audace et la dextérité qui ont poussé nos aînés à affronter la mer la plus dangereuse de la Martinique nous viennent-ils historiquement de nos ancêtres amérindiens, qui étaient avant tout des peuples de la mer. N’oublions pas que c’est par celle-ci qu’ils ont colonisé cette terre et organisé la vie.

Nos ancêtres d’Afrique, dans leur très grande majorité, peuples de la forêt, gardaient, enfouis dans leur mémoire, le traumatisme de la mer et du « franchissement du milieu », cette ligne symbolique du non-retour.

Transmission, emprunt, copie, stylisation, oubli, envie de s’affirmer différemment, qu’importe ! La connexion entre les valeurs des uns et les frayeurs des autres, alors que la colonisation de type mercantiliste avait largement entamé la continuité écologique entre l’homme et la nature, aura finalement abouti à une synergie où émergèrent des éléments culturels nouveaux.

Ainsi donc, suppose-t-on, serait apparue la pratique du bwaflo ou pripri, avec ses facettes patrimoniales multiples : un divertissement pour les jeunes connotant l’immense familiarité des Martiniquais avec les éléments naturels, une prouesse physique et mentale pour des déracinés forcés que la mer avait définitivement enfermés dans un monde qu’ils étaient condamnés à adopter, et un défi permanent à la puissance démesurée de la nature sauvage, mais en même temps basé sur un profond respect de cette dernière.

Toujours selon Emmanuel Nossin, elle montre aussi, et en tant qu’expression de ce rapport fusionnel que les Martiniquais entretiennent depuis toujours avec leur environnement, qu’à côté de l’appropriation matérialiste, brutale, exclusive et excessive de celui-ci, il existe toujours une façon plus équilibrée de le gérer.

L’ensablement du port. Selon monsieur Chadet avec l’ensablement du port, dû à la construction du quai, les vagues se sont incroyablement assagies, ces rencontres ancestrales ont été déplacées dans la ville de Basse-Pointe devenue actuellement lieu de surf pour ses vagues tout aussi réputées. Aujourd’hui à Grand'Rivière seuls les marins-pêcheurs ont gardé la coutume, lorsqu’ils ne prennent pas leur barque, ils vont au large, installés sur leurs bwaflo, chercher des poissons.

Pour terminer, Emmanuel Nossin ajoute que la pratique traditionnelle du bwaflo ou pripri, dégagée de toute finalité économique dans une zone pourtant vouée à la pêche et à l’agriculture intensive, a été supplantée par les nombreux jeux de glisse moderne, de nos jours. Elle restera à jamais un exemple marquant de la créativité de nos aïeux, ainsi que de leur incommensurable capacité à générer des productions uniques à partir des éléments fournis par la nature. En tenant compte des lignes structurantes de notre patrimoine culturel immatériel, la création d’un musée est une nécessité urgente.