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Le tourisme, secteur clé de l'économie de l'île © KarlosXII - Shutterstock.com.jpg

Une économie florissante

L’observateur étranger ne verra peut-être dans l’île Maurice qu’un petit paradis terrestre : de la canne à sucre, des cultures vivrières, quelques pêcheurs et des hôtels qui rapportent des devises et créent des emplois. La réalité économique du pays est toute autre et Maurice, citée en exemple par les économistes du monde entier, est en fait considérée comme le dragon de l’océan Indien. Pourtant, au moment de l’indépendance en 1968, la situation était celle d’un pays sous-développé. Le taux de chômage était supérieur à 20 % et la démographie galopante atteignait le taux catastrophique de 3,5 %. Le niveau de vie était très bas, avec un produit national brut (PNB) par habitant de 250 €, et les revenus du pays totalement dépendants de l’industrie sucrière qui représentait alors 90 % des exportations. Plus de 50 ans après, abstraction faite de la pandémie dont les effets n’ont pas encore été quantifiés, l’île Maurice affiche une forme économique insolente. Le revenu par habitant a été multiplié par 15, le chômage est relativement faible (autour de 7 %, mais il s’agit d’un taux très relatif ne prenant pas en compte les gens qui préfèrent vivre de la pêche et ne souhaitent pas avoir de travail fixe), la natalité a été maîtrisée (avec 1,4 enfant par femme seulement, l’île connaît même une petite crise démographique) et le pays affiche un taux de croissance économique de 3 à 8 % par an en moyenne depuis vingt ans. En même temps, les ventes de sucre ont continué à augmenter sur un marché mondial qui se porte mieux, même si elles ne représentent plus que 3,5 % du produit intérieur brut (PIB). Si les chiffres de l’économie semblent majoritairement au vert, ils dépendent fortement des relations commerciales avec l’Europe et l’Asie ou des investisseurs étrangers.

Diversification des ressources

Depuis l’occupation de l’île par les Hollandais puis les colons français et anglais, l’industrie sucrière demeure un pilier important de l’économie mauricienne. Pour s’en persuader, pas besoin de courir le pays en tous sens. Il suffit de s’écarter un peu de la route côtière et de s’enfoncer à l’intérieur des terres où la canne couvre 90 % des terres cultivées. Mais l’or blanc, malgré des mutations autour de la production d’électricité à partir de bagasse, résidu fibreux des cannes, de la production de bioéthanol et la production de rhum, ne suffit plus à faire vivre l’économie du pays.

Afin de diversifier son économie, l’état mauricien a instauré une zone franche manufacturière dans les années 1970 pour attirer les investisseurs étrangers. Première installée, l’industrie textile a profité de ses accès en franchise sur le marché européen pour se développer et créer de nombreux emplois.

Parallèlement à la zone franche, un autre secteur affiche une bonne santé économique : le tertiaire off-shore. Maurice possède les atouts nécessaires au développement exponentiel de son secteur financier : stabilité politique, faible décalage horaire avec l’Europe, main-d’œuvre jeune, hautement qualifiée, maîtrisant l’anglais et le français, garantie de confidentialité, convention de non-double imposition, etc. Depuis 1992, l'île a ainsi su attirer plusieurs dizaines de milliers d'entités off-shore, dont plusieurs centaines de fonds d’investissement, pour des flux financiers de plusieurs dizaines de milliards de dollars. Une part très importante de ces derniers se fait entre Maurice et l’Inde, un accord bilatéral permettant aux entreprises concernées de n’être imposées que dans l’un des deux pays. Et elles choisissent évidemment de se faire imposer à Maurice ! L’autre secteur d’activité off-shore est constitué d’entreprises de services liées à l’activité portuaire. En effet, Port-Louis, désormais doté du statut de port franc, connaît un important développement.

Le tourisme, secteur clé du développement

Depuis l’indépendance, le tourisme connaît un véritable boom. Normal, Maurice a tout pour plaire, à commencer par ses paysages idylliques, son climat tropical tempéré par les alizés et la chaleur de ses habitants. Sous l’impulsion de l’état, du privé et de la Mauritius Tourism Promotion Authority (MTPA), le nombre d’arrivées dans l’île est passé de 10 000 en 1965 à environ 1 400 000 en 2019 et plus d'un million en 2022. On peut dire que Maurice comptera bientôt chaque année plus de visiteurs que d’habitants ! Ce marché touristique est vital pour l’économie de l’île, puisqu’il représente plus de 10 % du PIB et près de 100 000 emplois directs et indirects. S'il a subi une baisse drastique et dramatique pendant la pandémie, les chiffres 2022 et 2023 sont très encourageants et affichent une hausse constante. La France, visiteurs de la Réunion inclus, demeure le premier marché pour Maurice, loin devant le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Afrique du Sud, l’Inde et la Chine.

Pour accueillir les vacanciers dans les meilleures conditions, l’île a poursuivi et n'a de cesse de poursuivre le développement de ses équipements hôteliers par la construction de nouveaux établissements et la rénovation régulière de nombreux hôtels. Ce développement se fait dans un souci constant d'excellence comme en témoigne la décision prise par les autorités mauriciennes d'aligner leur nouvelle classification hôtelière sur les critères internationalement reconnus du classement français. Parallèlement, le nombre de vols à partir de plusieurs destinations dans le monde a beaucoup augmenté ces dernières années. C’est le cas en France depuis 1998, grâce à une alliance scellée entre Air France et Air Mauritius et à l’introduction en 2007 d’une nouvelle compagnie aérienne, Corsair. En hiver, on peut ainsi compter jusqu’à une vingtaine de vols hebdomadaires, soit une capacité de plus de 7 000 sièges dans les deux sens. Faisant face à d’autres destinations émergentes, à un tourisme à la fois plus exigeant en matière de qualité de service, d’engagement environnemental, social et éthique, les acteurs du tourisme à Maurice, gouvernement en tête, doivent relever le défi de la protection de l’environnement (et s’orienter vers l’écotourisme), de la propreté (avec une meilleure gestion des déchets) et du renouvellement de la main-d’œuvre (peu formée aux nouvelles technologies), pour mettre en avant les atouts naturels d’une île faite pour le tourisme.

Les chantiers

Depuis des années, l’île Maurice redessine ses paysages par de vastes chantiers. Le dernier et l’un des plus visibles est sans doute celui du Metro Express qui n’est pas un métro au sens européen du terme, mais un « Système Léger sur Rail ». La première ligne qui, en 2019, reliait Port-Louis à Rose Hill, a été prolongée jusqu’à Curepipe en 2022 via les métropoles du plateau central.

Ce chantier pharaonique, réalisé par une société indienne, a suscité bien des polémiques et remis à l’ordre du jour, avec la rupture d’un tuyau et d’un égout, un problème récurrent à Maurice : celui du réseau d’eau. Certains tuyaux datent de la période coloniale et laissent s’échapper une eau précieuse, d’autres en plastique sont posés à même le sol, certains quartiers sont mal approvisionnés et la qualité de l’eau n’est pas toujours excellente, faisant de la question de la distribution de l’eau un véritable défi pour l’avenir.

De nombreux projets d’aménagement urbain sont également en cours, comme le Victoria Urban Terminal, de nouveaux complexes hôteliers et bien d’autres (Smart City, Business park…) qui, s’ils participent pour certains au développement économique de l’île, détériorent pour d’autres l’environnement et le cadre de vie d’une petite île déjà très construite.

Enjeux

L’île Maurice a donc réussi à s’imposer comme le dragon de l’océan Indien. A l’instar des États industrialisés asiatiques tels que Hong Kong et Singapour, elle tente maintenant de développer un grand marché économique (l’Indian Ocean Rim Association) allant de l’Afrique du Sud à l’Australie en passant par l’Inde, pour faire contrepoids aux marchés nord-américains, asiatiques et européens. Pourtant, quelques nuages s'accumulent à l’horizon et confrontent de plus en plus Maurice aux problèmes qui sont ceux des pays « développés ». Tout d’abord, les nombreuses aides au développement dont le pays a bénéficié dans le cadre d’accords bilatéraux (avec la France et l’Inde notamment) et dans le cadre d’accords internationaux (Fonds européen du développement, prêts de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international) sont supprimées les unes après les autres, car Maurice ne remplit plus les critères. Certains secteurs, notamment l’industrie sucrière, en ont déjà pâti et accusent d'une année sur l'autre une baisse de leurs productions et surtout de leurs rendements. Par ailleurs, d'une manière générale, l’augmentation des salaires fait baisser régulièrement la productivité de certaines entreprises (notamment les entreprises manufacturières) tout en augmentant le coût de la vie et les attentes des Mauriciens. De plus, les problèmes de drogue et de corruption se sont amplifiés et tendent à discréditer les forces de l’ordre, une partie du corps administratif et des membres du gouvernement. Les émeutes qui se sont produites dans tout le pays lors de la mort du chanteur Kaya (en 1999) sont le témoignage le plus révélateur d’une possible instabilité populaire. Car l’un des risques majeurs qui pèsent sur l’avenir du pays est social. En effet, malgré la mise en place par l’Etat d’une importante couverture sociale, tous les Mauriciens n’ont pas profité équitablement de la croissance. Les inégalités, accentuées par la crise du coronavirus, se creusent entre les différentes couches de la population et les différentes communautés ethniques. Pour s’en rendre compte, il suffit de comparer le quartier des affaires à Port-Louis, où grouillent les jeunes cadres indo-mauriciens et franco-mauriciens, aux villages créoles du sud de l’île qui vivent encore dans une grande pauvreté. Invisible aux yeux du touriste (accueilli et servi comme un roi), le racisme est une réalité sociale qui touche une certaine partie de la population et génère occasionnellement des intolérances au sein d’une même entreprise. Cela dit, rien à voir pour le moment avec les discordances plus sérieuses affectant d’autres pays du monde. Si des troubles entraînent parfois un certain attentisme des milieux financiers locaux, l’économie mauricienne demeure toutefois en bonne santé. Il y a ainsi fort à parier que les Mauriciens, habitués à faire face aux pires difficultés, à commencer par les cyclones, et dont l’avenir est plus que jamais entre leurs mains, sauront rester unis pour relever les défis du XXIe siècle !