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Un pôle économique

La vente de produits italiens à l’étranger a augmenté de 10,3 % en valeur en 2022. Ce taux positif bénéficie d’une solide réputation de qualité, que ce soit sur les produits manufacturés ou industriels, le service ou l’après-vente. Nombre de produits de luxe italiens sont toujours aussi recherchés, de Paris à New York, d’Abidjan à Londres en passant par Shanghai ou Tokyo. L’automobile (Ferrari, Maserati), la mode (Gucci, Dolce & Gabbana, Armani, Ferretti, Prada, Max Mara), le yachting (Ferretti, Azimut, Riva), la maroquinerie, la lunetterie, la décoration intérieure, etc., sont autant de secteurs qui restent aux mains de grandes familles industrieuses de l’Italie du Nord et centrale, des maisons historiques qui ont hissé leur pays comme une référence internationale d'élégance et de design.

Le nord-ouest de l’Italie, dit Triangle économique, occupe le sud de Milan où sont concentrées les principales activités d’industries lourdes ainsi que les sièges des entreprises nationales et les sociétés d’État, largement privatisées (Eni, Enel, Leonardo). Métropole du tertiaire, Milan est aussi la capitale financière du pays qui centralise médias et culture. Ce pôle économique s'organise avec Turin, siège de consortium banque-finance-assurance. C’est aussi le fief du géant de la construction automobile, Stellantis, qui est né de la fusion de PSA et Fiat Chrysler, l'italo-américain (FCA) ou encore d’Olivetti (matériel de bureau). Enfin, la ville de Gênes, porte d'entrée naturelle du sud de l'Europe, acteur majeur du commerce international, est le premier port d'Italie et le deuxième en Méditerranée après Marseille. Au croisement des routes maritimes mondiales, la métropole ligure capitalise sur la construction navale, le fret de marchandises, le transport maritime et le tourisme croisiériste.

Le Made in Italy doit beaucoup au nord du pays

Au triangle industriel s’associent les régions Émilie-Romagne et Vénétie, qui sont les berceaux de marques fleurons de l’économie italienne, comme Fincantieri (chantiers navals), Prysmian (câbles d'énergie et de télécommunications), Saipem (recherche et forages pétroliers) ou, plus familier des Français, Benetton (prêt-à-porter). En Italie du Nord, le tissu urbain est composé de trois ports d'importance (Gênes, Venise et Trieste) mais aussi de villes moyennes (Vérone, Padoue, Mestre, Trieste, Modène, Parme, Bologne, Florence), qui chacune offre un débouché aux industries proches des pays de l'Europe centrale. Une région nord stratégique donc, industrielle, très dynamique. Les entreprises artisanales familiales, en Toscane notamment, les PME innovantes ou les puissantes coopératives maillent un réseau dense, qui est constitué de sous-traitants ou de petites structures, tournés vers la qualité-produit et le design. C’est la force d'exportation du label Made in Italy, auquel la production agroalimentaire participe. Primeurs, céréaliers (blé et riz surtout), fabricants de pâtes, producteurs d’huile d’olive, d’eau gazeuse, charcutiers, fromagers, vinaigriers, épiciers, pâtissiers-chocolatiers, torréfacteurs, cavistes (vins et alcools)... : autant de métiers de bouche dont les produits gourmands se vendent très bien hors des frontières, si bien qu’ils sont souvent copiés (mais jamais égalés, comme dit la pub !).

Le tourisme retrouve ses niveaux d’avant-pandémie

Secteur stratégique pour l’Italie, le tourisme a repris des couleurs en 2022. Les vacanciers venus de l’étranger ont quasiment doublé leur fréquentation dans la Péninsule. Deux touristes sur trois viennent de l’Union européenne. Ces touristes privilégient avant tout les villes d’art et de culture, les cités balnéaires, la montagne et apprécient l’offre gastronomique italienne. C’est ce qui ressort d’un rapport de la Coldiretti, le principal syndicat qui représente le monde agricole en Italie, en se basant sur les dernières données de Bankitalia.

Cependant, les aléas climatiques, dont l’enneigement qui tend à diminuer, pourraient à terme impacter le secteur des sports d’hiver toujours très porteur en Italie du Nord. D’ordinaire, la saison décembre-janvier-février bat son plein au pied des domaines skiables (Dolomites, Alpe de Siusi, Courmayeur, Livigno, Monterosa, Cervinia, Bormio ou Sestriere), dans des stations plus ou moins glamour. Ces dernières années, la neige capricieuse ne suffit pas à assurer toute la saison hivernale.

La saison estivale 2022 fut marquée par deux catastrophes naturelles directement liées au réchauffement climatique. Entre l’Italie et la France, dans le massif du Mont-Blanc, le glacier de la Brenva s'est effondré le 24 août, entraînant dans sa chute le Bivouac de la Fourche, un refuge mythique pour les alpinistes, construit en 1935 à 3 674 m d’altitude. Pas de victimes à déplorer cette fois-ci mais pour les montagnards, qui connaissaient bien la « cabane », une seule explication : les fortes chaleurs ont diminué l’épaisseur de la calotte glacière, ce qui a déstabilisé la base rocheuse, un mois seulement après le drame dans la montagne Marmolada (Dolomites) le 3 juillet 2022. La rupture partielle du glacier à 3 000 m avait alors entraîné des tonnes de glace et de roche dévalant la vallée à plus de 300 km/h, fauchant la vie de 11 randonneurs. La dégradation du permafrost et l’accélération du mouvement des débris représentent un problème potentiel pour l’habitat et les infrastructures de haute altitude (téléphériques, chemin de fer, installations de télécommunications, protections anti-avalanches). Les métiers de la montagne doivent se réinventer.

Un autre sujet d’inquiétude concerne les résidences balnéaires, occupées à l’année ou secondaires. On observe sur l’axe touristique Cesenatico, Rimini, Riccione (côte adriatique) un risque d’érosion des sols élevé. En cause, la montée du niveau de la mer, les inondations, les glissements de terrain, mais aussi la forte urbanisation. Selon l'Observatoire italien du paysage côtier, ce sont déjà 40 millions de mètres carrés du littoral italien qui seraient touchés. La demande sur le balnéaire pourrait diminuer de ce côté-là aussi.

L’agriculture en danger

L’Italie du Nord, qui représente la principale réserve d'eau pour les terres les plus fertiles du pays et qui apporte 40 % de la production agricole nationale, a connu la pire sécheresse de ces 70 dernières années en 2022. Augmentation des températures (+2 °C), diminution des précipitations de 45 % sur le delta du Pô, les rizières d'Émilie-Romagne ont souffert et, en 2023 pour la deuxième année consécutive, l’Italie qui cultive 50 % du riz produit en Europe fut contrainte de réduire la superficie de ses terres rizicoles à 211 000 hectares. D’après les chiffres de la Coldiretti, les récoltes de fruits, légumes et céréales ont également subi de lourdes pertes alors que le prix des engrais, en raison de la guerre en Ukraine, n’a cessé d’augmenter. Plus largement, c'est l'ensemble de la filière horto-fruticole qui est pénalisée. L’exportation, dont le chiffre d'affaires global atteint les 5 milliards d'euros - grâce notamment aux produits dérivés de tomates –, est descendue à 1 milliard d'euros. Sur la production d’huile d’olive, ce sont les Pouilles, principale région oléicole d’Italie, qui accusent le coup (-40 % en 2022). Cet impact négatif sur la productivité du secteur agricole entraîne une baisse de l’activité sans précédent.

Face à la crise, le gouvernement italien a annoncé travailler à la mise en place d’un plan national visant à limiter les effets de la sécheresse. L’une des priorités serait d’améliorer les infrastructures et de rénover le réseau de tuyaux hydriques, qui ferait perdre près de 36 % de l’eau potable.

En tant que principal bénéficiaire du plan de relance et de résilience prévu par l’Europe de Bruxelles, soit 191,5 milliards d'euros de prêts sur la période 2021-2026, le gouvernement a pu débloquer une aide exceptionnelle de 36,5 millions d’euros pour l’agriculture.

S’ancrer dans l’Europe

Arrivée au pouvoir en septembre 2022, la coalition formée par Fratelli d’Italia (extrême droite) de Giorgia Meloni, la Lega (notamment anti-migrants) de Matteo Salvini et Forza Italia (droite) de Silvio Berlusconi reste en tête du scrutin aux élections régionales des 12 et 13 février 2023 face à une opposition déstructurée et malgré une forte abstention. Dès ses premiers discours, la nouvelle Première ministre, qui fut dans sa jeunesse une admiratrice de Mussolini, a fermement ancré l’Italie au cœur de l’UE et de l’Otan tout en niant toute proximité avec le fascisme.

Sur le plan économique, Giorgia Meloni, la cheffe du gouvernement, a dû se rendre à l’évidence : l’Italie est dépendante de Bruxelles. Son programme de campagne, populiste et souverainiste, s’est heurté à la réalité. La présidente du Conseil reste donc sur la dynamique européenne engagée par son prédécesseur, Mario Draghi, ancien président de la BCE. La composition de son gouvernement, avec aux Affaires étrangères Antonio Tajani (Forza Italia), qui fut ex-président du parlement européen, et Raffaele Fitto (centre-droit) au ministère pour l’Europe, reflète aussi cette volonté d’apaisement avec les partenaires européens.

Si l’accalmie se poursuit, Giorgia Meloni, qui est la première femme cheffe de gouvernement de l’histoire italienne, deviendra-t-elle la donna provvidenziale ? Celle qui refuse de féminiser son titre et se fait appeler « Madame le président » réussira-t-elle à préserver cette stabilité politique ? C’est ce que son électorat veut bien croire. Les attentes sont nombreuses. Parmi elles, la possibilité d’un départ à la retraite anticipée pour les femmes (après 41 ans de cotisation), la baisse des taxes sur les carburants, la lutte contre l’inflation et l'ubérisation du pays, le chômage des jeunes, la démographie en berne, la fin du revenu de citoyenneté (équivalent du RSA français), dans un pays où la valeur travail est sacrée, où les dépenses sociales sont très observées.

Sur la gestion des crises migratoires, les tensions au sein de la coalition sont palpables, surtout entre la cheffe du gouvernement et le chef de la Lega. Sur fonds de naufrages dramatiques au large des côtes italiennes en mer, Giorgia Meloni a fait adopter en mars 2023 un décret de loi visant à appliquer des peines plus lourdes pour les passeurs et les migrants clandestins, tout en montrant une plus grande ouverture pour l’accueil des migrants légaux. Matteo Salvini demande, lui, un frein décisif à la délivrance des permis de séjour, pour envoyer un signal fort d’une politique dissuasive de fermeture des frontières. C’est donc au sein de la coalition au pouvoir que le risque d’instabilité pourrait revenir, dans un pays qui a connu depuis l'entrée en vigueur de sa Constitution (1948) pas moins de 67 gouvernements successifs en 74 ans.