Toere © ChameleonsEye - shutterstock.com.jpg
Danseuses à Raiatea © O_#39_KHAEN - shutterstock.com.jpg
Danse mixte à Papeete © sarayuth3390 - shutterstock.com.jpg
Couple de danseurs © chameleonseye - iStockphoto.com.jpg

La musique traditionnelle entre chants et instruments

Si l’image des danses polynésiennes, suaves et enchanteresses, a beaucoup voyagé, les musiques traditionnelles, moins connues, sont un spectacle d’une féerie semblable. Essentiellement vocaux, cette musique et ces chants ont été un véhicule privilégié pour perpétuer la culture polynésienne au travers des âges. Les chants les plus courants sont sans aucun doute les himene. Datant du début du XIXe siècle, ils sont le résultat du mariage entre les polyphonies traditionnelles polynésiennes et les hymnes religieux des premiers missionnaires protestants. Les principaux types sont le himene tarava (un chœur polyphonique complexe de chants masculins et féminins), le himene ru’au (a capella) et le ute paripari (rythme enlevé, instruments traditionnels et plus modernes). Pas forcément religieux, ces chants perpétuent aussi les légendes mao’hi, des dieux et des héros. Les ensembles, appelés pupu himene, rassemblent jusqu'à 80 chanteurs dont les polyphonies superposent de six à dix voix. Mélodies lentes et harmonieuses, les himene se marient à merveille aux longues soirées sous la voûte étoilée des Tuamotu, de Bora Bora ou de Tahiti. On trouve des variations dans tout l’archipel comme les fakanau et fatele des danses et chants des Tuvalu.

Durant deux semaines dans toute la Polynésie, le Heiva est non seulement l’occasion d’entendre des himene de tout l’archipel, mais aussi d’un véritable concours où l’on peut découvrir les principaux instruments locaux : le to’ere, percussion essentielle dans la musique polynésienne (un tambour oblong à fente longitudinale), fabriqué en bois de rose ou de tamanu ; le tari parau, sorte de grosse caisse au son grave et sourd ; le ihara, un bambou fendu en fines lamelles ; le pahu, un tambour qui ressemble au djembé africain ; le vivo (ou pu ihu aux Marquises), surprenante flûte en bambou à trois trous dans laquelle on souffle avec le nez ; et bien sûr le ukulele, instrument symbolique à cordes pincées d’Hawaï, adaptation de la braguinha de Madère et du caraquinho portugais. On les entend tous dans les compositions des artistes polynésiens les plus populaires comme Barthélemy Arakino, Angelo Neuffer, la famille Laughlin ou encore Bobby Holcomb. Ce dernier sort clairement du lot et représente toujours un mythe pour de nombreux Polynésiens. Musicien et peintre, il a contribué par sa pratique au renouveau culturel de la Polynésie française, notamment en mariant les mélodies tahitiennes à divers genres comme le reggae.

Une danse sportive

La danse est une des pratiques culturelles les plus partagées et répandues de la Polynésie. Loin d’être cantonnée aux mouvements ancestraux, elle est en constante évolution et se modernise chaque année – si bien qu’il est impossible d’affirmer que tel ou tel spectacle est authentique ou non. Dans les danses polynésiennes, toutes les figures (amour, beauté, fleur...) ont un sens. Exécutés à la perfection, les gestes des vahinés sont lascifs et sensuels, le plus inconcevable restant la vitesse à laquelle les hanches remuent. C’est impressionnant, surtout que le mouvement est infiniment plus difficile à réaliser qu’il n’y paraît. Les tanes ne sont pas en reste et exécutent d’autres figures non moins rapidement, jonglant parfois avec du feu. Leur jeu de jambes est épuisant... La difficulté, dans les deux cas, est de conserver les épaules droites. Indissociable de la danse, la musique est assurée par un orchestre avec ukulélés, tambours et toere, voire une basse faite avec une corde tendue et une poubelle.

Ori Tahiti et ses descendantes

La danse tahitienne la plus connue et pratiquée en Polynésie française est l’« Ori Tahiti ». Comme son nom l’indique, elle est propre à Tahiti, et a été inscrite à l’inventaire du Patrimoine culturel immatériel en 2017. Lorsque l’on parle de tamure (souvent prononcé « tamouré » en français et orthographié « Tāmūrē » en tahitien), on désigne la déclinaison moderne de l’Ori Tahiti. Cette danse sensuelle – parfois très explicite – des Tahitiennes nues a épaté plus d’un explorateur, même si les passages « impudiques » sont rares dans les récits d’époque. En effet, comme le capitaine Cook le racontait, ces danses au caractère clairement sexuel étaient réalisées avec une grande perfection et le sont toujours. Interdites par les missionnaires, elles sont restées dans l’ombre jusqu’au début du XXe siècle et ont commencé à se raviver à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, quatre types majeurs de danses – descendant toutes de l’Ori Tahiti – se dégagent sur le Territoire (notamment lors du Heiva) : l’ote’a, l’aparima, l’hivinau et le pa’o’a. L’ote’a, jadis réservée aux seuls hommes (aujourd’hui, elle est pratiquée entre hommes « ote’a tane », entre femmes « ote’a vahine » ou de façon mixte « ote’a amui ») est une danse traditionnelle violente et saccadée (aux origines sans doute guerrières) et à la gestuelle assez abstraite reprenant les pas du tamure (déhanchements pour les femmes, ciseaux avec les cuisses ou pao ́ti et jets de pieds ou tu’e pour les hommes). C’est la danse la plus connue avec son ambiance animée et festive. L’un des symboles culturels de Tahiti. L’aparima se concentre sur une gestuelle plus symbolique : une histoire est contée, liée à la vie quotidienne des habitants, des sentiments ou des expressions. L’étymologie du mot serait « le baiser qui vient des mains » (apa/rima). Si la danse n’est accompagnée que du tambour, on parle d’aparima vava. Si elle est chantée et accompagnée d’instruments à cordes et de tambours, c’est l’aparima himene. L’hivinau, exécutée par les danseurs en deux cercles concentriques qui se croisent, est moins exigeante. Elle ressemble à l’ote’a, en plus simple. Enfin, la pa’o’a est une danse liée à la fabrication du tapa. Les choristes battent leur cuisse à l’unisson, reproduisant le battement de l’écorce en cadence, tandis que les chanteurs envoient des « Hi » et « Ha » pour se donner du courage.

Les festivités

Toutes les danses sont effectuées lors du Heiva. Inratable, cette grande manifestation populaire et culturelle tahitienne a de quoi enthousiasmer le curieux. Instaurée en guise de célébration de la Fête nationale par la France en 1842, toute la Polynésie fait la fête tout le mois de juillet... et ce, depuis 1881 (le spectacle s’appelait alors Tiurai). Le 29 juin, le Hiva Vae Vae lance les festivités. Des spectacles de danse et concours de chants sont alors organisés sur toutes les îles, de Tahiti aux Australes et des Marquises à Bora Bora, dans tous les villages. Tamure, opaopa, aparima, tous les styles de danse sont exécutés à grande échelle sur la place To’ata à Papeete proposant des centaines de danseurs et des dizaines de chorégraphies pour des concours à n’en plus finir. Magnifique vitrine de la culture polynésienne, on y voit aussi des concerts, chants de himene, courses de pirogues, jeux de Tahiti Nui (sortes de jeux olympiques locaux... incluant la course de porteurs de fruits !) et autres foires agricoles. Autres festivités beaucoup moins connues, mais tout aussi inratables : Hura Tapairu. Chaque année, fin novembre-début décembre, les groupes de danse les plus connus aussi bien que les formations créées pour l’occasion s’affrontent devant des salles combles, mettant en avant leur créativité, leur grâce et la force de cette danse vivante en constante évolution.

Où vivre cette expérience ?

Naturellement, on peut aussi assister à des représentations de danses polynésiennes tout au long de l’année. Une des meilleures adresses est le fameux Tiki Village. Ce centre culturel polynésien accueille les visiteurs dans des fare traditionnels et propose deux à trois fois par semaine un spectacle de danse étourdissant composé de tamure aussi bien que de l’exceptionnelle danse du feu. Autrement, de nombreux grands hôtels en Polynésie organisent des représentations pour leurs clients (ouvertes au public). Les plus spectaculaires étant sans doute ceux de l’Intercontinental et du Méridien Tahiti. N’oublions pas non plus le Tahiti Pearl Beach Resort où se déroulent régulièrement des soirées marquisiennes et tahitiennes avec des spectacles de danse très réputés. Si les grands ballets de Tahiti ont fait voyager la danse polynésienne à travers le monde, la professionnalisation du genre remonte à 1956, date de la fondation du groupe Heiva par Madeleine Moua. Aujourd’hui, Coco Hotahota est sans doute le plus connu des chorégraphes et l’un des maîtres de cet art qu’il a ravivé par de nouvelles compositions pour son groupe Te Maeva. Lui et sa troupe ont d’ailleurs eu droit à une brève séquence dans le film Le Cinquième Élément de Luc Besson.

Le haka

Danse chantée rituelle, pratiquée par les Maoris et devenue célèbre mondialement grâce aux All Blacks, l’équipe de rugby de Nouvelle-Zélande, le haka n’est pas exclusif à cette dernière. D’ailleurs, il n’y a pas un haka, mais des haka. Pratiqué dans toute l’Océanie, on n’en trouverait pas moins de sept styles différents, rien qu’en Polynésie. C’est aux îles Marquises que l’on trouve une des versions les plus singulières, reconnaissable notamment par ses rythmes réalisés à l’aide de tambours, les « pahu » et son rythme plus linéaire.