Complexe hôtelier de luxe à Bora-Bora © Mlenny - iStockphoto.com.jpg
Temple chinois à Papeete © daboost - iStockphoto.com.jpg

Le faré, l’habitation traditionnelle

Le faré traditionnel est entièrement fabriqué en matériaux végétaux. La faune luxuriante a en effet permis de construire ces sortes de huttes légères et très faciles à mettre en place. Le faré est bâti sur un vaste terrain abondamment planté d’arbres. Posé à même le sol (sauf aux Marquises où il a des fondations, les pae pae), sa charpente est faite de troncs de cocotier ; le toit est composé de feuilles de pandanus tressées. Il y avait plusieurs tailles de farés, suivant la richesse (ou le courage) des propriétaires ou l’utilisation que l’on en faisait. Les chefs en avaient qui mesuraient 40 m, le fare potee servant aujourd’hui pour les festins. Il y avait des hangars à pirogues, des salles de réunion de 100 m de long, le faré taoto où les communautés dormaient regroupées.

Vivant dans un climat clément tout au long de l’année, les Polynésiens bâtissent leurs habitations selon un concept totalement différent de celui de nos contrées. Alors qu’en Europe et dans la plupart des pays, la maison regroupe toutes ses fonctions sous un même toit dans une propriété fermée, l’habitation polynésienne traditionnelle se compose de plusieurs farés ayant chacun leur fonction dans un espace ouvert. On y trouve un faré pour dormir, un autre pour préparer à manger, un troisième pour prendre les repas… le tout dans un jardin luxuriant et généreux appartenant à tout le clan, sans route ni axe organisant l’ensemble, si ce n’est la rivière ou le lagon.

Il faut relever que les matériaux naturels utilisés pour construire les farés requerraient beaucoup d’entretien. Le soleil, le vent, la pluie, mais aussi la présence d’insectes amenaient les habitants à renouveler régulièrement leur maison. L’arrivée des Européens a donc provoqué quelques changements. Pour des raisons d’hygiène, les farés ont été construits sur pilotis et ceux restés à terre ont vu les planchers se bétonner.

Le faré ancestral ne fait aujourd’hui plus vraiment partie de la culture architecturale de Tahiti et de la Polynésie. Il a laissé place à des farés en bois, et également à des constructions faites à base de béton et de tôles. Les Polynésiens, pour des raisons financières, semblent aujourd’hui préférer avoir recours à ses matériaux qui sont plus abordables, plus résistants aux aléas climatiques et plus faciles d’entretien. En conséquence, c’est une partie de la culture polynésienne qui a peu à peu disparu.

Vers un habitat moderne

Aujourd’hui, le climat est toujours aussi clément, mais l’architecture (dans son concept d’habitation) est largement inspirée de la construction moderne. La notion de propriété privée a amené la fermeture des espaces, pour en faire des jardins dans des lotissements comme partout ailleurs, tandis que dans les îles moins peuplées et les quartiers défavorisés ou familiaux, il y a encore peu de clôtures et de séparations de domaines. En revanche, on construit toujours plusieurs farés dans la propriété, chacun ayant sa fonction précise, s’organisant autour d’une maison centrale. Les maisons actuelles ont souvent un fare potee (pour manger), un fare pereoo (pour garer la voiture), un faré chambre d’amis…

Côté construction, les matériaux naturels sont encore fréquemment utilisés, et suscitent un regain d’intérêt depuis que l’on a pris conscience de l’écologie et de l’intérêt touristique. Les toits des bungalows sur pilotis des hôtels et de beaucoup de maisons et bâtiments publics sont encore en feuilles de pandanus tressées. Les autres sont souvent en tôle, avec de belles couleurs pastel, mais les murs sont « en dur » (béton, parpaings ou autre). La maison « en dur » s’oppose à celles fabriquées en bois, qu’il s’agisse de bambou tressé ou de contreplaqué, pas vraiment pour l’esthétique, mais plutôt pour la résistance aux cyclones. On peut observer ces maisons en se baladant dans la commune de Moerai. L’architecture coloniale subsiste encore, et les nouveaux bâtiments s’inspirent de plusieurs sources, dont l’architecture chinoise, coloniale, traditionnelle ou moderne. Parfois, l’on remarque du béton gris et tagué, dans les zones construites rapidement autour de Papeete dans les années 1960. Mais, le plus souvent, l’architecture s’intègre bien dans la nature, la plupart des bâtiments construits aujourd’hui ne dépassant pas la hauteur des cocotiers. Les murs blancs et le toit rouge, décoré de fleurs, de fougères et de paréos, les villas sont enfouies dans la verdure luxuriante des jardins, posées sur la plage, ou ouvertes à tout vent et perchées sur la montagne, avec vue sur le coucher de soleil et les îles au loin. Avec une piscine, un fare potee pour les fêtes, un fare pereoo pour la voiture, elles sont souvent spacieuses et confortables, avec des tapis et des coussins partout et même de la moquette sur la terrasse, on vit beaucoup allongé en Polynésie.

L’habitat sur l’eau

C’est sans doute l’image qui vient le plus souvent à l’esprit de quiconque s’imagine Tahiti et les splendeurs polynésiennes, le bungalow sur pilotis construit juste au-dessus d’une mer couleur émeraude fait rêver les voyageurs du monde entier. Pourtant, l’histoire de l’archipel ne révèle pas l’existence d’un habitat aquatique avant l’arrivée des Européens sur le territoire. Les constructions se faisaient le plus souvent dans les terres ou sur le littoral. Les grandes marques hôtelières qui ont construit les bungalows sur pilotis l’ont fait pour véhiculer leur image de marque à travers le monde entier et attirer les foules vers un cadre enchanteur. Des hôtels comme le Méridien Bora Bora, le Sofitel Moorea Ia Ora Beach Resort ou bien encore le Taha'a Island Resort & Spa s’inspirent certes de l’habitat traditionnel ancestral polynésien, mais restent des établissements peu accessibles à la grande majorité des voyageurs.

Néanmoins, l’un des avantages d’avoir construit sur l’eau est d’avoir fait prendre conscience à la population polynésienne que ce type de construction doit être sérieusement considéré à l’avenir, car pour faire face à l’érosion du littoral et à la montée des eaux, il peut représenter une alternative intéressante pour pouvoir loger de nouveaux arrivants.

Papeete, l’exemple d’une ville au milieu des lagons

L’arrivée des premiers colons européens est venue perturber l’équilibre de la société polynésienne traditionnelle. C’est donc à cette époque que Papeete s’est considérablement urbanisée. En premier lieu, car les Français souhaitaient protéger le territoire de l’invasion anglaise. Ils ont donc construit toutes sortes de routes, un camp militaire, des fortifications et on peut dire qu’ils sont en grande partie responsables de l’image de la cité aujourd’hui. Lorsqu’on se balade dans la capitale tahitienne, force est de constater qu’elle est un véritable melting pot architectural. L’impression que l’on peut avoir en arrivant à Papeete peut vite être celle d’une cité désorganisée, où les bâtiments semblent prendre place sans réellement se soucier de ce qui se passe autour, mais malgré tout, loin des clichés des bungalows sur pilotis imitant les farés, elle vaut tout de même le coup d’œil. En effet, au fil des observations, scruter les monuments dans les détails est une formidable occasion de mieux comprendre l’histoire de la ville et les différentes influences qui l’ont amenée à avoir le visage qu’elle révèle aujourd’hui.

La Polynésie française a connu deux vagues d’immigration chinoise, la première dans la seconde moitié du XIXe siècle et la seconde au début du XXe siècle, ce n’est donc pas un hasard si l’on rencontre des monuments de style asiatique ici et là.

L’autre grande période qui a profondément marqué Tahiti et la Polynésie française est l’arrivée des Européens et l’évolution vers le Protectorat français. Dans la ville, une balade permet de repérer des monuments qui ont été indéniablement construits sous l’influence européenne. Citons les principaux lieux de culte comme la cathédrale Notre-Dame de Papeete, l’église Sainte-Thérèse ou bien encore le temple protestant Bethel. Concernant la cathédrale, on note ses petites dimensions qui rappellent celles de petites églises que l’on peut trouver dans certains villages de France métropolitaine, tout comme sa forme. Mais sa façade jaune, les encadrements colorés autour des vitraux et l’évolution de sa décoration intérieure d’un style européen vers un style plus polynésien attestent parfaitement de la volonté de présenter un monument dont l’aspect général correspond à l’environnement local.

Le patrimoine religieux en Polynésie française

Le patrimoine religieux a pris de l’essor à Tahiti et en Polynésie française avec l’arrivée des missionnaires protestants de la London Missionary Society en 1797. Le christianisme se développe, et naît un patrimoine religieux dans l’archipel. Il mérite que l’on mette en avant ses spécificités architecturales, avec certaines églises qui se fondent parfaitement dans le paysage verdoyant comme celle de Saint-Gabriel de la petite île de Taravai, à la façade blanche et aux nuances bleutées, ou bien encore l’église du Sacré-Cœur de Otepipi, à Anaa, qui prend place à quelques mètres seulement d’une plage paradisiaque au sable blanc et aux eaux translucides. D’autres lieux de culte ont une architecture qui peut surprendre, comme c’est le cas avec l’église Saint-Joseph de Faa’a, où les toits se superposent et l’aspect général apparaît comme disgracieux. En se rendant au pied de la cathédrale Saint-Michel de Rikitea, à Mangareva, qui fut restaurée, mais dont on note à l’origine qu’elle fut construite avec de sublimes matériaux comme la pierre de corail et la chaux corallienne, on constate la volonté d’avoir opté pour une architecture qui vit en parfaite harmonie avec la verdure alentour.

Quelle architecture pour demain ?

La Polynésie française en général a à faire face un problème majeur : celui du réchauffement climatique et de la montée des eaux. En effet, comment dans tout archipel, la fonte des glaces engendre une élévation du niveau de la mer, qui immerge peu à peu les littoraux. La Polynésie française est vulnérable face à ce dérèglement et même si les données sont encore peu fiables sur les conséquences à plus ou moins long terme, il est tout de même nécessaire que les autorités puissent se préparer. En prenant en compte cet élément, la croissance démographique et la nécessité de préserver un patrimoine naturel de toute beauté, quelles sont alors les solutions ? Il est évoqué la possibilité d’accroître dans un avenir pas si lointain les constructions sur pilotis ou bien encore de favoriser l’émergence de maisons flottantes, des alternatives qui ont déjà vu le jour dans d’autres régions du monde. Mais les Polynésiens sont-ils prêts à bouleverser leur mode de vie en ce qui concerne le logement, seule la nécessité de prendre des décisions nous le dira.