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Passé de légende

La Tanzanie conserve les vestiges des premières cités commerçantes arabes d’Afrique. Les ruines de Qanbalu, sur l’île de Pemba, remontent au VIIIe siècle et sont ainsi les plus anciennes de la région. Mais les plus célèbres sont les ruines de Kilwa Kisiwani. Port prospère du XIIe au XVIe siècle, le site conserve des édifices étonnants à l’image de la Grande Mosquée dont on peut encore admirer les voûtes, dont certaines sont décorées de porcelaine de Chine enchâssée, ainsi que les multiples dômes dont la coupole principale fut d’ailleurs jusqu’au XIXe siècle la plus grande d’Afrique de l’Est ! Tous les édifices étaient bâtis en calcaire corallien et mortier de chaux. Une caractéristique phare de la culture swahilie, savant mélange d’influences arabes et africaines. Autant d’éléments que l’on retrouve sur le site de Songo Mnara dont le mur d’enceinte protège 5 mosquées, un bel ensemble palatial et 33 maisons de calcaire corallien et de bois. Sur d’autres sites, l’influence perse s’ajoute aux éléments swahilis. En effet, de nombreux commerçants venus de la ville de Chiraz s’installèrent dans le pays et y laissèrent leur marque. Les ruines de Tongoni et de Kaole possèdent ainsi de superbes mosquées, mais aussi de très belles stèles funéraires chirazies que l’on reconnaît à leur structure en pilier et à leur richesse ornementale. Le calcaire corallien est aussi le matériau phare des somptueuses maisons ou palais urbains que l’on peut voir à Bagamoyo et surtout à Stone Town, le joyau historique de Zanzibar City. Ces maisons sont régies par deux principes clés : le respect de l’intimité et l’aération. De la rue, on ne voit que leurs balcons, ouvragés tels des moucharabiehs, et leurs portes sculptées telle de la dentelle. Les plus anciennes, marquées par la culture arabe, possèdent des linteaux rectangulaires ornés de motifs géométriques, tandis que les maisons marquées par la culture indienne possèdent des linteaux semi-circulaires et une abondante décoration florale. Adossés aux façades, les barazas ou bancs de pierre, souvent recouverts de mosaïques, permettent aux habitants de se retrouver. Une fois la porte à double vantail passée, un étroit couloir mène au majlis, salle de réunion et unique espace public de la maison. Le reste de la maison s’organise autour d’une cour centrale bordée d’arcades. De cette cour, un bel escalier ouvragé mène à l’étage. Ces trésors de pierre cohabitent également avec les échoppes indiennes organisées autour de l’espace commercial appelé duka, les temples hindous aux couleurs bariolées et aux décors de bois sculpté, les édifices arabes de plan carré et au toit plat, et les somptueux palais des puissants sultans omanais. Le plus célèbre des palais zanzibaris est la House of Wonders ou Beit el-Ajaib, mêlant architecture de pierre et architecture métallique. Ne manquez pas non plus les ruines du Palais de Maruhubi avec ses belles colonnes, son aqueduc aérien et les petits réservoirs alimentant le hammam de style perse. A Dar es Salaam, c’est le Vieux Boma, construit en 1866, qui porte la marque omanaise avec sa silhouette de pierre de corail et de bois de mangrove blanchie à la chaux et la ligne crénelée de son toit.

Influence coloniale

A la fin du XIXe siècle, la présence allemande s’est accompagnée de la construction de bâtiments administratifs aux silhouettes plutôt néoclassiques (douanes, hôpitaux) et d’édifices typiques telles les tours-horloges ou clock-towers, également très prisées des Anglais. A Dar es Salaam, les Allemands ont également opéré une refonte complète de l’urbanisme. La ville fut, en effet, divisée en 3 zones : le Nord-Est avec ses larges avenues bordées de villas coloniales, le Centre au dense lacis de ruelles bordées des échoppes indiennes, et, séparé par un espace ouvert jouant le rôle de cordon sanitaire, l’Ouest avec la grille serrée des habitations africaines. Une ségrégation urbaine qui transparaît encore aujourd’hui. La présence coloniale est aussi et surtout une présence religieuse, renforcée par le pouvoir des missions. Hauteur, proximité d’une source d’eau, terres fertiles et disponibilité des matériaux président au choix des sites des missions. Dans les premiers temps, les structures sont assez sommaires (couverture végétale sur cadre de bois), puis progressivement, les missionnaires développent une architecture de terre crue, en briques séchées au soleil ou en briques de terre cuite produites dans des grands fours créés spécialement, avant d’employer dans certaines missions la pierre corallienne (Tanga, Bagamoyo), voire la pierre volcanique (Kilema). La chaux n’étant pas toujours facile à produire, les missionnaires emploient souvent la technique swahilie qui remplace le calcaire par des coquillages. L’élément phare de la mission est la maison des missionnaires d’inspiration coloniale : plan rectangulaire, galerie couverte à colonnade, toiture à débordement. De beaux exemples sont à voir à Kibosho et Dongoni. Les églises des missions, elles, témoignent d’une adaptation aux contraintes climatiques avec leurs murs épais plus isolants, l’apparition de claire-voie pour l’aération, les auvents et vérandas latérales pour protéger du soleil et les clochers solides et trapus pour résister aux orages. Les églises des missions sont souvent plus modestes que les églises des grands centres urbains qui font la part belle aux styles néo, à l’image de la cathédrale Saint-Joseph de Zanzibar dont la silhouette romano-byzantine et les deux tours flanquant sa façade rappellent la cathédrale de Marseille, de l’église romano-gothique de Msalala ou bien encore de l’église Saint-Paul de Mtwara dont la façade et les murs latéraux sont entièrement recouverts de scènes bibliques peintes dans des couleurs vives par un prêtre allemand qui forma de nombreux artisans africains qui reprirent ces motifs à travers tout le pays.

Architecture moderne et contemporaine

La Tanzanie des années 1950 va connaître une étonnante effervescence architecturale aux accents résolument modernistes. L’Anglais Peter Bransgrove va développer ce qu’on appelle le « modernisme tropical », c’est-à-dire le style international en vogue en Europe adapté aux contraintes climatiques. Objectif : favoriser aération et ventilation et éviter l’exposition directe au soleil. C’est à Bransgrove que l’on doit la technique des blocs de béton en persienne, que l’on retrouve dans nombre de ses créations tout en sobriété et simplicité, à l’image du YMCA de Dar es Salaam. Mais la grande figure du modernisme tanzanien est Anthony Almeida, tanzanien d’adoption mais né à Goa, un métissage qui donne une architecture unique jouant sur les motifs et les effets de transparence, sur le dialogue entre ombre et lumière et sur une adaptation naturelle à l’environnement. Ses créations ont souvent un étage surélevé et possèdent une cour centrale lumineuse. Parmi les grandes réalisations du maître tanzanien, notons : le Regional HQ of the East Africa Community à Dar es Salaam, dont la silhouette n’est pas sans rappeler les unités d’habitation de Le Corbusier, et la Joint Christian Chapel de l’Université avec son superbe toit en porte-à-faux. Autre grande figure du modernisme : Beda Amuli, à qui l’on doit l’une des plus étonnantes structures de Dar es Salaam, le Kariakoo Market avec ses imposants piliers qui s’ouvrent en corolles protectrices et qui donnent au marché des allures de forêts de béton. A la même époque, la RDA décide d’aider l’île de Zanzibar à se développer et d’y sponsoriser des programmes de constructions de barres d’immeubles en matériaux préfabriqués, tels les Michenzani Trains de Zanzibar City. Des projets pour le moins insolites et qui ne s’adaptent pas vraiment au mode de vie local… Aujourd’hui, Dar es Salaam se couvre de gratte-ciel et d’édifices étonnants, à l’image du ZO Space à la forme de Z et aux savants jeux de volumes. Et la Tanzanie ne compte pas s’arrêter là, multipliant les projets grandioses, telle la Domino Tower de Zanzibar, une tour de 70 étages construite sur une île artificielle qui pourrait devenir le plus haut gratte-ciel d’Afrique subsaharienne, et la Kigamboni New City, ville nouvelle imaginée en face du cœur historique de Dar es Salaam et qui devrait comprendre des hôtels et tours de verre, ainsi que des zones résidentielles et industrielles, le tout s’accompagnant de la construction d’un pont… financé par la Chine. Loin de toute cette grandiloquence, les lodges tentent, eux, de créer un élégant trait d’union entre tradition et modernité, n’utilisant que des matériaux naturels et multipliant les structures sur pilotis pour limiter l’impact sur l’environnement.

Habitat autochtone

Les matériaux les plus utilisés sont le bois pour le cadre, la boue ou l’argile pour les murs et le chaume d’herbe ou de roseaux tissés souvent étagé en terrasse pour la toiture… des matériaux naturels aux étonnantes propriétés isolantes. Les villages maasaï sont célèbres pour leur « boma » ou « kraal », c’est-à-dire l’enceinte qui protège les habitations. Cette dernière peut être faite de pierre, de poteaux de bois ou de bosquets de fourrés épineux et impénétrables. Les habitations maasaï sont généralement de plan rectangulaire et leur silhouette de boue et de paille est souvent bombée. Le peuple Zarama, lui, est célèbre pour son superbe travail du bois et de la vannerie que l’on retrouve autour des portes et sur les clôtures d’enceinte souvent décorées de motifs nattés. Un art du décor que l’on retrouve dans les habitations Nyakyusa dont le tressage des branchages donne un aspect géométrique fin et élégant. Le peuple Sukuma a développé, lui, un habitat circulaire, dont les formes les plus poussées ressemblent à des dômes. Huttes rondes et dômes se retrouvent chez les Ha et les Hadza, et surtout chez les Chagga, dont les huttes entièrement couvertes de chaume et sans aucune fenêtre peuplent les pentes du Kilimandjaro. Une absence de fenêtre que l’on retrouve dans les huttes du peuple Fipa. Les maisons Zanaki, elles, se distinguent par leur toit conique dont les débordements supportés par de grosses branches créent une galerie autour de l’habitation. Chez les Haya, le toit, conique lui aussi, se prolonge à l’avant en une sorte de 2e petit toit surmontant l’entrée en forme de porche. Et ce ne sont là que quelques exemples de la richesse de l’habitat autochtone tanzanien. Pour en apprendre davantage, vous pouvez vous rendre dans le Village Museum, non loin de Dar es Salaam, qui regroupe près d’une vingtaine d’habitations autochtones, et vous pouvez également visiter les villages appartenant au Cultural Tourism Program, sorte d’écotourisme pensé au profit des communautés locales, à l’image du N’giresi Village… L’authenticité y est peut-être parfois factice, mais ce programme a le mérite de protéger et de faire connaître ces peuples aux cultures ancestrales.