Gebs, sculpture sur plâtre © Rob Crandall - shutterstock.com(1).jpg
Tatouage au henné © Issam alhafti - shutterstock.com.jpg
Maison de la photographie de Marrakech © saiko3p - shutterstock.com.jpg

Le Gebs, ou l’art de la sculpture sur plâtre

Cette technique de sculpture ancestrale permet de magnifier le plâtre, principalement à des fins ornementales et architecturales. Le Gebs recouvre habituellement la partie supérieure des murs, mais décore aussi les arcades, les plafonds et les coupoles. Il consiste en la composition en relief de textes calligraphiés ou de motifs géométriques : frises, entrelacs ou rosaces, par exemple. On peut en admirer dans les plus beaux bâtiments du pays, tels que le palais royal de Rabat ou la kasbah de Télouet. Sa couleur blanche ou rosâtre est parfois teinte, peinte ou dorée, donnant lieu à des motifs chargés et puissants, comme au palais royal de Fès. Pour arriver à de tels résultats, le processus de fabrication est long et minutieux. Dans un premier temps, le plâtre est étalé en une couche épaisse et homogène sur la surface murale, hérissée de clous pour une meilleure tenue. Le temps de séchage du plâtre, relativement long, permet alors aux maîtres de sculpter consciencieusement la matière. Mais avant que le plâtre soit découpé et sculpté à l’aide de ciseaux, de burins et de gouges, les motifs sont tracés à l’aide d’une pointe sèche, d’une règle, d’un compas, de gabarits et de pochoirs. La masse lisse se transforme peu à peu en une dentelle raffinée, pour le plus grand plaisir des visiteurs.

Le tatouage, une pratique festive

Autrefois signe d’identification ou insigne magique, le tatouage a aujourd’hui perdu de sa signification initiale et est devenu principalement décoratif. Il reste néanmoins très populaire et est pratiqué la plupart du temps lors des fêtes religieuses ou des cérémonies familiales, par infiltration d’aiguilles ou plus fréquemment par simple dessin superficiel. Les tatouages les plus courants sont tracés sur les mains, les pieds ou le visage et représentent des zelliges ou des résilles noires qui soulignent la clarté de la peau. Les tatouages éphémères sont la plupart du temps réalisés à l’aide du harkous, un bâtonnet imprégné de cendres de charbon de bois et d’épices, et ne durent que le temps d’une fête.

Les arts visuels marocains, un va-et-vient entre figuration et abstraction

Deux événements marquent profondément la mémoire picturale du pays : l’islamisation du Maroc au IXe siècle et la colonisation à partir de 1912. L’art préislamique, qui octroie une place importante aux représentations de scènes de vie et qui a profondément marqué la mémoire picturale du pays, se voit, avec l’islamisation, dominé par l’art arabo-musulman qui interdit toute forme de représentation des animaux et êtres humains. Ce dernier, d’une richesse incommensurable, trouve son expression dans les formes et les motifs géométriques complexes, les représentations du monde végétal et la calligraphie. Les calligraphes écrivent avec un calame, une plume en roseau dont la taille détermine le style de graphie. Quant à l’encre, elle est traditionnellement fabriquée avec la suie que dépose la fumée des bougies dans des ouvertures faites en haut des murs des mosquées. Le scribe corrige les erreurs avec le bout de sa langue et sèche son ouvrage avec du sable fin qu’il conserve dans son écritoire.

La peinture de chevalet naît plus tard, lors de l’instauration du protectorat. C’est en quelque sorte un retour aux sources en ce qu’elle se manifeste par la représentation, à nouveau, de scènes de la vie quotidienne. Le XXe siècle voit ainsi naître des artistes talentueux qui contournent les interdits religieux. L’art naïf se développe notamment tout au long du XXe siècle, à son apogée dans les années 1960 et 1970. On peut citer dans cette tendance Mohammed Ben Ali R’Bati (1861-1939). Ce dernier a su représenter avec une naïveté touchante tous les aspects de la vie tangéroise, du quotidien aux festivités, n’hésitant pas à pénétrer l’intimité des foyers pourtant à l’époque difficilement accessible, surtout pour un homme. Mohamed Hamri (1932-2000), figure tangéroise, a également joué un rôle clé dans la peinture marocaine, et témoigne d’une forme de naïveté plus stylisée que celle des tableaux de R'Bati. D’autres peintres s’éloignent de la figuration et se lient aux mouvements modernes internationaux qui favorisent l’abstraction. Ahmed Cherkaoui (1934-1967), dont la notoriété dépasse les frontières du Maroc, est l’un des précurseurs du modernisme marocain. Son œuvre interrompue prématurément alors qu’il se trouvait au sommet de sa carrière a profondément marqué l’histoire artistique du pays. À l’intersection de son héritage arabe et berbère et des grandes tendances modernes internationales, cet artiste a développé un langage personnel d’une grande richesse symbolique. On peut admirer ses travaux au Musée Mohammed VI à Rabat, où a eu lieu une grande rétrospective en 2018.

Le Maroc, une muse pour les artistes occidentaux

Qu’ils soient écrivains, poètes ou peintres, nombreux sont les artistes étrangers à avoir été envoûtés par le charme des villes marocaines. La Ville rouge a fasciné nombre de peintres occidentaux des XIXe et XXe siècles grisés par l’aventure orientaliste. Un héritage qui a certes fait rayonner le Maroc dans le monde entier, mais, comme le souligne Farid Belkaia, directeur des Beaux-Arts de Casablanca, a aussi eu pour effet de se substituer à la culture marocaine et d’éclipser les artistes locaux.

On regroupe sous le terme de « peinture orientaliste » les tableaux réalisés par des Européens en Afrique, au Proche-Orient ou en Asie. Ce genre prend naissance à la fin du XIXe siècle, avec des peintres romantiques comme Eugène Delacroix qui viennent chercher dans la culture marocaine des réminiscences du mode de vie antique. Leur vision idéalisée d’Européen sur des scènes du quotidien s’exprime dans des images à l’atmosphère enchanteresse. Point de contact historique entre les cultures maghrébines et européennes, Casablanca est considérée par plusieurs historiens comme une ville phare de l’orientalisme.

Envoyé en mission par le roi Louis-Philippe auprès du sultan Moulay Abderrahmane, Eugène Delacroix trouve dans le royaume une nouvelle source d’inspiration. Parmi l’ensemble de ses œuvres réalisées au Maroc, La Noce juive au Maroc (1841) exposée au palais du Luxembourg est aussi impressionnante que son aquarelle, Fantasia, que l’on peut admirer au Louvre (1832). De même, ses séries de scènes de chasse avec le sultan du Maroc (1845) sont restées célèbres. Delacroix a ainsi contribué à la propagation de la mode de l’exotisme oriental chez les peintres romantiques.

Plus tard, c’est Henri Matisse qui se prend de passion pour le pays, et notamment pour Tanger qu’il découvre en 1912. Subjugué par les « splendeurs orientales » dont parle Baudelaire dans L’Invitation au voyage, l’artiste réalise plus de soixante œuvres, qui donnent à sa peinture une nouvelle dimension dans l’harmonie des couleurs. Il peint des personnages clairement identifiables comme dans Le Rifain debout (1912), ou les suggère simplement dans un océan de bleu comme dans le Café marocain (1912-1913).

On citera, parmi les autres peintres orientalistes français célèbres : Jacques Majorelle, dont on peut voir deux tableaux monumentaux au siège de la Wilaya, Henri Pontoy et Edmond Vallès.

La photographie marocaine, une lente affirmation

Au XIXe siècle, le pays restant relativement fermé en comparaison à ses voisins nord-africains, la photographie s’installe assez tard, alors que de nombreux Européens fiévreux de documenter le monde s’adonnent à cette pratique accompagnés de scientifiques, historiens et écrivains. À une époque charnière, ils fixent les premières images d’un Royaume encore peu connu des Occidentaux et immortalisent ses villages fortifiés, ses kasbahs, ses montagnes et ses provinces sahariennes. Dans les années 1880, le pays s’ouvre davantage, et plusieurs photographes s’y installent pour ouvrir leur studio. D’abord majoritairement utilisée à des fins administratives et patrimoniales, la photographie se limite principalement aux paysages et aux monuments. Henri de Lamartinière, diplomate, archéologue et photographe français envoyé en mission sur place, documente notamment les ruines romaines de Volubilis, participant ainsi à leur rayonnement.

Ce n’est que plus tard qu’une photographie plus esthétisante se développe, notamment avec la photographie de « scènes de types », au croisement entre souci ethnographique et exotisme. Les Marocains musulmans restent néanmoins assez hostiles à cet art qui va à l’encontre de l’interdiction religieuse de produire des représentations humaines, et est perçu comme une atteinte à leur intégrité et à leur foi. Pendant l’entre-deux-guerres, le français Gabriel Veyre, photographe attitré du Sultan Mouley Abd el Aziz, joue un rôle important dans le développement de la photographie. Il réalise des centaines de clichés du pays et de ses habitants, et est l’un des premiers à saisir la vie quotidienne locale avec naturel. Pour admirer ces clichés d’un autre temps, on recommande aux plus passionnés de se rendre à la Maison de la Photographie de Marrakech, qui met en valeur la diversité du pays à travers le regard de photographes célèbres ou anonymes, des débuts de la photo à l’époque moderne (1879-1960).

Dans la deuxième moitié du XXe siècle, la photographie se démocratise et n’est plus réservée à une élite occidentale. Le pays compte aujourd’hui de nombreuses figures internationales et différents lieux d’exposition (ne pas manquer la galerie 127 de Marrakech !). Elle est aujourd’hui considérée comme un art à part entière et non comme un simple moyen de documentation, et compte de nombreux praticiens. Hassan Hajjaj, né en 1961 à Larache et aujourd’hui basé entre le Royaume-Uni et son pays natal, est l’un des représentants de la photographie contemporaine marocaine. Ses deux cultures s’expriment dans un travail fait d’hybridations. Son style coloré montre un intérêt tout particulier pour la mode et explore d’un regard critique ses contradictions, entre expressions identitaires et consumérisme.

Un art contemporain en plein florissement

La plupart des itinéraires touristiques ne comprennent malheureusement pas les musées d’art contemporain et autres lieux dédiés à la culture actuelle. Pourtant, l’art marocain a beaucoup évolué et révèle énormément du pays et des changements qu’il traverse actuellement. L’art figuratif n’est plus un tabou et les plus jeunes générations sont particulièrement audacieuses, prêtes à s’attaquer aux problèmes sociaux et politiques auxquels le pays est confronté. Inégalités, sexisme, immigration, changement climatique : ces artistes se posent comme des analystes des enjeux marocains contemporains, qu’ils n’hésitent pas à mettre sur la table, parfois de manière provocante.

Malgré les défis auxquels il doit faire face, le secteur de l’art se renforce ainsi lentement mais sûrement. De nombreux commissaires d’exposition marocains travaillant dans les musées internationaux s’attachent à promouvoir le travail de leurs compatriotes à l’international, et parallèlement le pays s’affirme peu à peu comme un hub artistique régional, de plus en plus connecté à ses voisins maghrébins et subsahariens. Le Printemps arabe de 2011 a grandement contribué à faire bouger les choses, ravivant non seulement l’intérêt des étrangers, mais permettant surtout aux artistes de réaliser le rôle qu’ils pouvaient jouer en exprimant leurs points de vue à travers l’art.

Pour n’en citer qu’une, Lalla Essaydi, née en 1956 à Marrakech, est une artiste photographe et plasticienne marocaine incontournable. Elle a grandi au Maroc et en Arabie saoudite, et vit aujourd’hui entre New York, Boston et Marrakech. Diplômée de la School of the Museum of Fine Arts à Boston, c’est l’une des artistes marocaines les mieux cotées. On trouve ses tableaux au Louvre ou encore au British Museum de Londres. Son travail tourne notamment autour de la figure de la femme arabe, et déconstruit les stéréotypes féminins représentés dans la peinture orientaliste.

Aujourd’hui, l’activité artistique se concentre en grande partie à Tanger. Il y a pourtant quelques années, on pouvait regretter l’absence de galeries et d’espaces dédiés à l’art. Du chemin a été fait depuis, grâce à plusieurs acteurs motivés, bien décidés à faire bouger les choses. On peut citer par exemple l’Uzine, la galerie Dar d’art et la galerie Conil Volubilis, ouverte dans les locaux de l’ancienne galerie Volubilis, place de la Kasbah. Ces espaces ont pour but de promouvoir des artistes marocains et de leur donner une visibilité. Ainsi, si le Maroc peut se vanter de faire naître des artistes de renom, Tanger peut être fière de compter des personnes capables de repérer des artistes et de mettre en valeur leur travail. Les autres lieux incontournables de l’art contemporain au Maroc se situent dans les grandes villes, à l’instar du Musée Mohammed VI et de la Villa des arts à Rabat, du Musée de la palmeraie et du récent et déjà incontournable Musée d’Art Contemporain Africain Al Maaden à Marrakech.

Le street art, un nouveau moyen d’expression pour les jeunes générations

Depuis quelques années, le street art jouit d’une popularité accrue au sein du Royaume. Bouleversant les codes établis, les jeunes y ont trouvé un moyen d’expression leur octroyant la liberté et le lâcher-prise dont ils manquent au quotidien. Le pays compte désormais de nombreux jeunes talents comme Kalamour, le duo Placebostudio (composé de Brick top et Abid), Rebel Spirit ou encore Mevok. D’abord mal vu par les autorités et les générations plus anciennes, cet art rebelle a peu à peu été apprivoisé, au point de devenir un véritable instrument de revitalisation urbaine. D’immenses fresques subventionnées par les institutions ou les municipalités décorent désormais les rues des grandes villes, mais pas seulement. En effet, si Casablanca est sans nul doute la reine du street art, d’autres villes comme Essaouira, Marrakech et Rabat ne sont pas en reste, et même de petites communes comme Azemour, Asilah, Youssoufia, Safi et Benguerrir arborent les joyeuses couleurs de cet art de rue.

Pour admirer ces œuvres mouvantes et souvent impressionnantes, difficile de vous donner un itinéraire précis, puisqu’il s’agit d’un art éphémère par nature. La ville blanche est néanmoins un incontournable, et tout particulièrement le quartier de Mâarif, qui est considéré comme le QG des graffeurs. On y trouve d’ailleurs une très belle fresque de la chanteuse légendaire Oum Kalthoum, signée par Placebostudio, qui détient un record de longévité.

De plus, depuis plusieurs années se tient le Casamouja, un festival de street art devenu un événement incontournable du calendrier culturel casablancais. Des artistes du monde entier sont conviés pour cette occasion, invités à colorer la métropole aux côtés de leurs collègues marocains. Le rond-point Oulmès est l’un des hotspots de cet événement. Parallèlement à cette consécration, le street art marocain a désormais toute sa place sur le marché de l’art. Nombreuses sont les galeries accueillant des expositions de street art, et même le Musée Mohammed VI lui a offert ses murs. Cette légitimité nouvelle permet à une pratique à l’origine déviante d’être désormais considérée comme un art à part entière !