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Le temps des Chevaliers

Avec six siècles de tradition, le carnaval de Malte est l’un des plus anciens d’Europe. Et s’avère d’abord une affaire de Chevaliers et de décisions de grands maîtres. C’est en 1535 qu’est organisé le premier carnaval à Vittoriosa (Birgu), à l’époque du grand maître Pietro del Ponte. Pour précéder le Carême, les Chevaliers fraîchement débarqués de Rhodes eurent l'autorisation exceptionnelle – dans l'idée d'entretenir leurs qualités militaires – d'organiser des jeux, des tournois et des batailles avec des armes factices à la gloire de l'ordre. Dès 1560, le carnaval va changer d’ambiance quand le grand maître Jean de Valette, plus souple, autorisera le public à porter un masque et à décorer des bateaux pour Mardi Gras. Mais en 1639, le carnaval connaîtra un revers conservateur avec la décision du grand maître Jean-Paul de Lascaris-Castellar d’interdire les costumes de diable ainsi que le port du masque aux femmes. Ces dernières ne risquant pas moins que d’être fouettées en place publique. Par la suite, il durera trois jours et commencera par la pendaison d’une pierre sur la façade de la Castellania, le palais de justice, ce qui impliquait que toutes les poursuites judiciaires étaient suspendues le temps du carnaval. Petit à petit, le carnaval s’est nourri de nombreuses influences, incluant des commémorations ou des traditions. Sous les Chevaliers, on commence à y commémorer la victoire de Malte face aux Turcs en 1565, en dansant la parata, une danse de sabres durant laquelle chacun est habillé en chrétien ou en Turc. Aujourd’hui, ce sont principalement les enfants qui participent à la danse mais cette parata revêt une importance particulière dans l’histoire du carnaval maltais. En 1721, le grand maître Marc’Antonio Zondarari y ajoutera le jeu traditionnel du kukkanja (Pays de cocagne). Le lundi du carnaval, la foule rassemblée sur la place du palais doit partir à l’assaut de poutres attachées à des échelles de corde et recouvertes de feuilles d’arbres auxquelles sont suspendues œufs, charcuteries et parfois animaux vivants, le but étant de rapporter le maximum de provisions.

Le temps de la satire

Sous l’occupation britannique, le carnaval va devenir une occasion de se moquer des colons. Et petit à petit, la satire politique s’installe dans le panorama du carnaval, à l’instar de tous les carnavals se déroulant dans les pays sous domination britannique. Cela sera particulièrement le cas au XIXe siècle et au début du XXe siècle.  Des chars à l’ironie mordante se faisaient un devoir de se moquer des personnalités politiques locales et de brocarder les décisions gouvernementales impopulaires. Tant et si bien qu’une loi adoptée en 1936 va interdire cette satire politique et que cette interdiction va perdurer jusqu’en 2013... 2014 voit aussi le retour d’une autre pratique, la quarcilla, ou farce errante qui se tenait lors du carnaval de La Valette jusqu’au début du XXe siècle. Il s’agit d’une parodie de cérémonie de mariage : un homme habillé en notaire lit un contrat de mariage rédigé en vers et au langage très vert. La première avait été écrite pour le carnaval de 1760 par le poète P. Felic Demarco et celle de 2014 par Trevor Zahra, écrivain maltais. Interprétée par divers acteurs, cette parodie d’une cérémonie de mariage s’est promenée dans les rues de La Valette.

Variations sur le thème du carnaval

L’année 2014 a connu une autre première, celle du jumelage du carnaval de Malte avec le carnaval aux accents caribéens de Notting Hill à Londres, et comme vedette de cette édition : Sureya John, reine du carnaval britannique. Mais désormais, il est organisé par le Conseil maltais de la culture et des arts et durant un an, il fait l’objet d’une préparation minutieuse par toutes les associations locales des villes et villages de Malte. Le tout pour arriver à une fête qui se déroule sur 5 jours au mois de février, très exactement 7 dimanches avant celui de Pâques. Les festivités les plus importantes ont lieu à La Valette et dans le quartier voisin de Floriana mais de nombreux villes et villages ont aussi leurs défilés, tout comme l’île de Gozo qui lui donne une patte particulière. La satire y a toujours sa place mais les festivités incluent également de très nombreuses autres activités culturelles : concours de danses, défilés de chars et d’enfants déguisés, etc. Des prix viennent récompenser les meilleures danses artistiques, les meilleurs costumes et les meilleurs chars et masques. A La Valette, le programme des réjouissances débute sur George’s Square par un concours de danses. On pourra aussi assister à des prestations de DJ sur la place des Tritons, bien sûr retransmises sur les réseaux sociaux, et le temps fort c’est le samedi, jour de grande parade. Les chars partent de la place de Castille pour passer ensuite sur les Granaries, à Floriana, et circuler plus tard sur quelques lieux emblématiques comme Great Siege Road, Merchants Street, Archbishop Street, Republic Street et City Gate. Comme point d’orgue, il y aura un grand bal masqué ainsi qu’un feu d’artifice, tiré depuis le port Marsamxett. Si le carnaval embrasse tout l’archipel de son vent de folie et de ses festivités, l’île de Gozo lui a donné un aspect particulier. C’est en 1952 que Gozo a organisé pour la première fois ses propres défilés de chars. A Victoria, la capitale, les festivités se déroulent sur ses places principales : It Tokk et Nadur. A cette occasion, on y verra des représentations de groupes folkloriques gozitains traditionnels et spontanés connus sous le nom de « L-Ghana ». Et si vous souhaitez opter pour une ambiance plus informelle, rendez-vous à Nadur, autre ville importante de Gozo, où le carnaval se veut à la fois plus macabre, plus satirique et aussi plus spontané, voire explosif. Rien n’y est préparé à l’avance, de nombreux fêtards se regroupent tout simplement sur les places de la ville, habillés de costumes étranges et grotesques le plus souvent. On est plus sur une ambiance Halloween avec des rencontres dans les bars où des DJ officient. Quel que soit le mood dans lequel vous souhaitez vous plonger, festif mais familial ou plus franchement déjanté, vous trouverez votre bonheur. Mais il y a une tradition qu’il vous faudra absolument suivre : déguster la Prinjolata, la pâtisserie traditionnellement confectionnée au moment du carnaval, un gâteau en forme de cloche fait d’amandes et d'œufs et recouvert de meringue, de chocolat et de fruits confits. Un incontournable pour suivre le rythme effréné de ces carnavals.