Les produits du marché

Malgré des hivers généralement rudes, le pays est suffisamment vaste et le climat assez varié pour fournir à ses habitants les produits les plus divers. La Russie est l’un des plus gros producteurs mondiaux de blé, d’orge, de seigle, ainsi que de légumes racines, de concombres ou encore de pommes de terre. Les Russes raffolent en effet des légumes salés marinés au vinaigre (tomates, concombres, betteraves, oignons, etc.). Une bonne méthode de conservation, notamment en hiver. Les carottes, navets, pommes de terre et choux sont largement utilisés pour des plats longuement mijotés. Les marchés regorgent également d’herbes aromatiques, de la coriandre au persil plat en passant par l’aneth.

Les champignons sont eux aussi extrêmement populaires, poussant en abondance dans les immenses forêts de conifères qui couvrent une grande partie du pays. Beaucoup des variétés cueillies dans la nature sont quasiment inconnues en France. Séchés ou préservés dans de la saumure, les champignons peuvent aussi être cuits directement, en ragoût, sautés, rôtis ou en soupe.

On trouve sur les marchés à peu près tous les fruits communs dans le reste de l’Europe et, en été, des vendeurs proposent des pastèques à chaque coin de rue. Les Russes sont également de grands amateurs de baies, souvent cueillies dans la nature, et dont on fait traditionnellement des conserves pour l’hiver, notamment dans les zones rurales. Parmi les autres fruits rouges appréciés, on retrouve bien sûr les airelles, les sorbes, les myrtilles, les fraises – dont les fraises sauvages –, les mûres de ronce, la plaquebière (mорошка) ressemblant à une framboise orange, ainsi que les groseilles rouges ou encore les groseilles à maquereau, très acides, que l’on consomme surtout en confiture. Sans oublier évidemment les framboises, dont la Russie est le premier producteur, contrôlant environ un quart de la production mondiale.

Le mot syr (сыр, soit fromage) est mentionné pour la première fois dans les chroniques de Kievan Rus, mais fait référence au tvorog​ (tворог, qui veut dire cottage cheese). Le fromage à pâte dure n’est apparu en Russie qu’après le voyage de Pierre le Grand à travers l’Europe et notamment en Hollande, d’où il a rapporté non seulement du fromage, mais aussi des maîtres fromagers. La production de fromage à l’échelle industrielle en Russie ne commence cependant qu’à la fin du XIXe siècle. Parmi les spécialités on retrouve le kostroma (Костромской сыр) ou le pochekhonié (Пошехонский сыр), deux fromages au lait de vache à pâte cuite, à 45 % de matière grasse, proche du gouda. Le tilsit (tильзитер) est également fabriqué avec du lait de vache avec une teneur en matière grasse entre 30 et 60 %. Le sovietsky (Советский) est un fromage de l’Altaï au lait de vache pasteurisé, fort répandu depuis les années 1930 dont le nom se traduit par « soviétique ». Il bénéficie pourtant d’une appellation protégée depuis 2011. Enfin, le fromage adyguéen (адыгейский сыр) est une spécialité fromagère à pâte fraîche, blanche, originaire du Caucase.

Les viandes les plus consommées dans le pays sont le porc, le mouton/agneau et la volaille. Le bœuf est plus rare et considéré comme une viande de choix. Néanmoins le steak saignant – commun à l’Ouest – a du mal à s’imposer en Russie. On préfère la viande rôtie ou mijotée dans des ragoûts ou des soupes. Facilement disponible pendant les périodes plus pauvres et connu pour sa longue conservation, le corned-beef ou tushonka (тушёнка) est très prisé. Côté charcuterie, on retrouve notamment l’immanquable kolbasa (колбаса) – similaire aux saucisses d’Europe de l’Est ou d’Allemagne – avec une farce très fine. Elle est largement consommée dans les salades composées, au petit déjeuner et au dîner. Elle remplace souvent la viande dans les foyers modestes. Le terme est cependant générique et on retrouve de nombreuses variantes avec une farce plus ou moins fine, fumée ou avec au sang comme notre boudin noir. Le lard ou salo (сало), qui ne contient quasiment que du gras en Russie, est servi en entrée en tranches très fines avec du pain et se consomme, en hiver principalement, avec de la vodka. Il est parfois frit, accompagné de pommes de terre ou cuit pour aromatiser un bouillon.

Les poissons se présentent frais, fumés (à froid ou à chaud) ou séchés. Saumon, esturgeon, brochet, carpe, sandre ou encore thon sont les espèces les plus communes. Le vobla (вобла, gardon de la Caspienne) est un poisson consommé salé et séché, généralement accompagné d’une bière ou d’un verre de vodka. On retrouve également divers crustacés et fruits de mer comme les écrevisses, qu’on pêche pendant tout l’été. Elles sont souvent grillées avec de l’aneth et vendues telles quelles sur le bord des routes.

Enfin impossible de parler de produits russes sans évoquer le plus prestigieux de tous, le caviar (Икра). Selon la législation, seuls les œufs d’esturgeon peuvent prétendre à cette appellation. Spécialité de l’Empire russe – mais également produit en Iran et, dans une moindre mesure, en Ukraine et en Roumanie –, il est historiquement issu de poissons pêchés en mer Caspienne et en mer Noire, même si aujourd’hui 90 % des esturgeons viennent d’élevage. Extraits avec délicatesse, les œufs sont ensuite lavés et salés, ce qui permet de les conserver, bien sûr, mais va aussi relever leur goût. La Révolution russe a d’ailleurs forcé les producteurs de ce mets de luxe à émigrer en Europe de l’Ouest. Ce qui explique pourquoi les maisons Petrossian et Kaspia furent fondées à Paris respectivement en 1920 et 1927, mais aussi pourquoi on produit aujourd’hui du caviar en Aquitaine.

S’il est tentant de vouloir rapporter du caviar russe dans ses bagages, abandonnez toutefois l’espoir de trouver un excellent produit à bas prix. Bien qu’il soit un peu moins cher qu’en France, le caviar reste – même en Russie – un mets de luxe. Un produit trop bon marché risquerait de ne pas être confectionné à base d’œufs d’esturgeon (souvent remplacé par du saumon), ou d’être mal travaillé et donc peu goûteux. Les termes béluga (белуга), ossetrina (осётрина) ou sevruga (севрюга) désignent simplement différentes espèces d’esturgeons. Le béluga est un poisson qui peut atteindre 7 m de long pour plus d’une tonne. Il met jusqu’à 15 ans pour pouvoir se reproduire, d’où sa rareté exceptionnelle et son coût mirobolant d’environ 10 000 €/kg.

Les cuisines régionales en Russie

Dans un pays qui pourrait sans difficulté contenir 30 fois la France, il ne fait aucun doute que les cuisines régionales au sein de la Russie présentent certes des similitudes, mais aussi des disparités énormes en termes d’ingrédients et de savoir-faire.

La Russie centrale – contenant les villes de Moscou, Saint-Pétersbourg ou encore Nijni Novgorod – tient une place spéciale dans la gastronomie russe, puisqu’elle constitue le cœur culturel du pays, et la plupart de ses spécialités sont connues à travers le monde comme les archétypes mêmes de la gastronomie russe. Comptant près des trois quarts de la population du pays et une bonne partie des terres agricoles, la gastronomie de cette région est donc variée, comprenant toutes sortes de légumes, de céréales, de fruits et de viandes, ainsi que divers produits laitiers. On y retrouve de nombreux plats emblématiques comme le bœuf Stroganov, le bortsch ou encore la salade Olivier.

Située au nord-ouest du pays, la Carélie est un territoire à part qui, malgré sa proximité avec Saint-Pétersbourg, est culturellement bien distinct du reste de la Russie. On y parle traditionnellement carélien, un dialecte très proche du finnois. Une bonne partie de ce territoire faisait d’ailleurs partie de la Finlande voisine jusqu’au début du XXe siècle. Le gibier, les poissons d’eau douce, les baies et les champignons sauvages y sont très communs. La kalitta ou tarte carélienne (karelskiy pirog/карельский пирог) est probablement la spécialité la plus connue. Cette tartelette ovale à la farine de seigle est garnie avec une bouillie de riz, de pomme de terre, de tvorog (fromage frais) ou de kasha (sarrasin grillé). Dans le menu de nombreux restaurants caréliens, vous trouverez les mots kalakeinitto, lohikeitto et maimarokka : ce sont toutes des soupes de poisson. La plus connue est la lohikeitto (Калакейтто ou Лохикейтто), au saumon avec des pommes de terre et beaucoup d’aneth. La truite, le sterlet (une espèce d’esturgeon) ou le brochet sont également très appréciés.

Directement influencée par la Géorgie voisine, la cuisine du Caucase a une place importante en Russie. Pour la petite anecdote, Staline – ou plutôt Iossif Vissarionovitch Djougachvili – était d’origine géorgienne et a fortement démocratisé la cuisine de son pays natal en Russie, durant ses 30 ans au pouvoir. On retrouve ainsi un grand nombre de restaurants proposant des spécialités caucasiennes à travers le pays, et c’est aussi évidemment la cuisine traditionnelle des régions du Caucase russe (Tchétchénie, Daghestan, Ossétie, etc.). Cette gastronomie est connue pour ses saveurs puissantes et riches, où les herbes aromatiques comme la coriandre et le persil sont associées à l’ail, au piment et au cumin. Les noix sont abondamment utilisées soit en dessert, soit en purée, pour épaissir les sauces comme dans le satsivi (cациви), une recette de volaille cuite servie froide avec une sauce crémeuse aux noix, ou dans l’ajika (aджика), un dip de noix généreusement parfumées d’ail, de piment et de coriandre. Les viandes les plus consommées sont le poulet, le mouton/agneau, le bœuf, et parfois le porc. Très appréciés, les aubergines et les poivrons rentrent dans la composition de l’ajapsandali (aджапсандали). Le plat de plus emblématique de la région est le khachapuri (xачапури), un pain plat garni de fromage fondu (sulguni) et couronné d’un œuf.

Plus à l’est, la cuisine tartare montre des influences plus proches de ses voisins comme le Kazakhstan ou l’Ouzbékistan, et dans une moindre mesure l’Iran. Situées aux confins de l’Asie centrale, les influences à la fois asiatiques et orientales offrent des mélanges de saveurs uniques. Le thé, les nouilles et les raviolis – comme les mantis (манты) farcis de viande d’agneau –, d’origine chinoise, rencontrent les fruits secs et le riz long grain rentrant dans la confection de nombreuses recettes de riz pilaf dit plov (Плов), que l’on garnit ici d’agneau, de volaille, de légumes ou encore d’abricots secs et de pistaches. Le porc – dans cette région à dominante musulmane – est quasi absent. On lui préfère le mouton, l’agneau, la volaille et bien sûr le cheval, consommé par les nomades des steppes depuis des siècles, qui sert à préparer le qazı (казы-карта), assortiment de découpes de viande de cheval bouillie. Malgré les hivers rudes, les étés chauds permettent la culture de nombreux légumes (carottes, concombres, navets, tomates, piments, oignons) ainsi qu’une grande diversité de fruits. On retrouve aussi de nombreux pains plats ou des chaussons salés, tels que les chebureki (Чебурек), fourrés de viande d’agneau et frits.

Enfin, la Sibérie et l’Extrême-Orient russe possèdent des spécialités mêlant à la fois des saveurs proches des cuisines d’Asie centrale et une foule de produits venant du Pacifique. Confectionnés à l’origine par des peuples nomades, les pelmeni (пельме́ни), des ravioles farcies de viande, sont l’un des plats les plus populaires en Russie. Autrefois, on profitait du glacial hiver sibérien pour congeler naturellement des pelmenis pour tout l’hiver. Autour du lac Baïkal, on pêche l’omoul, un poisson que l’on ne trouve que dans cette région et qui est très apprécié une fois salé et fumé. Certaines spécialités de la région peuvent nous paraître plus inhabituelles, comme la viande d’ours ou d’élan. Entre Vladivostok et la péninsule du Kamtchatka s’étend la côte Pacifique russe connue pour ses eaux très poissonneuses. On y pêche notamment le très renommé crabe royal, dont le prix peut dépasser les 200 €/kg. L’influence coréenne dans la région est forte et la Russie ne compte pas moins de 150 000 citoyens originaires de la péninsule de Corée, dont la plupart vivent dans cette région du pays. Ainsi la consommation d’algues dans les soupes ou de kimchi (chou coréen fermenté au piment) y est commune.

Les basiques de la cuisine russe

Si du fait de son étendue, la Russie est une nation multiculturelle, de nombreuses spécialités russes appréciées à travers tout le monde sont principalement originaires du centre-ouest du pays où vit la majorité de la population ethnique russe, région qui compte d’ailleurs les villes les plus visitées du pays comme Moscou et Saint-Pétersbourg.

Un repas en bonne et due forme en Russie commencera traditionnellement avec des zakouski (закуски). Ces hors-d’œuvre très variés comprennent entre autres viande froide, charcuterie, œufs mimosa, poisson salé ou fumé (du hareng, du saumon, de l’esturgeon, etc.), œufs de poisson (caviar ou œufs de saumon), des crustacés ainsi que différents types de salades à base de tomates, concombres, pommes de terre cuites ou encore de carottes. Les légumes et les champignons marinés sont très populaires, tout comme les cornichons malossol (малосольные) parfumés à l’aneth ou les tomates en saumure (солёные помидоры). Le tout est souvent servi sur des canapés de pain de mie ou des blinis (блины).

Parmi les entrées communes en Russie, on ne peut pas passer à côté de la salade Olivier (салат Оливье). Son nom lui vient de Lucien Olivier, chef belge du célèbre restaurant moscovite L’Ermitage, qui créa dans les années 1860 cette salade à base de pommes de terre, carottes, cornichons et petits pois agrémentés de mayonnaise. Attention, en Russie, si vous commandez de la vinegret (винегре́т), il ne s’agit pas d’un assaisonnement, mais bien d’une salade, à base de betteraves, pommes de terre et carottes. Le très coloré « hareng en fourrure » ou seledka pod chouboy (cельдь под шубой) est une entrée populaire composée de harengs recouvrant de nombreuses couches de légumes (pommes de terre, betteraves rouges, etc.), la betterave colorant en violet la mayonnaise qui nappe ce plat délicieux. Autre recette à base de poisson, le très simple hareng au miel dit seledka s modom (cеледка с мёдом) où le poisson marine quelques heures avec des oignons, du sel, du citron et un soupçon de miel. Réservé à des amateurs aguerris, le kholodets (холодец) est une préparation plus connue en France sous le nom d’aspic. Il est réalisé à base de viande cuite (porc ou volaille généralement) figée avec des petits légumes dans une quantité plutôt conséquente de gelée. Souvent les entrées sont accompagnées de pain. Deux sortes sont généralement proposées, le pain blanc au froment dit belyy khleb (белый хлеб) classique et le pain noir de seigle dit tchiorny khleb (чёрный хлеб) souvent un peu aigre et légèrement sucré à la fois.

Comme dans les autres pays d’Europe de l’Est, les soupes tiennent une place très importante. Fumantes en hiver et rafraîchissantes en été, elles sont une composante indispensable du repas et souvent le plat unique pour la majorité des Russes. La soupe au riz et aux pommes de terre ou les simples bouillons de poulet ou de bœuf, parfumés de légumes et d’herbes, sont servis avec des pirojki. La plus connue de toutes les soupes russes et sans doute le bortsch (Борщ). À l’ouest, on connaît principalement le bortsch rouge ou krasnyy borshch (красный борщ) à base de bouillon de bœuf, chou rouge et betteraves parfumées d’une foule d’herbes aromatiques. Mais il existe d’autres variétés comme le bortsch vert (shchavel, щавель), à base d’oseille, sans betterave. Une cuillère de crème aigre (smetana, cметана) avant la dégustation adoucit le bortsch et le rend plus onctueux. Il existe également un bortsch froid ou kholodnik (xолодник) contenant de la betterave précuite, du concombre, de l’aneth et du kéfir (lait fermenté). Parmi les autres soupes, on peut citer le chtchi (Щи) aigre, à base de choucroute, légumes et viande ou encore l’oukha (Уха), à base de poisson, légumes et pommes de terre et parfumée de laurier. Très proche, la solianka (Солянка) est une soupe épicée à la choucroute, contenant également de la tomate, des câpres et des olives. En été, essayez l’okrochka (Окрошка), une soupe froide à base de kéfir, légumes précuits, jambon ou viande cuite, le tout généreusement assaisonné d’aneth.

Pour le plat de résistance, qui n’est pas forcément un plat unique, les Russes aimant les tables abondamment garnies, il se compose souvent d’une viande rôtie ou grillée, de boulettes, de poisson ou de poulet garni. Ces plats sont accompagnés de riz, de pommes de terre à l’eau ou frites, parfois de sarrasin. Pour ne citer que quelques recettes, on pourrait commencer par le fameux bœuf Stroganov (бефстроганов) un ragoût de bœuf agrémenté de champignons dans une sauce à la crème aigre, à la moutarde et au paprika, faisant honneur à la prestigieuse famille Stroganov. Invention franco-russe, le veau Orloff (Мясо по-французски) est un rôti traditionnellement garni d’un mélange de champignons et d’oignons avant d’être nappé de béchamel et gratiné au four, bien que les versions modernes contiennent aussi du bacon et du fromage. Autre plat de viande aux influences sensiblement orientales, le chachlik (Шашлык) est originaire du Caucase et d’Asie centrale, mais il est devenu incontournable dans toute la Russie. Ces brochettes, traditionnellement d’agneau, mais également de porc, de bœuf ou de volaille, sont délicatement épicées. Enfin le très nourrissant poulet à la Kiev dit kotlety po kievski (Котлеты по-киевски) est une recette de blanc de poulet fourré de beurre aux herbes, puis pané et frit.

Côté légumes et féculents, on ne peut pas rater les fameux pelmeni (Пельмени) des sortes de gros raviolis cuits traditionnellement à la vapeur farcis de mouton, porc, bœuf, champignons ou pomme de terre. Ils sont toujours couronnés d’une noix de crème aigre juste avant d’être servis. Les pirojki (Пирожки) sont des beignets de pâte brisée, farcis généralement de viande. Le galoubtsy (Голубцы) n’est pas sans rappeler le dolma grec même si, en Russie, les feuilles de chou remplacent les traditionnelles feuilles de vigne, que l’on farcit d’un mélange de viande de bœuf hachée crue, d’oignons et de riz. Les petits paquets ainsi obtenus sont cuits à la vapeur ou au bain-marie, et se dégustent avec de la crème fraîche.

Desserts et boissons chaudes

Bien que la Russie ne possède pas une infinie variété de desserts, on retrouve quelques douceurs très savoureuses. On s’accommode souvent bien de quelques biscuits comme les prianiki (Пряники), de petits pains d’épices ronds fourrés à la confiture et recouverts d’un nappage en sucre. Ou encore les sushki (су́шки) de simples anneaux croquants au goût léger, que l’on sert pour le thé. Dans les confiseries, on retrouve aussi des zefir (зефи́р), de petites meringues moelleuses aux fruits rouges, parfois enrobées de chocolat. Sinon les Russes raffolent de crêpes et autres syrniki (сырники), de petits pancakes très épais au fromage blanc que l’on sert souvent avec de la crème aigre, de la confiture ou de la compote de pomme. À mi-chemin entre boisson et dessert, le kissel (кисель) est un jus de fruits rouge légèrement épaissi avec de la fécule de maïs que l’on sert soit en soupe froide, soit comme coulis avec des crêpes.

Il existe des gâteaux plus complexes comme le Napoleon (Наполеон) une sorte de mille-feuilles, ou le très léger ptichye moloko (птичье молоко) que l’on pourrait traduire par « lait d’oiseau », qui se compose d’une génoise recouverte d’une crème au lait meringuée, le tout nappé de chocolat noir. Le medovik (mедовик) est un gâteau multicouche créé pour l’impératrice Elizabeth Alexeievna au XIXe siècle, composé de couches de biscuit au miel et de crème fouettée. Enfin, le muraveinik (mуравейник) ou « gâteau fourmilière » est un dessert composé de brisures de biscuits agglomérées avec une crème au caramel, moulé en forme de cône. Gâteau des classes modestes, on le retrouve maintenant en pâtisserie.

Pâques est une période très importante pour les 60 millions de Russes orthodoxes. On y consomme deux desserts très populaires. Le paskha (пасха) est connu pour sa forme ressemblant généralement à une pyramide tronquée. C’est un entremets composé principalement de fromage fermier (tvorog), crème épaisse, beurre, parfumé à la vanille et généreusement garni de fruits confits et de raisins secs. Enfin, le koulitch (кули́ч) est une sorte de haute brioche cuite dans un moule cylindrique. On la parfume de rhum et de safran, avant d’y ajouter des fruits confits et des amandes. Une fois cuite, elle est couronnée d’un glaçage blanc.

Et pour déguster tous ces desserts, il y a une boisson chaude envers laquelle les Russes vouent un véritable culte. Le thé (Чай) a une place majeure dans la société russe et le pays est l’un des plus gros consommateurs au monde. Dès 1567, des dignitaires cosaques envoyés par la Russie sont les premiers à goûter du thé lors de leur mission en Chine. Au XVIIe siècle, des dirigeants mongols envoient au tsar du thé en grande quantité comme cadeau diplomatique, introduisant à la cour la fameuse boisson chaude qui devint dès lors une marchandise précieuse, transportée depuis la Chine à dos de chameau à travers la Sibérie et l’Asie centrale. Au XIXe siècle, le chemin de fer réduit la durée de ce trajet de presque un an à quelques semaines, rendant le thé plus accessible. Au début du XXe siècle, l’entreprise Wissotzky, fondée à Moscou, était le plus important négociant de thé au monde.

Le thé en Russie est traditionnellement préparé dans un samovar, une sorte de double bouilloire où le thé est longuement infusé dans une théière posée au-dessus d’une cuve chauffée où l’eau reste toujours à bonne température. Le thé étant très fort, on remplit sa tasse avec parcimonie et puis on y ajoute de l’eau chaude. Élément central d’un foyer russe, le samovar peut être très simple, mais certains sont de véritables chefs-d’œuvre d’artisanat, ornés de métaux précieux, de porcelaine, de nacre ou même de cristal. Le thé noir est communément consommé dans le pays, mais attention au terme « thé russe », car il a un double sens. En France, il désigne un thé noir parfumé à la bergamote, mais l’appellation a aussi une réalité géographique. En effet, dès le XIXe siècle, des botanistes russes essayent de cultiver des théiers dans l’Empire russe, notamment au bord de la mer Noire où le climat doux et humide convient bien à la plante. Et si aujourd’hui 90 % du thé consommé en Russie vient d’Inde ou du Sri Lanka, on peut acheter encore du véritable thé russe venant de cette région, dans des boutiques spécialisées comme la splendide maison de thé Perlov, à Moscou, avec sa décoration délirante ressemblant au croisement entre un palais baroque et un temple chinois.

Bien que la consommation de café augmente en Russie, elle est loin d’éclipser celle du thé et beaucoup de consommateurs se contentent généralement de café instantané.

Au royaume de la vodka

S’il y a un alcool que tout le monde associe à la Russie en un battement de cils, c’est bien la vodka (Водка). Les Russes en usent et en abusent, au point que l’un des premiers actes politiques de Gorbatchev, en 1985, pour remettre le pays au travail, avait été de promulguer des lois limitant la vente de vodka et autres alcools. Mais il n’y gagna qu’impopularité et dut très vite en venir à l’évidence que prohibition et Russie ne font pas bon ménage, bien que la consommation d’alcool ait diminué chez les jeunes générations. La vodka, faite à partir de blé ou de pomme de terre, est traditionnellement un alcool peu coûteux. Les plus raisonnables se contentent d’un ou deux verres par repas (des petites doses de 5 cl environ), mais quand la fête bat son plein, les toasts et les dégustations ne se comptent plus. Ce n’est pas un digestif ou un apéritif et elle est généralement bue tout au long du repas. La vodka fournit également l’un des cocktails favoris des Russes : on y met des fruits à macérer (cassis, citron, etc.) qui donnent un goût parfumé au breuvage. La vodka de Vladimir, fabriquée sous la marque Prince d’Argent, est délicatement parfumée et très agréable. La Stolitchnaïa et la Moskovskaïa sont en principe les plus pures, encore qu’il faille être bien sûr de leur provenance. Le must reste la Beluga, produite dans la ville de Mariinsk, au cœur de la Sibérie.

La bière (Пиво), si elle ne détrône pas la vodka, notamment à table, est très répandue et la Russie est le quatrième plus gros consommateur de bière au monde. Les plus grosses brasseries du pays sont Tinkoff et Baltika, et les Russes préfèrent souvent les bières blondes même s’il existe quelques brunes ou blanches de bonne qualité. Le vin (Вино) est de plus en plus consommé en Russie, surtout dans les lieux branchés. Bien que l’immense majorité de l’immense territoire russe ne convienne pas à la culture de la vigne, le sud-ouest du pays aux abords de la mer Noire et de la Caspienne offre un climat convenable à la viticulture. Ainsi, les vins de Géorgie (Khvanchkara – хваншкара –, et Kinzmaraouli – кинзмараули –, les préférés de Joseph Staline) sont les plus populaires en Russie. Toutes proportions gardées, le vin reste assez cher en Russie et des vins trop bon marché, possiblement frelatés, risquent de vous laisser un mauvais souvenir au réveil. Bien que durant l’ère soviétique les vins de mauvaise qualité directement fournis aux coopératives par camion-citerne, étaient légion, il y a eu depuis quelques améliorations significatives avec les vignobles d’Abrau-Dourso et du Château Tamagne, au bord de la mer Noire. Enfin pour les grandes occasions, la Russie a son champagne « soviétique » (Sovetskoïe champanskoïe, Советское Шампанское), une sorte de mousseux dont le prix peu élevé explique en partie sa popularité. Servi pour les grandes occasions (anniversaires, fêtes, etc.), il est tout à fait acceptable et sa version douce accompagne très bien les pâtisseries.

Parmi les boissons peu ou non alcoolisées, on peut citer le kvas (квас) issu de la fermentation du pain de seigle, donnant une boisson fraîche très légère à moins de 2 % d’alcool que l’on parfume souvent avec des fruits et de la menthe en été. Le mors (морс) est une préparation à base de jus de canneberges et agrémenté de jus de citron. Malgré son nom, le kompot (компот) est le nom donné à l’eau de cuisson de fruits (pomme, fraises, pêche, etc.) que l’on sert bien fraîche, même s’il désigne aussi les fruits simplement cuits. Le medovukha (медовуха) est issu de la fermentation du miel. Bien que généralement titrant à environ 5 %, il peut monter jusqu’à 15 %. Enfin, le ryazhenka (ряженка) et le varenets (варенец) sont deux boissons à base de lait fermenté, très populaires en Russie.