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Le costume traditionnel

Les soieries, broderies et autres tissus, cotonnades, fanfreluches, dentelles et madras (ceux-ci sont rapportés des comptoirs de Pondichéry) étaient réservés à la famille du maître. Les femmes s’habillaient à la mode de Joséphine, avec la robe taille-haute. C’est ce costume qui incita les couturières à fabriquer le costume traditionnel appelé la gol. C’est aussi ce même costume de Joséphine, qui laissa son nom à la quadrille, la danse connue appelée Haute-taille ou encore Taille-haute. Petit à petit, avec l’abolition de l’esclavage, les robes que portaient les femmes békés devinrent des modèles qui, à l’époque, inspirèrent les femmes esclavagisées. Elles s’habillèrent donc comme les femmes créoles. Certaines femmes de couleurs libres s’émancipèrent en portant, elles aussi la gol créole. En remettant tout dans son contexte, il faut se rappeler que le mot créole désigne, en ce temps-là, les personnes d’origine européenne nées aux Antilles.

Dans un extrait de Martinique d’antan, le costume, un ouvrage paru en 1982 et produit par les élèves du LEP de Dillon, annexe Saint-Joseph, il est précisé : « il y a deux sortes de gol à découpe, l’une nommée Princesse qui est ample, blanche richement brodée avec quelques nervures et souvent en coton que l’on porte avec une coiffe. Et une autre appelée gol-Empire qui est enrichie de broderie et de nervures, qui se distingue par sa découpe sous la poitrine et sa ligne très près du corps ». Ces deux modèles de robe ont des manches courtes ornées de plis et de dentelles, qui arrivent au niveau du coude. Certaines femmes les enfilent de nos jours, enjolivées de leurs bijoux.

La jupe et chemise ou corsage : le costume dit Titane

À la lumière des extraits de La Tête chaudière, l’ouvrage de Mireille Léopoldie-Lésel paru aux Éditions Exbrayat en juin 2022, on pourra mieux comprendre et pouvoir faire les distinctions nécessaires à la connaissance des différents costumes.

« La Titane c’est le nom du bal où se rendaient les femmes du peuple le dimanche, c’est ce mot qui a laissé son titre au costume. Il est composé d’une chemise blanche, longue ornée de dentelles qui sert aussi de jupon. Il se caractérise par un jupon blanc amidonné et brodé sous une jupe piquée à la taille, c’est le costume des affranchis. La chemise est portée au-dessous de la jupe large, en soierie broché ou en coton fleuri. Un foulard de couleur vive est soit autour du cou soit posé sur l’épaule, ce costume est porté avec une coiffe à trois bouts ».

La Matadore

Elle a la même tenue vestimentaire que celle qui porte le costume dit Titane, un foulard carré de soie, plié selon sa fantaisie. Ce fichu peut être enroulé autour du cou négligemment posé sur l’épaule droite. La coiffe est en madras avec un pan qui redescend vers la nuque, l’éventail étant cousu à l’avant. La coiffe complète la tenue qui est toujours agrémentée par le port de bijoux. Colliers, boucles d’oreilles, épingles tremblantes, bracelets en or sont tous plus beaux les uns que les autres et témoignent du talent des orfèvres créoles et de la richesse du propriétaire ou de sa grande patience, car ce bijou en grains d’or sera offert ou acheté progressivement grain par grain d’or, un à un puis complété par l’achat du barillet qui est le fermoir. En fonction de la persévérance de l’acheteuse, le collier peut faire deux, voire trois, fois le tour du cou.

La robe simple dit Ti Collet

Elle a un col officier rappelant le sarrau, une espèce de blouse. Elle est portée par les enfants et les jeunes filles. C’est un tissu fait de cotonnade fleurie de couleur pastel que l’on porte avec une coiffe en madras à un bout. Elle est serrée à la taille par un foulard, en fonction des circonstances. Portée sans jupon, c’est la tenue de tous les jours. Ces tenues ont pratiquement disparu au profit de la mode occidentale. De nos jours les couturières s’en inspirent.

La douillette ou grand-robe d’apparat

C’est une robe de cérémonie qui constitue le costume traditionnel martiniquais, c’est un tissu d’apparat, en satin broché. Il y a la robe ou douillette, le jupon à petits plis parfois deux étages. Le grand col plissé s’appelle la visite ou collerette. Tout cela est réalisé dans le même tissu  que le jupon.

Ce costume est généralement porté avec une coiffe dite tête chaudière ou encore avec une coiffe dite tête chaudière calendée qui, elle, est travaillée au chrome, d’où l’expression tête chaudière calendée. 

Les coiffes ou têtes

Toutes ces tenues sont portées avec une coiffe, un autre élément indispensable du costume créole. La coiffe est en madras, à un bout, deux bouts, trois ou quatre bouts. Une tête chaudière est neutre, une tête calendée a été travaillée avec de la gomme arabique et du chrome jaune. La coiffe diablesse pour le carnaval est blanche, en forme de cornet. La coiffe-bèlè, c’est la coiffe courante.

En lisant les archives on trouve les lois coloniales qui interdisent aux jeunes femmes affranchies de porter des chapeaux durant la période de l’esclavage. Le simple foulard afin de se protéger du soleil est considérée par celles-ci comme une insulte. Aussi ces créoles créent des coiffes en madras à partir d’un carré de tissu coloré venu d’Inde, le madras.

Les gens de couleurs libres s’installent souvent comme tailleurs ou couturières. Ils créent et inventent la mode créole, mélange de l’élégance africaine et européenne.

Extraits de La Tête chaudière, Mireille Léopoldie-Lésel, Éditions Exbrayat, juin 2022.

Les bijoux et leurs histoires

La Martinique a longtemps eu une réputation allant de pair avec les beaux costumes et les bijoux remarquables. Si de nos jours la coutume semble moindre, soit par crainte d’être volé ou simplement pour bien faire la différence entre l’austérité et l’apparat, les femmes portent assez souvent des bijoux fantaisie faits de pierres semi-précieuses pour bénéficier de leurs propriétés bienfaisantes, elles portent aussi de belles graines toutes reconverties en charmant collier, ou quelquefois des pacotilles en plastique, en fonction des capacités du porte-monnaie qui n’est pas toujours généreux, lorsque la vie est chère. Selon l’éditeur André Exbrayat, qui nous fait une rétrospective dans un ouvrage qui s’appelle Martinique, édité en 1984, réédité en 2014 puis en 2022, on apprend l’histoire des bijoux. « Au XVIIe siècle, les bijoux sont faits de corail et de grenat, puis d'or. Certains maîtres envoient leurs esclaves se former en France, ils deviennent ainsi maîtres-orfèvres et peuvent racheter leur liberté. Les colliers sont évolutifs, on peut, en fonction de ses moyens financiers, rajouter maillons et graines. On ne peut imaginer une Martiniquaise sans bijoux. Depuis sa plus tendre enfance, la femme créole en porte, de toutes tailles, de toutes formes et en or, toujours. Elle ne marche pas encore lorsqu'on lui perce les oreilles qui porteront ces fameuses boucles, nommées les créoles. Cette habitude date des XVIIe et XVIIIe siècles. Les Noirs ne pouvant être propriétaires, ils investissaient leurs biens en bijoux. De leur côté, les maîtres qui voulaient souligner certains évènements — mariage, naissance —, offraient les grains d'or à leurs serviteurs les plus proches, leur da, ou leurs maîtresses..., ce qui explique l'irrégularité de certains colliers et leur longueur. Les bijoux ont donc une histoire que l'on retrouve dans leurs noms symboliques ou inspirés de la faune ou de la flore locales : colliers et bracelets esclaves rigides et lisses évoquent des liens de sinistre mémoire, les forçats évoquent le bagne, le collier chou et son fermoir viendrait du Sénégal où l'on en trouve encore. D'autres plus nombreux sont d'inspiration plus légère, telles les broches et boucles pomme cannelle ou tété négresse, le collier gros sirop, grain d’or, nid de guêpes. À la fin du XVIIe siècle on exploitait une carrière de grenats sur l’îlet Mandoline face aux Trois-Ilets. Depuis cette pierre est considérée comme bijou créole ».

Bijoux modernes s’inspirant de la flore et de la faune

De plus en plus, on constate une nouvelle tendance artistique qui est celle d’honorer les fruits et la faune martiniquaise en reproduisant avec l’or des pomme-noix, avocats, fagots de canne, ou encore les ustensiles du quotidien, disparus des habitudes modernes, comme les lampes tempêtes, les lampes à pétrole, les balances, les moulins à café, les balais modèle latanier, les tambours.

Monsieur Alex Pinceau, âgé de 82 ans, issu de l’enseignement technique, est bijoutier-orfèvre à la retraite. Il a eu comme professeur de dessin le peintre bien connu Alexandre Bertrand, et l’écrivaine et sculpteure Marie-Thérèse Julien-Lung-Fou comme enseignante de modelage. Il avait pris la succession de son père et aujourd’hui l’activité se poursuit jusqu’à la quatrième génération.

Ancien propriétaire de la bijouterie Onyx, il a réalisé les bijoux traditionnels comme son père, puis s’inspirant aussi de la faune et la flore, il a été un pionnier qui a créé les feuilles de fruits à pain, les fruits à pain, les pièges à crabes, des fagots, des bakoua de pêcheurs, des hibiscus, et en filigrane l’étoile de mer ainsi que des tortues et bien d’autres. De façon encore beaucoup plus moderne il a créé les yoles de course. Autant d’objets magnifiques, tous plus originaux les uns que les autres. Notre bijoutier a eu aussi l’occasion d’être invité et de participer à la foire de Paris en 1989, ainsi qu’à une rencontre à Cuba avec une délégation d’artisans martiniquais afin de faire connaître et apprécier l’artisanat local.

On offrait, nous dit-il, aux enfants des grains-choux à chaque anniversaire. La famille les faisait monter ensuite en collier.

N’était-ce-pas déjà, sans l’annoncer réellement, inculquer insidieusement la patience qui paye, et en même temps apprendre au récipiendaire l’art de faire des économies, sans qu’il s’en rende assurément compte ?