Art rupestre au site de Twyfelfontrin © Znamenskiy - Shutterstock.Com.jpg
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Art rupestre

Dans ce pays semi-désertique, les massifs rocheux abritent de fortes concentrations de représentations pariétales. L’art rupestre namibien offre un précieux aperçu de l’histoire d’une société traditionnelle à travers des formes d’expression magiques. En pleine nature, le massif de Brandberg et la vallée de Twyfelfontein apparaissent comme de véritables galeries d’art des temps anciens. Des reproductions de ces œuvres sont visibles au musée national de Namibie à Windhoek. Il expose en particulier une copie de la célèbre Dame blanche de Brandberg, une merveille de l’art rupestre tracée dans le granit rose. Site volcanique estimé à 140 millions d’années, son nom signifie « montagne de feu ». Depuis 1970, les archéologues ont recensé plusieurs milliers de représentations, en majorité humaines. Les œuvres sont attribuées aux peuples nomades, ancêtres des Bushmen ou San. Ainsi, ces témoignages picturaux nous renvoient aux premiers habitants de l’Afrique australe. Pour cette raison, des espèces animales disparues comme le quagga, un aïeul du zèbre, se mêlent aux antilopes, rhinocéros et gazelles. La précision du dessin, autant dans l’assurance du contour, dans le mouvement que l’habilité des détails sont remarquables. Le site le plus renommé de Namibie, et même du continent africain, est sans doute Twyfelfontein ou « fontaine hésitante ». Il renferme l’une des plus grandes concentrations d’art rupestre au cœur de ses massifs ancestraux. Mais parmi ces dessins gravés sur la pierre par les Bushmen, on compte ici un faible pourcentage de figures humaines (10 %) de même qu’une abondance de figures géométriques. Par ces motifs, on voit notamment la pluie s’abattre sur une girafe car les hommes des buissons attribuaient ce pouvoir à l’animal au long cou.
L’interprétation de l’art rupestre namibien fait l’objet de nombreuses hypothèses. Les créatures hybrides sont généralement comprises comme des chamanes se parant de leurs pouvoirs dans le monde des esprits. Ces devins guérisseurs seraient d’ailleurs les premiers artistes à avoir gravé et peint les parois rocheuses. Durant les rites magiques exécutés par les San, les chasseurs avaient recours aux scarifications pour s’assurer une chasse fructueuse. La Dame blanche serait en réalité un chasseur au corps peint en blanc, armé d’un arc et de flèches.

Premier musée

La colonisation allemande a été aussi courte que déterminante. Elle est marquée par la disparition presque totale du peuple des Herero, l’un des fondateurs de la culture namibienne. Nombre de colons restèrent en Namibie quand la domination s’acheva en 1915. De nos jours, on estime que 25 000 Namibiens sont d’origine allemande.
La première collection de l’histoire de la Namibie est née d’un projet local porté par des Allemands. Ils ont l’idée de lancer un appel dans les journaux dans le but de sauvegarder des artefacts d’un envoi vers l’Europe. Le gouverneur Leutwein charge alors un responsable de trouver un lieu approprié et alloue un budget aux acquisitions. Le Landesmuseum, inauguré en 1907 à Windhoek, devient le premier musée namibien. Le concept de lieu d’exposition est donc importé. Dans un second temps, l’Afrique du Sud reprend la direction de la collection et fonde le State Museum of Namibia. Dans une nation naissante, le musée devenu national doit apprendre à s’approprier son patrimoine et ses collections sont organisées par les colons. Dans ces salles, outre les superbes reproductions d’art rupestre, on peut accorder un moment à l’exposition permanente sur l’indépendance du pays qui montre notamment des photographies d’époque. À l’extérieur du musée, une surprenante collection de locomotives et de wagons apportera une touche d’originalité à la visite.

Art du paysage

Au début du XXe siècle, quelques peintres européens découvrent avec émerveillement la Namibie. Ils entreprennent de peindre la beauté naturelle du pays, sa variété et ses vastes espaces avec réalisme et parfois une note de romantisme. L’art du paysage devient alors un réel courant artistique qui domine le pays jusque dans les années 1960. Anita Steyn, née en 1955, est l’une des paysagistes les plus célèbres de Namibie. Formée en Afrique du Sud, elle peint une nature agitée, torturée, très éloignée des premiers paysages bucoliques.
Entretemps, en 1947, est fondée la Swakopmunder Arts Association, la première association artistique namibienne. Ses membres bénévoles continuent d’œuvrer à la promotion de l’art vivant. Musique, théâtre, littérature et beaux-arts ont leur place au sein de l’espace de la Swakopmunder. La collection se développe peu à peu, avec beaucoup de discernement.
Dans les années 1970, quelques artistes namibiens se démarquent en se tournant vers une forme d’abstraction.
On peut distinguer les artistes nés avant et après l’indépendance. Certains, comme Margaret Courtney-Clarke et Nicola Brandt, documentent le passé. Elles immortalisent les traditions qui ont fondé l’identité namibienne. L’art du paysage est porté par Barbara Böhlke et Nicky Marais, tandis que la spiritualité est le domaine privilégié de Ndasuunje Papa Shikongeni et de Lukas Amakali. Désormais, on voit émerger de nouvelles thématiques. La surconsommation préoccupe Fillipus Sheehama et Ismael Shivute, tandis que les inégalités sociales sont dénoncées par les artistes Elvis Garoeb et Ilovu Homateni.

Quelques artistes namibiens

Blythe Loutit, née en Afrique du Sud en 1940, est une artiste namibienne connue par ses actions de protection de la faune et de la flore. Fondatrice de l’organisation pour la défense des rhinocéros (SRT), elle réalise des illustrations pour des ouvrages botaniques qui font sa renommée.
John Muanfagejo (1943-1987) est reconnu comme le premier représentant international de l’art namibien. Ses talents du graveur font de lui un modèle pour les générations à venir.
Paul Kiddo, né en 1949 en Namibie, est un artiste autodidacte. Peintre en bâtiment, il a un jour l’idée d’utiliser des restes de peinture pour tracer des motifs paysagers sur des cailloux. Encouragé par les passants qui remarquent ses œuvres devant son domicile, il s’installe dans la capitale pour faire carrière. Il doit attendre 1992 pour organiser sa première exposition personnelle. Après cela, les expositions s’enchaîneront, faisant de lui l’un des artistes les plus populaires de Namibie. Ses peintures à l’huile reproduisent des scènes quotidiennes dans un style assez naïf. Villageois, animaux sauvages et églises sont souvent dominés par un vaste ciel bleu.
Joseph Madisia, né en 1954, est considéré comme le parrain de l’art namibien et l’un des premiers à accéder à une réputation internationale. Ses gravures et ses sculptures inspirent la jeune génération représentée par Dingalo Shinyama, Hage Nasheotwalwa et Julia Hango. Toute sa vie, il s’investit dans la transmission de ses techniques et la diffusion de l’art namibien.
Barbara Böhlke, née en 1958, vit dans la capitale où elle enseigne les arts plastiques. Elle commence par étudier l’orfèvrerie en Allemagne avant de se réorienter vers la peinture à l’huile. Sa première exposition a lieu en 1994 et quatre ans plus tard, elle ouvre son école d’art. Elle interprète les coups de pinceau qu’elle donne sur la toile comme des vecteurs d’énergie directement reliés à son intériorité. Une matière colorée très dense occupe ses toiles les plus abstraites. Plus récemment, elle s’est tournée vers les pigments naturels. Elle participe à des expositions collectives en Namibie, mais aussi en Zambie, en Afrique du Sud, en France ou encore en Italie.
Née en Afrique du Sud en 1962, Nicky Marais est désormais une artiste namibienne de premier plan. Peintre, enseignante et militante, elle fonde en 2006 le VAN (Visual Artists Namibia) destiné à défendre la culture de sa terre d’adoption. Tout d’abord peintre abstraite, elle puise ensuite son inspiration dans l’art pariétal du désert et l’histoire du pays. Depuis peu, elle introduit des symboles à l’aide de pochoirs et de collages combinés à des supports plus traditionnels.
Ndasuunje Shikongeni, dit « Papa », est né en 1971 à Windhoek. L’artiste qui a débuté comme peintre de rue a désormais de nombreuses cordes à son arc : musicien, danseur, conteur, militant, enseignant, il est aussi peintre et sculpteur. À ce titre, il fait connaître le travail du papier mâché en Namibie.  Dans tous ses domaines d’activité, il évoque l’histoire de la Namibie, ses rites, mais aussi ses souffrances qu’il expose dans le monde entier.

Photographie namibienne

Dans le domaine de la photographie, trois noms sont à retenir.
La pionnière, Margaret Courtney-Clarke, naît à Swakopmund en 1949. Le thème majeur de cette photographe est l'art des femmes africaines et les traditions en voie de disparition. Dans ses recueils, elle immortalise les créations réalisées par les Namibiennes en peintures murales, art des perles et vannerie.
Lukas Amakali, né en 1976, est également peintre et poète. Récompensé à de nombreuses reprises, il conçoit son talent comme un don du ciel. La spiritualité détermine toute son approche artistique, raison pour laquelle il se qualifie de photographe abstrait. Ses plans superposés en transparence confèrent une impression fantomatique à ses clichés.  
La jeune génération est menée par Nicola Brandt. Née en 1983, la photographe est également peintre et vidéaste. Elle interroge le passé colonial de son pays et documente la mutation des paysages naturels.

De nos jours

Depuis 2017, la Start Art Gallery d’Helen Harris et de Gina Figueira combine activités en ligne et présence physique pour promouvoir les artistes namibiens à l’étranger.
Il faut savoir que le Street Art est prohibé en Namibie. Des pratiques novatrices ont la faveur des artistes locaux, comme l’art de la récupération et du détournement d’objets, représenté par Fillipus Sheehama. La finesse de son travail sur papier recyclé ne peut que laisser admiratif. La diversité des démarches artistiques reflète l’énergie qui secoue la scène culturelle namibienne.