Xylophone thaïlandais © konmesa - iStockphoto.com.jpg
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Musique traditionnelle

À l’instar de tout le bassin du Sud-Est asiatique, en Thaïlande, la tradition musicale est incarnée par des ensembles aux fonctions propres : l’accompagnement théâtral, celui des cultes ou des évènements officiels. L’ensemble le plus classique est le piphat, un orchestre de cour que l’on retrouve aussi souvent au théâtre et dans les représentations de danse. Il comprend toujours des instruments à vent, comme le pi ou le khlui, des percussions rythmiques et mélodiques – xylophones, gongs, cymbales ching et un grand tambour taphon. Le khrueang sai est lui un ensemble plus populaire constitué essentiellement d’instruments à cordes (vièles, cithares). Langoureuse et sereine, sa musique est portée par un chant solennel et s’entend régulièrement durant les mariages et fiançailles. Le mahori est un orchestre féminin traditionnellement composé de courtisanes thaïlandaises. On retrouve les instruments des ensembles piphat et khrueang sai avec un jeu assez doux pour accompagner la danse et le théâtre. Deux noms à écouter : Montri Tramote et Luang Pradit Pairoh, incontournables pour se faire une idée de la musique traditionnelle thaïlandaise. Une scène : le Théâtre National de Bangkok (The National Theatre) a une bonne programmation de folklore thaï.

Mor lam et luk thung : les musiques populaires

Si depuis les années 1950, la musique populaire occidentale infuse dans la culture locale, le pays a conservé quelques genres particulièrement thaïlandais. Parmi eux, deux courants ont été fondamentaux : le luk thung et le mor lam. Le premier est une sorte de country thaïlandaise. À l’origine (dans les années 1920), ses premières vedettes s’appellent Ponsri Woranut ou Suraphon Sombatjalern et racontent la vie rurale sur des airs influencés par l’Amérique latine ou les musiques de films américains. Plus récemment, dans les années 1980, le genre s’est « électronisé » sous l’impulsion de la dernière géante du genre : Pumpuang Duangjan. Emportée par une maladie jeune dans les années 1990, son succès est tel que ses funérailles rassemblèrent des centaines de milliers de fans, dont plusieurs membres de la famille royale. Le mor lam, lui, est en quelque sorte une évolution du luk thung. Ce genre venant de l’Isan (Nord-Est), parle, lui aussi, de la vie rurale ou de thèmes sociaux, mais se caractérise par une rythmique sémillante et les prouesses vocales (cris ou onomatopées) de ses interprètes. Se transformant avec le temps, le genre s’apparente aujourd’hui à un rock psychédélique fabuleux aux morceaux souvent épiques. Côté orchestre, dans le mor lam on trouve quasi systématiquement un joueur de khên (un orgue à bouche, composé d’environ quatorze tubes de bambou) et un nimp, le luth à trois cordes. Angkanang Kunchai était une prêtresse du genre, elle est trouvable dans d’excellentes compilations sur le mor lam comme Sound of Siam chez Soundway Records.

Chose amusante, le mor lam connaît en ce moment une seconde jeunesse. Voire même un succès international. Tombé en désuétude, autrefois méprisé, considéré kitsch et trop « popu », le mor lam est, ironie du sort, de plus en plus populaire auprès de la jeunesse branchée de Bangkok. Mieux : ses rythmiques envoûtantes et hypnotisantes séduisent les publics du monde entier et des groupes tels que le Paradise Bangkok Molam International Band remuent les clubs de France, de Belgique, d’Allemagne, du Royaume-Uni, ou des Pays-Bas.

Autrement, en Thaïlande, on voit fréquemment aussi du ramwong, signifiant littéralement « danse en cercle » et qui dans les années 1940 était voué à contrer l’influence occidentale au sein de l’élite (très friande de danses de salon comme le fox-trot). Notons aussi le kantrum, musique populaire endiablée des Khmers de Thaïlande et le saw, musique du Nord, rituelle et souvent improvisée. Précisons que le karaoké, s’il n’est pas un genre de musique, reste un des moyens les plus populaires de la vivre sur place.

Musique classique

Depuis son incursion sur le territoire, la musique classique est le pré carré des classes les plus aisées en Thaïlande. La musique classique occidentale fut introduite dans le pays à partir du XIXe siècle, sous l’impulsion de la famille royale, qui l’appréciait grandement. La princesse Maha Chakri Siridorn joue elle-même de plusieurs instruments et préside de nombreux événements. Le pianiste Phra Chen Duriyang, auteur de l'hymne national, a grandement contribué à faire connaître les grands compositeurs européens (Bach, Mozart, Beethoven) dans son pays. C’est aussi lui qui crée le premier orchestre symphonique thaï, au début du XXe siècle. Il a formé de nombreux musiciens dont Bhumibol Adulyadej, l’ancien roi. Cela dit, il faut attendre les années 1980 pour que le premier orchestre d’importance voie le jour avec le Bangkok Symphony Orchestra. Ensemble d’État sous le patronage de la famille royale, son répertoire était autrefois conservateur, mais s’ouvre de plus en plus avec l’ambition de devenir le plus important d’Asie du Sud-Est. Pourtant, le plus prestigieux et révéré à l’international demeure le Thailand Philharmonic Orchestra. Dirigé par le chef islandais Gudni Emilsson, plus aventureux dans son répertoire – la modernité d’un Mahler lui sied bien – le TPO joue régulièrement pour les événements nationaux ou pour le gouvernement. On peut le voir au très impressionnant Prince Mahidol Hall, la plus grande salle de concert de Thaïlande, située à l'Université Mahidol à Nakhon Pathom. Dernier ensemble d’importance : le Siam Philharmonic Orchestra. Celui qui à sa création en 2002 était un petit ensemble de chambre consacré au classique thaïlandais et aux œuvres de Mozart ou Haydn s’est depuis installé comme orchestre résident de l'Opéra de Bangkok. Il a pour directeur Trisdee na Patalung, sans doute le meilleur chef d’orchestre thaïlandais aujourd’hui. On peut le voir au Thailand Cultural Center. L’Opéra de Bangkok est d’ailleurs une expérience intéressante. Fondé et dirigé par l’auteur S. P. Somtow, il a pris le parti de mettre en scène des textes thaïlandais dans un style occidental ou de présenter des variations thaïlandaises de classiques européens.

Il serait malvenu de parler de musique classique en Thaïlande sans aborder sa star : Narong Prangcharoen. Compositeur actuel reconnu et multi-récompensé, il est joué dans le monde entier (particulièrement aux États-Unis) et se voit régulièrement salué pour ses mélodies captivantes et ses orchestrations ingénieuses.

Le jazz

Disons-le tout de go : s’il y a une vraie scène jazz en Thaïlande, les artistes locaux peinent à obtenir une reconnaissance dépassant leurs frontières. À vrai dire, si l’on doit citer l’artiste de jazz le plus célèbre du pays, il s’agirait sans doute de… feu le roi de Thaïlande Bhumibol Adulyadej ! Oui, musicien et compositeur de jazz accompli, il a composé de son vivant pas loin de cinquante morceaux et l’on étiqueta même son style de « Phleng Phra Ratcha Nipon » (« composition royale »). Autre grande figure locale, Eua Suntornsanan fut le premier à mêler musique occidentale et thaïlandaise et fonda le premier groupe de jazz local : Suntaraporn. La Thaïlande est un pays qui aime le jazz et la quantité de lieux où en écouter dans le pays en est la meilleure preuve. À commencer par Bangkok. Et ici, l’institution, c’est de loin le Saxophone Pub. Un must de la capitale pour écouter du jazz et du blues avec une programmation internationale et une atmosphère un peu branchée, mais très chaleureuse. L’autre grand favori des locaux, c’est Brown Sugar. Salle de poche, elle est vite bondée, mais la qualité des concerts et la bonne humeur ambiante font vite oublier l’espace asphyxié. Plus guindée, The Living Room est une excellente salle de jazz, mais sa situation au premier étage d’un hôtel luxueux rend l’endroit un poil plus froid que les précédents. Cela dit la qualité est au rendez-vous, c’est souvent ici que se produisent les têtes d’affiche internationales. Guindé aussi, le Bamboo Bar n’en demeure pas moins légendaire. Lui aussi situé dans un hôtel prestigieux de Bangkok, l’endroit est particulièrement stylé, l’atmosphère sophistiquée et la scène souvent très bien pourvue.

Le rock thaïlandais et le phleng phuea chiwit

Le rock éclot en Thaïlande dans les années 1970, lié bien sûr avec la présence américaine en guerre chez le voisin vietnamien. Des artistes comme Jimi Hendrix ou The Doors vont avoir une influence folle sur la création de Bangkok et faire apparaître des musiciens comme Chuckie Thanyarat ou Lam Morrison, le « guitar hero » du pays. Très rapidement, le pays va connaître une scène heavy metal et hard rock particulièrement active entre les années 1970 et 1980 avec des icônes comme Meat and Leather ou The Olan Project. Mais rien ne représente mieux le rock thaïlandais que le phleng phuea chiwit. Signifiant « chansons pour la vie », ce rock engagé du pays est imprégné de théories marxistes et a vraiment pris son essor avec les révoltes de 1973 (contre la dictature en place). Si Caravan est le parrain du genre, c’est Carabao qui va en devenir la légende en écoulant quatre millions d'exemplaires de leur cinquième album Made in Thailand en 1984. Depuis, ils sont surnommés les « Rolling Stones d’Asie » et considérés comme tels. Parfois plus folk, le phleng phuea chiwit est aussi joué avec des instruments thaïlandais tels que le phin, le wut, le khluay et le saw.

Musique string

La musique string est moins un style qu’un calibrage de la pop thaïlandaise pour l’adapter à la grande majorité des ondes radio et chaînes télévisées du pays. En très raccourci, c’est un synonyme de « mainstream ». Le terme englobe tous les genres (rock, dance, hip-hop, pop) et ne désigne que les artistes très marketés. Apparue dans les années 1970, la musique string décolle vraiment deux décennies plus tard au moment du carton mondial des boys band. Il conserve d’ailleurs aujourd’hui ce même esprit « bubblegum pop » (musique conçue et commercialisée à destination des ados) avec des sons et rythmes souvent recyclés, des paroles à l'eau de rose et des clips romancés. L'une des figures les plus populaires de la musique string thaïlandaise est Tata Young, une jeune américano-thaïlandaise, à présent célèbre dans toute l'Asie du Sud-Est, souvent comparée à Madonna pour son côté sulfureux. Un autre nom emblématique du genre est Thongchai McIntyre. Thaïlandais d’origine écossaise, il est l’idole des jeunes (et des moins jeunes), un peu comme notre Johnny national... Ils ont ouvert la voie à une nouvelle génération de starlettes comme Bodyslam (et son leader vénéré : Toon) dans le rock, un gros succès national, ou Palmy, chanteuse dpop belgo-thaïe. S’ils sont policés, uniformisés et formatés pour la vente, ces groupes de musique string incorporent néanmoins beaucoup d’éléments spécifiquement thaïlandais pour séduire le marché.

Théâtre et danse

Véritables cartes postales du pays, le théâtre et la danse sont deux formes d’expression particulièrement populaires et traditionnelles en Thaïlande. Très influencé par celui des Môns et des Khmers ainsi que par l’Inde, le théâtre se décline en quatre grandes familles. Inscrit à l’UNESCO, le khone est un théâtre dramatique dansé avec des masques. Cette forme classique issue d’anciens rituels tenus dans les temples est interprétée par des danseurs muets tandis que l’histoire est chantée par un chœur sur le côté de la scène. Ce sont les détails – riches – des masques et costumes qui distinguent les rôles sur scènes. Dérivé du khone, le lakhone ressemble au premier par ses costumes, mais propose des représentations plus expressives où le corps est en action permanente au sein de chorégraphies gracieuses. Le likay, lui, est un théâtre dansé très léger et populaire entrecoupé d’intermèdes comiques, de plaisanteries osées et de chansons. Il n’est pas rare de voir encore des représentations sur des scènes de fortune en plein air. Théâtre d’ombres d’origine chinoise, le nang est vieux de cinq siècles. Il met en scène des marionnettes anthropomorphes présentées de profil à contre-jour, entre un écran et un éclairage. Un des endroits privilégiés pour voir du théâtre traditionnel à Bangkok est le Sala Chalermkrung Royal Theatre. L’endroit est beau, les spectacles surtitrés en anglais (l’endroit est un des plus touristiques de la ville) et les billets compris dans le prix de ceux du Grand Palais (une navette vous y emmène depuis ce dernier). Aussi, on peut voir du théâtre comme de la danse d’une qualité exceptionnelle au National Theatre de Bangkok. Mitoyen du Musée national, il programme des danses traditionnelles et de la musique thaïe, un voyage dans le voyage.

En Thaïlande, spectacles de danse et théâtre se confondent souvent puisque la danse est un instrument récurrent de la dramaturgie théâtrale. Cela dit, les danses peuvent exister indépendamment dans des représentations rituelles ou folkloriques. Si elles sont toutes très différentes, elles ont en commun d’être des trésors de souplesse et de grâce où chaque geste détient une signification précise. Les danses folkloriques les plus emblématiques sont les fone thai regroupant la fone tian (danse des chandelles), fone ngiou (danse du foulard), fone leb (danse des ongles en éventail), fone mahn goum ber (danse du papillon) et fone mahn mong kol (danse de la joie). Autre danse très célèbre, le ram muay est un rituel exécuté avant chaque combat de boxe, comme dans le cas du muay thai. Les combattants peuvent aussi exécuter le wai khrou, une danse destinée à honorer son maître. Le wai est une cérémonie annuelle accomplie par les groupes de danse classique pour honorer leurs ancêtres et précurseurs artistiques.

Si l’on veut voir du ballet occidental, ce seront des compagnies étrangères qui en proposeront lors d’évènements comme le Festival International de Danse et de Musique de Bangkok. Les instituts culturels étrangers comme le Goehte Institut ou l’Alliance française en proposent aussi tout au long de l’année. Pour de la création contemporaine, le Bangkok Art and Culture Centre est l’adresse parfaite. Ce bâtiment blanc immaculé́ ultra-moderne, intercalé entre le MBK et le Siam Center, est une porte ouverte sur l’art contemporain tant au niveau de l’art que de la musique, du théâtre ou encore de la danse. Très dynamique, c’est l’adresse de Bangkok à retenir en matière de création contemporaine !