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Le jardin créole

Le jardin créole s’apparente à un fouillis végétal qui est derrière la maison et on y trouve de tout. En effet, différentes espèces se côtoient et vont l’une sur l’autre, une plante aidant l’autre comme pour répondre à une certaine connexion entre plantes qui « consentent » au pouvoir de coopérer ensemble. C’est à l’évidence un désordre mais au vu de la réalité, c’est un désordre organisé, car le jardin créole est agencé de façon à ce que chaque couche de végétation fasse office de niche écologique, et ce par association complémentaire. Les plantes sont placées pour que l’une et l’autre soient solidaires. Généralement le jardin créole est chargé, car il est plein de végétaux divers, et les plantes sont en symbiose.

Selon Romain Bellay, agriculteur-écrivain, « l’arbre à pain, le cocotier, l’abricotier, l’avocatier, le citronnier, l’oranger sont plantés à des distances convenables de telle sorte qu’ils permettent au soleil de pénétrer. Sous ces arbres, des bananiers de variétés diverses comme : la banane plantain, le kankanbou, le makandia, la banane dite figue pommes, et le ti nain, dite banane Cavendish, que l’on expédie, sont plantés à l’échelle de telle sorte qu’aucune plante ne gêne l’autre. »

Les pieds de glyricidia vont servir de clôture, et nourrir le sol de leur azote. Les christophines, qui d’ailleurs doivent être plantées par un étranger, bénéficieront des tuteurs de l’igname plantée sur une dune, une espèce de fosse qui va faciliter sa fouille en temps venu. Le centre du jardin se compose de dachines, choux caraïbes et autres tubercules, qui vont côtoyer la tomate, les aubergines, et les épinards. Le manioc amer sera planté en bordure car c’est une plante dont les feuilles toxiques vont éloigner les animaux errants, cabris ou moutons. Les choux-pommés sont en intercalaires dans les sillons des bananiers. Les masisi, Cucumis anguria de leur nom scientifique, sont de petits concombres rampants couverts d’épines, de vrais hérissons verts. Ils seront placés en bordure des traces. La laitue, l’oignon pays, le thym petites feuilles et le persil sont plantés en hauteur dans des boîtes en bois posées sur échasses, afin d’éviter que les crapauds ou les chiens ne les souillent. Les plantes médicinales elles, sont à proximité de la maison tout comme les grandes citernes ou les « tonneaux » métalliques qui placées sous les gouttières permettent de récupérer l’eau de pluie. Les lapins du clapier ainsi que les poules de la caloge vont donner du fumier.

Le jardin créole et la nature. L'association de plantes attirant les coccinelles n’est pas oubliée. Ces auxiliaires naturelles dévorent les pucerons et les cochenilles, ce qui n’est pas négligeable. La nature s’occupe de tout, toute seule. Ici elle va permettre de lutter contre les parasites sans insecticides, là-bas les giraumons s'associant aux lianes de patates douces vont servir de couvre-sol. Le sol est recouvert déjà par endroits de fatras fait le plus souvent de feuilles de pois-doux (Inga laurina). La décomposition de ces feuilles va servir de fumier et nourrir le sol d'azote ou de potassium, et limiter aussi l'évaporation en maintenant la fraîcheur du sol, ce qui permet d’économiser l’eau. Les mauvaises herbes, privées de lumière, ne pousseront plus. On n’oublie pas de faire référence à la lune pour planter au cycle favorable.

Issu des civilisations amérindiennes, sans doute aussi des traditions africaines, c’est en tout cas une des résultantes de la colonisation. N’est-il pas possible que le jardin créole soit le résultat de toutes ces traditions réunies ? Sans pesticides, ni engrais, les espèces multiples se coordonnent entre elles, et l'utilisation de l'eau et du soleil mieux maîtrisée est avantageuse pour tous, y compris les plantes plantées de telle sorte que l’une bénéficie de l’autre.

Ces principes font penser au fondement de base de la permaculture qui elle aussi s'inspire des bienfaits de la nature. La permaculture a été élaborée dans les années 1970 par les Australiens Bill Mollison et David Holmgren qui semblent avoir pris le jardin créole pour modèle.

Jardin créole et chlordécone. Aujourd’hui le sol martiniquais est victime de la molécule de la chlordécone - qui a été semée dans les bananeraies de l’île à partir de 1972 pour tuer le charançon du bananier qui proliférait -, tuant les plantes en les rongeant de l’intérieur. La conséquence de sa trop grande efficacité, c’est qu’elle a déjà tué beaucoup plus d’humains - causant notamment des cancers de la prostate - que réellement de charançons. Ce qui a fait naître le scandale de la chlordécone. Le sol étant contaminé pour de multiples décennies, avant que le produit ne se dissolve, chacun tente d’y remédier comme il peut et essaye de plus en plus d’avoir une autonomie alimentaire, en ayant sur son terrain recours à cette tradition vieille de plusieurs siècles. Le jardin créole est un modèle de culture se basant sur l’écologie qui perdure.

Le cacao

Le cacao ou cacaotier ou cacaoyer (Theobrama cacao), en créole piékako qui signifie « aliment des dieux ». L’arbre produit des cabosses dans lesquelles se trouvent des fèves. Ces fèves grillées, pilées, mélangées à du poivre, du piment et de l'eau étaient utilisées depuis environ 3 000 ans pour la préparation d’une boisson fermentée qui servait de nourriture aux dieux lors des rituels importants. Christophe Colomb, sur l'île de Guarana, put en goûter lors de son dernier voyage en 1502.

L’arbre vit à l’ombre des autres qui le protègent d’une exposition directe au soleil. Dans son environnement naturel, il peut mesurer de 10 à 15 mètres de haut. Il est originaire du Mexique et on le rencontre fréquemment dans le bassin de l’Orénoque et de l’Amazonie. Tout au long de l'année il donne à la fois des fleurs et des fruits. Ses fleurs et par voie de conséquence ses fruits poussent directement sur le tronc de l’arbre, ce que l’on nomme phénomène de cauliflorie.

De l’origine du nom cacao. Le terme français cacao a paru en 1532, il doit son origine à l’espagnol cacao, lui-même emprunté de l’aztèque cacahuatl, du même sens. La cabosse est allongée. Sa couleur évolue progressivement du vert amande lorsqu’elle est encore toute petite, au jaune puis, à sa pleine maturité, la cabosse prend une couleur orange beaucoup plus soutenue puis devient noire lorsque le fruit est totalement sec. Le cacao sec ne tombe pas de l’arbre. La cabosse contient des fèves marron recouvertes d’une pulpe blanchâtre sucrée appelée le mucilage. La poudre de cacao est fabriquée à partir de la fève qui est une amande amère que l’on va sécher au soleil, puis enlever la pulpe du mucilage sec, griller et piler ou broyer. C’est avec elle que sera fabriqué le cacao dont la poudre obtenue après torréfaction et broyage de l'amande des fèves va donner le chocolat.

Le bâton de cacao, baton kako dou ou gwo kako. Qui, à la Martinique, ne connaît le cacaoyer et ses cabosses ? Gens des campagnes environnant nos villes, qui n’a pas vécu la cueillette de ces cabosses jaunes des cacaoyers offrant généreusement, et souvent à portée de mains d’enfant, leurs fruits directement posés sur leurs troncs ? Qui n’a pas cassé leurs cabosses, certes pour entendre l’éclat du fracas « pok » sur le sol, mais aussi et surtout pour manger ensuite le mucilage moelleux et sucré entourant les fèves, rappelant ô combien celles d’un pois-doux (nom scientifique Inga Laurina) ? Qui n’a pas aidé à étaler les graines de cacao sur des sacs pour qu’elles sèchent au soleil ? Qui n’a pas, troublé par la crainte de celui qui sait qu’il ne faut surtout pas qu’une seule goutte ne vienne les mouiller, guetté la pluie, en professionnel de la météo ? Qui n’a pas participé à la torréfaction des fèves séchées, du mieux que pouvaient ses petits bras d’enfants en « apprentissage » ? Qui n’a pas tenu à moudre « sa part » dans un petit pilon et n’a pas été fier de montrer le résultat obtenu : le bâton de cacao comme on en trouve encore au marché de Foyal. Chaque enfant faisant partie de ces heureux privilégiés, à qui leur grand-mère, a su expliquer le secret — qui n’en est d’ailleurs pas un — de la fabrication du bâton de cacao qui, il y a de cela très très longtemps, avait aussi, dit-on, son chant d’accompagnement : le dansé kako.

Ceux qui ont entendu le bruit des feuilles sèches chuintant à leurs façons sous leurs pas les piétinant, ont connu un réel bonheur sous les cacaoyers (anba kako a). Cette expression créole montre la prégnance de l’activité dans la vie quotidienne. Une autre, plutôt dédaigneuse, désigne le milat anba kako, un mulâtre indigent, un « rat des champs » qui n’a que sa couleur, sa chevelure, sa prétention comme richesse et qui cultive un lopin de terre. On l’oppose au mulâtre bourgeois, méprisant, « rat des villes » qui ne peut se nourrir que de livres qui le cultivent. Leur commune arrogance les fait depuis longtemps oublier que leur mère est noire.

Grandes fournisseuses de fèves de la chocolaterie Elot à l’époque, les mulâtresses anba kako lui vendaient des sacs et des sacs de fèves.

L’industrie du cacao à la Martinique. Le savoir-faire traditionnel du chocolat Elot. La culture du cacaoyer, en Martinique est rare mais cependant pas inexistante aussi depuis quelque temps, le planter connaît un regain certain. La chocolaterie Elot, bien connue des Martiniquais pour ses tablettes de kakodou, est une petite entreprise qui date de 1911. Elle était installée autrefois en face de la cathédrale à Fort-de-France et a regagné la zone industrielle du Lamentin où elle s’est installée actuellement et où la livraison des fèves doit être beaucoup plus facile. Elle reçoit des fèves d’importation pour faire la balance, mais son produit provient aussi du terroir martiniquais. Le chocolat est torréfié sur place dans la chocolaterie où travaillent un maître chocolatier et cinq employés. Ici personne ne connaît de patronyme Elot, aussi prétend-on que le sigle Elot serait tout simplement, comme le nom de Hergé, les deux lettres de l’alphabet L et O mises ensemble.

Le chocolat des Frères Lauzéa. C’est en 2004 que deux frères, Jimmy et Thierry Lauzéa, qui partagent depuis toujours une même passion pour les douceurs de bouche, décident de créer une gamme artisanale de chocolats et de pâtes de fruits pour, disent-ils, « mettre à l'honneur le savoir-faire des Antilles ». Ils appellent alors leur création « Secrets de confiseur ». Et dans le même ballant, ils ouvrent leur première boutique dans le centre-ville du Lamentin en 2005. Leur renommée va vite se construire et dépasser les limites de la commune du Lamentin, celle du bourg sera déplacée à Mangot Vulcin et une deuxième boutique viendra rejoindre la précédente en s’installant en 2008 sur les hauteurs de Fort-de-France, à Didier cette fois. Ils se spécialisent alors dans la chocolaterie. C’est ainsi que naît la boutique des Frères Lauzéa, qui du même coup change d’appellation. Elle déplace une clientèle qui arrive de partout et qui vient même pour acheter du chocolat pour frères, parents, amis et alliés, qui ne sont pas au pays. La réputation est faite, et elle est bien faite, ils égalent en saveur et en qualité bien des grands chocolatiers. La boutique de nos chocolatiers sera plusieurs fois récompensée, tout d'abord en 2011 à la foire de Paris, puis au Salon du Chocolat de Paris en 2013. Ils seront à cette occasion reconnus comme faisant partie des 20 meilleurs chocolatiers au monde !

L’objectif de toujours promouvoir les produits de l’espace caribéen demeure leur challenge. Ils ouvriront d’ailleurs une boutique en Guadeloupe, et bénéficieront des services de revendeurs agréés à Paris, Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Ils réaliseront également divers partenariats avec des artistes. Les deux frères sont partis d’un rêve, ils semblent confirmer à la manière dont Judith Olney dit que : « Le chocolat est bien évidemment la matière dont sont faits les rêves. Des rêves riches, noirs, soyeux et doux qui troublent le sens et éveillent les passions ».

L’association VALCACO. L’association VALCACO regroupe des producteurs de cacao de Martinique. Elle a été créée en 2015 par 10 producteurs qui veulent favoriser la relance d’une filière cacao d’excellence en Martinique. Il s’agit pour elle d’un accompagnement de la filière cacao de Martinique pour « une standardisation de la production et de la qualité du cacao marchand et l’obtention d’un signe distinctif de qualité : vers une labellisation du « cacao de Martinique ».

Au XVIIe siècle, le cacao martiniquais, qui était un cacao réputé, avait malheureusement subi les aléas divers et autres avanies provoquées par des maladies et intempéries d’origine cyclonique, ce qui avait considérablement fait régresser l’habituelle fabrication. Pendant les siècles suivants, la production de cacao restait plutôt l’initiative un peu timorée de quelques rares agriculteurs. Aujourd’hui le cacao de Martinique voudrait voir renaître la même ferveur productive d’avant. En conséquence, l’association a décidé de relancer et accroître la production de fèves locales de qualité, permettre le développement de produits innovants, contribuer à l’émergence d’une expertise sur les fèves de Martinique.

Un volet Formation a été mis en place, et en 2019, grâce aux cours prodigués, l’association est passée à 40 membres. La Martinique offre depuis tout un assortiment de saveurs et la fève de cacao d’origine Martinique, possède des caractéristiques qui lui sont propres avec des notes aromatiques elles aussi spécifiques qui peuvent lui permettre d’affronter dignement les autres. C’est ainsi qu’en 2017, présent au Salon du chocolat à Paris, pour le concours International Cocoa Award, les fèves de cacao labellisées VALCACO ont été inscrites parmi les 18 meilleures mondiales. L’association VALCACO est une coopérative agricole.

La tradition du chocolat première communion. On l’appelle le chocolat première communion, cependant il n’a plus de première communion que l’origine. Il était en effet dégusté dans les moments de festivités familiales et lors des premières communions. Depuis les choses ont bien changé. Dorénavant on en propose en fin de soirée, ou vers les 4h du matin lorsque les réjouissances approchent pratiquement à leur terme. Ce qui fait la particularité de ce chocolat qui peut être offert à n’importe quel moment festif, c’est le goût d’amande amère qui en agrémente la saveur. C’est un chocolat liquide qui nécessite une bonne quantité de baton-kako râpé dans du lait sucré contenant de la cannelle, du citron, de la muscade, un peu de fécule pour l’épaissir, de la crème de cacahuète indispensable pour le différencier du chocolat commun de tous les jours. Le pain au beurre natté, fait maison de préférence, doit l’accompagner presque absolument et ce tout naturellement. Tousa sé tété dwet ("c’est délicieux tout ça").

Le café

Le café que l’on rencontre de moins en moins en Martinique ne nous est cependant pas inconnu. Il arrive de la région de Kaffa en Éthiopie. Il rencontre un franc succès aux alentours de 500 après J.-C. lit-on dans les grimoires, où la légende raconte qu’un gardien de chèvre d’Arabie du nom de Kaldi aurait suivi ses chèvres pour observer ce qui les rendait si agitées. Celles-ci se nourrissaient des petites baies d’un arbuste. L’homme en mangea lui aussi et à son tour il fut pris d’une euphorie telle qu’il en parla autour de lui. C’est ainsi que Kaldi le gardien de bestiaux aurait fait connaître puis découvrir au monde les secrets du café : Kaldi venait de confronter ses papilles à la caféine.

Au XIIIe siècle, l’idée de le griller et de moudre ses grains va finalement donner la boisson actuelle telle que nous la consommons de nos jours.

Le premier café exporté. Jusqu’au XVIIe siècle, afin de garder le monopole de cette production, les baies seront préalablement ébouillantées pour éviter toute germination et donc toute nouvelle concurrence sur le marché, mais les puissances européennes qui souhaitent développer leurs propres plantations dans leurs colonies vont se battre pour avoir leurs plants de caféiers. Ainsi, par des tractations diverses assez souvent clandestines, les baies séchées vont commencer à se répandre. Elles seront aussi officiellement distribuées aux plus grands jardins botaniques d’Europe. En 1616 un plant de café dont l’origine n’est pas certaine est apporté à Amsterdam où il est précieusement conservé au jardin botanique où l’on va repiquer des plants, les cultiver. C’est ainsi qu’en 1714, un jeune pied est transféré au Jardin des Plantes de Paris et reçu par le naturaliste Antoine de Jussieu.

Au début du XVIIIe siècle, le capitaine d’infanterie dieppois Gabriel-Mathieu de Clieu, qui plus tard va laisser son nom à une place, « le Jardin Desclieux de Fort-de-France - lieu bien connu où se trouve actuellement notamment le Trésor des impôts -, a l’idée, lors de l’un de ses voyages vers les Antilles, de rapporter quelques petits plants de caféiers afin d’implanter la culture en Martinique.

Certains auteurs prétendent que lors d’un premier voyage en 1720 les plants seraient tous morts. En 1723 l’homme va s’embarquer à Nantes, plus prudent cette fois, il a pris dit-on le soin de placer les plants de caféiers dans une boîte recouverte d’une plaque de verre pour maintenir la chaleur nécessaire à leur survie.

« Il avait appris à vivre à la dure à la Martinique, du moins dans les premiers jours de son installation comme planteur de canne à sucre, et pouvait aisément se contenter d’un grabat et d’un bol de soupe chaude.

- On met ça où ? lui lança l’aubergiste d’un air suspicieux, croyant sans doute lui aussi qu’un animal devait être enfermé dans ce qui lui sembla être une cage.

- Eh bien, dans ma chambre, je vous prie ! rétorqua le Dieppois sans se montrer… Gabriel-Mathieu ôta alors la couverture qui dissimulait deux arbrisseaux… » (Raphaël Confiant, Grand café Martinique, éditions Mercure de France).

Après avoir échappé aux sabotages divers, les plants de caféiers devront encore supporter eux aussi les affres de ce voyage au long cours, fait d’attaques inattendues de pirates qui sillonnent les mers, sans oublier les tempêtes redoutables, toujours à la merci des rafales de vent qui mettent tout l’équipage en danger. Ils vont endurer en outre les insuffisances de vivres et d’eau devenues denrées rares, au point où Clieu se verra pratiquement contraint de partager sa « goutte » d’eau quotidienne avec ses pieds de café. À leur arrivée au Prêcheur, les jeunes caféiers seront plantés sur l’Habitation de Clieu, où ils vont rapidement et suffisamment se multiplier pour permettre la propagation de la culture caféière. Le plant de café est de bonne qualité.

Après avoir bien résisté, la culture du café se répand en Martinique, les premières productions commencent et la culture caféière va s’étendre plus largement dans les Caraïbes, puis finalement la culture se déploiera dans toute la région puisque des pieds seront fournis par les colons à la Guadeloupe et à Saint-Domingue.

Le café, boisson et lieu de rencontre. La préparation du café vert comporte diverses étapes. Si dans notre enfance, il ne fut pas rare de rencontrer un petit champ de caféiers ou même d’acheter le café vert dans le « débit de la régie » - comprendre une épicerie de campagne -, de nos jours la récolte des baies sur les arbustes ne se fait plus, comme autrefois où il y avait des esclaves dévolus à ces tâches. Ils les recueillaient dans de grands sanbouwa (paniers en bambou), dont ils renversaient le contenu dans un « moulin à grager » qu’ils actionnaient à la main pour les faire sortir de la gaine de la cerise. Les grains étaient lavés dans un bassin où les impuretés étaient entraînées par une eau courante avant d’être égouttés. Ces grains toujours recouverts de leur parchemin étaient étalés sur de grands espaces réservés à l’étape du séchage. Ensuite, la roue verticale du moulin à piler détachait les parchemins sans écraser les fèves. On utilisait pour terminer la soufflerie du « moulin à vanner », qui faisait s’envoler les parchemins. On triait les grains sur de longues tables avant de les mettre dans de grands sacs de toile, prêts pour le long voyage qui les attendait. La torréfaction n’était pas réalisée sur le lieu de production mais dans les lieux de vente. En conséquence en production locale chacun torréfiait son café, chaque famille avait son propre savoir-faire et produisait un café aux saveurs subtilement différentes de celles des autres artisans.

En 1852, le prix du sucre ayant atteint son apogée, le café lourdement taxé se vendait mal, les colons sacrifièrent leurs dernières plantations de cacaoyers et de caféiers pour la remplacer par des champs de canne à sucre.

Le café et la traite. Le café comme la canne à sucre a stimulé le développement de la traite négrière et favorisé l’enrichissement des familles de nantis au détriment de la vie de centaines de milliers d’hommes ployant sous le joug de l’esclavage. L’abolition va contribuer à diminuer fortement la production de café qui va survivre par d'autres moyens, notamment porté par la demande mondiale qui va en augmentant. Le café devient même la boisson nationale des États-Unis. Dans tous les pays du monde, la machine à café ou la cafetière est désormais indispensable. Chez les enfants le café très délayé, avec du pain rassis trempé, s’appelait le café tjòlòlò ou dlo-kafé et était très apprécié au réveil. Le café est devenu un produit planétaire et son prix abordable lui permet de devenir une boisson populaire très appréciée pour sa tonicité.

La caféiculture n’a pas disparu totalement du paysage martiniquais et la qualité de certains cafés demeure prestigieuse.

Le café La Tivolienne, créé en 1940, est une entreprise familiale de torréfaction artisanale qui doit son nom au lieu où il est préparé : le quartier Tivoli dans les fraîcheurs du côté de Balata. Ce café est aussi connu des autochtones comme étant le « café Levert » du nom d’Édouard Levert, le chef d’entreprise décédé en 1976 qui a fondé la maison. Elle produit un café torréfié moulu. En Martinique la production de café Arabica typica, grand cru mondialement apprécié, est recherchée. À Durivage, Ducos, le liberia typica, une plante assez haute répertoriée pour la qualité de ses baies à gros grains qui donnent un café très fort, a disparu de l’environnement au bénéfice d’une autre espèce de culture beaucoup plus récente : les champs de… béton. Des experts japonais ont reconnu dans ce même quartier un des meilleurs cafés du monde qui existe encore à Ducos. C’est un café qui donne des petites baies. La plante serait arrivée de Pologne en 1925, et l’actuel propriétaire est un nonagénaire qui n’arrive plus à le répertorier.

Le CIRAD (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) veut remettre sur pieds une filière caféicole qui planterait l’Arabica typica. Cette filière regroupe 32 des 34 communes de l’île.

Le toloman, la fécule locale

Le toloman (Canna Indica) est un dictame. C'est une plante herbacée haute de 50 cm à 1,30 m de la famille des Cannacées originaire des Caraïbes, d'Amérique tropicale, d’Amazonie et d’Afrique. Le toloman est aussi appelé arrow root en anglais. En Martinique, la plante est cultivée pour ses fleurs rouges, jaunes, ainsi que pour les fleurs orangées qui, elles, ont des feuilles marron clair qui peuvent servir de décoration.  Les fruits sont des capsules de grosseurs moyennes recouvertes de petits piquants. À maturité, ces fruits deviennent de couleur marron foncé. Les capsules contiennent des graines noires de la taille d'un petit pois qui ont la forme de petites billes dures. Ces graines poussent rapidement et peuvent produire des fleurs dès leur première année. Des traces archéologiques ont prouvé la présence de cette plante au Pérou il y a 4 500 ans. Certains rhizomes sont cultivés pour faire le toloman, une farine comestible qui est utilisée comme fécule nécessaire à l’alimentation des nourrissons et des personnes âgées.

Utilisation de la fécule de toloman. Par métonymie la fécule porte aussi le même nom. Elle est extraite après récolte du rhizome qui est lavé, pelé, râpé, le résidu obtenu est placé dans un récipient où il sera délayé plusieurs fois, sans jeter l’eau qui sera passée au tamis ou dans un tissu très fin propre. Il faut presser le marc, récupérer l’eau, la laisser poser toute la nuit, le lendemain, jeter avec précaution le surplus d’eau qui a reposé, mettre à sécher la fécule obtenue. C'est avec cette farine que l’on prépare ce que l'on appelle la farine de toloman qui est très utilisée pour faire le « dlo toloman », une crème de base de l’aliment des nourrissons. Mêlé à un peu d’eau, le toloman sera délayé et cuit dans le lait pour obtenir une crème épaisse, réaliser des bouillies très digestes car sans gluten, une préparation ancestrale décriée par certains médecins au profit de certaines multinationales qui gagnaient du même coup une bonne clientèle. Heureusement que de nos jours cette période est révolue.

Autres usages. La fécule de toloman peut aussi être utilisée dans les chocolats comme épaississant, et on peut l'ajouter dans les soupes, sauces, puddings, crèmes ou bouillies. Elle peut être délayée dans du lait aromatisé à la cannelle et à la noix de muscade, et d’un zeste de citron, pour faire de la crème.

En plus de la nourriture qu’elle procure, la racine de la plante fournit des médicaments et des produits cosmétiques. Les vertus médicinales sont nombreuses.

Les vertus thérapeutiques du toloman. Le toloman a été introduit dans les Petites Antilles par les indiens Caraïbes pour qui il était indispensable pour se soigner. Le nom anglais arrow-root (racine-flèche) serait dû à son ancien usage médicinal, les Amérindiens s’en servaient comme antidote contre le curare, le poison avec lequel ils imbibaient les pointes de leurs flèches.

Autres utilités. Le toloman est un très bon diurétique, efficace contre les règles douloureuses, contre la fièvre, il favorise la transpiration. C’est un régulateur du fonctionnement intestinal. Dissout dans de l'eau, il soulage les brûlures d'estomac. Les feuilles sont diurétiques et émollientes. Les graines en poudre servent pour traiter les dermatoses. Elles servent aussi en cataplasme placé sur le front contre les maux de tête. Le toloman est une plante dépolluante très efficace pour absorber principalement le formaldéhyde : le formol. C’est une plante de la même famille que le topinambour-pays, le bananier, le gingembre, le curcuma, les « héliconias ».

Accessoire de musique. Les graines du toloman sont utilisées pour la confection des chachas. Ce sont des maracas, une sorte de hochet local - assez souvent une boîte en métal vide - dans lequel on introduit notamment les graines de toloman pour faire un instrument de percussion d'où sort un son métallique. On peut utiliser aussi une petite calebasse dans laquelle on place les graines.

Le manioc

Le manioc à la Martinique, une tradition. Longtemps le manioc a fait partie du paysage environnant martiniquais car pratiquement sur chaque lopin de terre, il y avait une parcelle réservée à la culture du manioc, sans oublier l’indispensable case à farine et son moulin. Dès 4h du matin en effet, le moulin à farine tournait pour fournir la nécessaire farine de manioc, les cassaves et la moussache aux habitants du quartier. Et puis, selon le dicton "Après un temps arrive un autre", les usines à canne de partout se mirent à haleter, en même temps et ensemble. Las, les moulins à farine, essoufflés eux aussi, ont tôt fait de baisser les bras. Alors, volant au secours de la tourmente, les grandes surfaces sont arrivées avec les centres commerciaux pour mettre en place la modernité.

Le manioc perdit son rôle considérable sur notre territoire ? Pas du tout, car un quartier courageux, peuplé d'irréductibles Lorrinois parfaitement indomptables, tient tête et résiste encore et toujours dans sa campagne, à Reculé. Elle produit une farine magique qu’elle continue de fabriquer depuis cinq générations maintenant. La famille Ragald cultive et récolte un produit local consommable de la farine, la cassave à la moussache : le manioc. Le chant d’accompagnement le grajé manniok n’est plus de cette mode, ces bardes sont depuis longtemps partis… en Galilée ("ils sont morts", comme le dit l'expression créole).

L’origine du manioc. Le terme français manioc est attesté dès 1556. Le manioc (Manihot esculenta) est une plante dicotylédone. Il est originaire d'Amérique du sud et plus particulièrement du bassin amazonien. C’est un arbuste pouvant atteindre 2 m de haut. Toutes les parties de la plante contiennent un latex blanc toxique. Un plant de manioc donne 4 à 8 tubercules qui, lorsqu’ils sont râpés, sont farineux. Le manioc est cultivé dans les régions tropicales et subtropicales pour sa racine riche en amidon. Comme pour le toloman, le terme « manioc » désigne aussi bien la plante elle-même que, par métonymie, sa racine ou la farine qui en est extraite.

Histoire du manioc. En tenant compte des écrits qui nous ont précédés, nous apprenons qu’il y a environ 10 000 ans que le manioc est cultivé au nord de l'actuelle Bolivie (Llanos de Moxos) par les populations locales. Il fut découvert par les Européens en 1500 lorsque le navigateur portugais Cabral accosta au Brésil avec ses hommes. Suite à son voyage en 1555 et 1556 au Brésil, André Thevet fait une description du manioc dans un  ouvrage où il dit  : « Ainsi aujourd’hui nos sauvages font farine de ces racines que nous avons appelées Manihot, qui sont grosses comme le bras, longues d’un pied et demi ou deux : et sont tordues et obliques communément. Et est cette racine d’un petit arbrisseau environ quatre pieds, les feuilles sont quasi semblables à celles que nous nommons de par-deça pataleonis [alchémille], ainsi que nous démontrerons par figure, qui sont six ou sept en nombre ; au bout de chaque branche, est une feuille longue d’un demi pied et trois doigts de large. Or la manière de faire cette farine est telle. Ils pilent ou râpent ces racines sèches ou vertes avec une large écorce d’arbre, garnie toute de petites pierres fort dures, à la manière qu’on fait par deçà une noix de muscade ; puis vous passent cela, et la font chauffer en quelques vaisseau sur le feu avec une certaine quantité d’eau ; puis brassent le tout, en sorte que cette farine devienne en petit drageons, comme est la manne grenée, laquelle est merveilleusement bonne quand elle est récente et nourrit très bien.

Depuis le Pérou, Canada et Floride, en tout cette terre continente [...] voire jusqu’au détroit de Magellan, ils usent de cette farine, laquelle y est fort commune, encore qu’il y a de distance d’un bout à l’autre de plus de 2 000 lieues ; et ils en usent avec chair et poisson, comme nous faisons ici de pain » (in Les Singularitez de la France antarctique).

Jean de Léry, grand voyageur et écrivain français, auteur de l’Histoire d’un voyage fait en la terre du Brésil, précise qu’à « court de provisions il troque des objets manufacturés contre des vivres, dont de la farine de manioc».

On distingue toute une multitude de variétés de manioc, elles sont différentes entre elles. À la Martinique on cultive particulièrement deux variétés : le manioc amer et le manioc doux.

Le manioc amer. Le manioc que nous utilisons communément, c’est le manioc amer. Il est toxique puisqu'il contient du cyanure. Sa peau est fine, brune et rugueuse. Le tubercule brut est impropre à la consommation, mais râpée et détoxifiée, la racine donne la farine de manioc, la cassave, le tapioca. Cette dernière fabrication est attestée dans un livre de l’ambassadeur et explorateur hollandais Jan Nieuhof, qui séjourne au Brésil entre 1640 et 1649. Il parle de la fabrication d'une sorte de gâteau fait de farine de manioc nommé tipiacica. La mouchas en créole ou moussache en français, un amidon qui doit son nom au mot muchacho espagnol qui veut dire enfant. La moussache c’est l’enfant du manioc. C'est en effet à partir du manioc amer que l'on produit de la farine qui permet de fabriquer la cassave, la moussache et le tapioca dont on se sert pour préparer des pâtisseries ou épaissir des sauces. Le produit obtenu après un long travail de détoxification ressemble à une semoule sèche avec des grains moyens et de couleur blanche. Il s'agit d'une fécule, mot plus approprié pour parler de la « farine » qui est issue d'une racine. La préparation de la farine de manioc doit être l’affaire de professionnels car une méconnaissance de ce produit est source de graves risques pour la santé. Le manioc amer contient des toxines dangereuses. Son latex a été utilisé par les autochtones (Kalinagos), notamment pour la chasse et la pêche.

Le manioc doux. Le manioc doux, est plus petit que le manioc amer, il est recouvert d'une peau épaisse qui se trouve sous une pellicule brune qui pèle et se détache facilement de sa chair blanche. Appelé en Martinique Camanioc, c’est un légume qui peut être directement consommé, comme une igname. Ses feuilles sont vert pale. Il contient huit fois moins de toxicité cyanogène que le manioc amer. Ses tubercules sont utilisés pour la préparation de boissons alcoolisées au Brésil. Le manioc doux se consomme comme un légume, bouilli à l'eau salée après avoir été pelé. On le sert souvent avec d'autres racines : patate douce, igname, dachine, qui peuvent se cuire dans la même eau et il peut accompagner des poissons et viandes en sauce. Il faut seulement savoir faire la différence.

Dans Le Voyage des plantes et des Grandes découvertes (XVe-XVIIe siècle) éditions Chandeigne 2020, ouvrage de José E. Mendes Ferrão, l'historien portugais Gândavo rapporte que les autochtones faisaient aussi des bières avec le manioc doux : « Ils fabriquent beaucoup de vin pour s’enivrer à partir de la racine d’aypim [manioc doux], qu’ils cuisent puis font mastiquer par des jeunes filles vierges, puis pressent dans de grands pots et en boivent trois à quatre jours plus tard ».

Le manioc dans nos habitudes culinaires. Le manioc, nous aimons à le déguster en féroce. Le féroce contient un petit bout de piment pour rehausser le goût, de la morue désossée, émiettée et mélangée à de l’avocat écrasé en purée et de la farine de manioc. Nous l'aimons aussi saupoudré sur le haricot rouge ou la lentille, ou bien en matété. Le matété contient de la farine de manioc, du lait et du sucre, que les enfants apprécient au petit-déjeuner. Au goûter, ce sera farine de manioc sucrée ou cassave salée ou sucrée.

De nos jours, des particuliers proposent aux élèves, aux collégiens et aux touristes des démonstrations dans lesquelles ils réalisent de la farine de manioc, de la cassave et de la moussache.

Le lasotè, une manière spéciale d’agriculture

Propos recueillis auprès d’Isambert Duriveau.

Qu’est-ce qu’on appelle le lasotè ? Personne n’a été en mesure d’indiquer l’origine de ce vocable. Le lasotè est une manière particulière de travailler collectivement la terre au rythme du tambour. C’est une pratique qui s’est développée et a perduré parmi les paysans de la région Nord-Caraïbe. S’agirait-il de partir à l’assaut de la terre comme semble le dire la traduction littérale du mot ? Nul n’en a la certitude. Dans la région, on l’appelait aussi britè ou gaoulétè.

L’activité nommée lasotè est une solution intelligente pensée par le peuple et pour le peuple ; elle est organisée sur la base de valeurs de solidarité et d’entraide. Les sosiété permirent à la population du Nord-Caraïbe de faire face au blocus de la Seconde Guerre mondiale connu sous le nom de « antan Wobè » pour la Martinique et « antan Sorin » pour la Guadeloupe, ce qui désigne le nom des gouverneurs de l’époque et qui correspond à la période de Vichy en France hexagonale.

Cependant, selon Bernard-Copé Dossa, chercheur originaire du Bénin, le mot est à la fois créole et d’origine Gun ou Goun, une population d’Afrique de l’Ouest vivant au sud du Bénin dans la région de Porto-Novo et habitant parfois au Nigéria. Ce mot serait issu du wémé.

Le wémé (ou ouémé, gbe-weme, wéménugbé) est une langue gbe parlée par les Ouéménou, qui habitent les départements de Ouémé et d’Atlantique, au sud du Bénin.

En décortiquant les syllabes du mot lasotè, il explique que Lâa signifie une portion de terre agricole qu'un travailleur doit débroussailler en un temps record. C'est une surface de terre comprise entre 2 à 8 mètres de large et 80 mètres de long qu'un ouvrier doit abattre en une journée en contrepartie d’une main-d'œuvre moyenne. C'est aussi se distinguer par la longueur d'un biyon (large plate-bande) dans un champ moyen.

So = et signifie prendre ou s’engager. ou Atê signifie concourir.

Un travail d'entraide collective. Lâasötè ou Ajörou est en effet un travail d'entraide collective au cours duquel plusieurs ouvriers ou travailleurs agricoles mettent leur savoir cultural à l'épreuve dans un concours de défrichage ou de débroussaillage de la terre. Ils se placent en suivant un rang, chacun en face de la même portion de terre à retourner, chavirer et ce sans retenue, sous le regard incisif des critiques, composés des jeunes filles et des anciens. Souvent ces spectateurs sont venus du village et des alentours pour témoigner de l’énergie du plus brave et du plus expérimenté.

Un grand lasotè regroupe des paysans de plusieurs quartiers. Certains lasotè peuvent rassembler plus de 45 bourè (appellation créole du laboureur) qui n’étaient pas tenus d’y participer par une quelconque obligation de travail réciproque.

Les participants sont motivés par l’ambiance de fête qui y règne, la forte convivialité, la compétition entre les hommes, le boire, le manger fournis par le bénéficiaire de l’opération, et au milieu favorable aux rencontres avec la gent féminine. Le lasotè était organisé par l’agriculteur qui, pour le labour de son champ, avait besoin de forces plus importantes que celles générées par l’ensemble des membres de sa « sosiété » mot créole désignant ici un groupe.

La « sosiété », elle, étant une organisation dans laquelle se sont regroupés des paysans qui s’échangent tout au long de l’année des « coups » de travail, le matin de préférence.

Ils vont travailler chaque jour, à tour de rôle chez un membre différent de la « sosiété ». Ce sont pour la plupart des gens qui ont des liens familiaux ou amicaux.

Le lasotè une méthode organisée. Le travail collectif de la terre au son du tambour n’a pas été une exclusivité du Nord-Caraïbe. Dans le Nord-Atlantique, on l’a appelé lafouy-tè. Dans son ouvrage Diab la, Joseph Zobel le situe dans une campagne du Saint-Esprit au sud de la Martinique où on le pratiquait sous le nom de koudmen (activité d’entraide).

Le lasotè dit aussi lafouy-tè ou encore britè est une forme d’organisation du travail, pour réaliser ensemble des activités de production dans lesquelles la solidarité et l’entente sont en action et en harmonie. Cette pratique du travail collectif a été confrontée dans les années 1960 au rouleau-compresseur de la société de consommation, mais la foi et la vaillance des jeunes du Nord-Caraïbe, la persévérance de certains passionnés, sans oublier la ténacité des associations telles que Lasotè, ou encore l’association Lespri Lasotè ainsi que d’autres anonymes, permettent aujourd’hui de faire renaître l’espoir, car pratiquement comme le phœnix, le lasotè a non seulement le souhait de renaître mais il a aussi en lui toute la ferveur de vouloir perdurer, alors il est en train de revivre dans les mornes.

Le coup de main. Le coup de main très fréquent dans le sud, se passe, en revanche de manière individuelle et cette demande se fait juste pour un travail ponctuel qui en retour sera remis, en monnaie d’échange.