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Musée Zeitz Mocaa © marisa - stock.adobe.com.jpg

Présence néerlandaise

Le fort de Bonne-Espérance au Cap est le plus ancien témoin de la colonisation néerlandaise. Cette forteresse pentagonale entièrement revêtue de jaune – une couleur qui n’absorbe pas la chaleur – a été construite en lieu et place de celle édifiée par Jan van Riebeeck et qui n’était alors faite que d’argile et de bois. Ne manquez pas le « Kat Balcony », le perron surmonté d’une marquise imaginé par le Français Louis Michel Thibault, à qui l’on doit également de nombreux édifices publics comme la Loge maçonnique du Cap ou bien encore des drostdy (résidence pour la représentation du gouverneur), dont celui de Graaf-Reinet. C’est également à lui que l’on doit la rénovation du domaine de Groot Constantia dans le plus pur style Cape Dutch. Les demeures de ce style sont généralement de longues structures horizontales possédant un ou deux étages, de grands pignons arrondis et souvent ornés, des murs blanchis à la chaux, une toiture de chaume, de grandes fenêtres à guillotines et petits carreaux, des volets en bois et des décors de couleur verte. Les plus beaux exemples de ce style sont à voir à Stellenbosch, notamment au Village Museum qui regroupe un très bel ensemble de maisons allant du XVIIe au XIXe siècle. Les Afrikaners ont, eux, créé de toute pièce de nombreuses villes, usant de formes urbanistiques bien particulières. Inspirées des anciens laager, les camps des premiers colons néerlandais formés des charriots disposés en cercle pour se protéger des tribus hostiles, ces villes sont repliées sur elles-mêmes, se déployant selon un tracé parfaitement géométrique, lui-même élaboré autour de l’élément phare de la ville : l’église. Les édifices de l’Église réformée hollandaise sont le plus souvent d’un blanc immaculé avec un puissant clocher imposant sa verticalité aux demeures, elles, souvent de plain-pied. La plupart de ces villes-champignons sont à découvrir dans le désert du Karoo et dans le Transvaal. À Beaufort West, le musée des Voortrekkers s’est même installé dans l’ancienne église réformée de la ville. C’est également durant la « période hollandaise » que les premiers Malais arrivent en Afrique du Sud. Leur présence a laissé un patrimoine unique. Au Cap, les superbes kramat, ou tombeaux des premiers missionnaires musulmans, forment comme un arc de protection autour de la ville. Carré blanc surmonté d’un dôme vert au pied de la montagne, le tombeau de Shah al-Qadri ne passe pas inaperçu. On retrouve cette savante utilisation des couleurs au cœur du Cap, dans le quartier de Bo-Kaap. Ruelles pavées, mosquées et petites maisons basses construites autour d’un patio témoignent de la richesse du patrimoine musulman, mais ce que l’on remarque surtout, ce sont les couleurs vives qui recouvrent les maisons : durant l’apartheid, les descendants des esclaves malais ont repeint leurs maisons en signe d’opposition au régime – ou la couleur comme arme de résistance.

Influence anglaise

La présence anglaise a laissé un patrimoine au style éclectique inspiré de la mode victorienne. La plupart de ces édifices étaient réalisés et préassemblés en Angleterre avant d’être transportés par bateaux jusqu’en Afrique du Sud. Mêlant les styles néo, le néogothique en tête, l’architecture victorienne fait grand usage de la brique, de nombreuses briqueteries finirent d’ailleurs par être construites directement sur place. Fonctionnelle, cette architecture n’en reste pas moins grandiloquente… les Anglais veulent impressionner. L’hôtel de ville de Durban est ainsi une recréation de celui de Belfast avec ses tours d’angle, sa grande cour fermée et surtout son grand dôme. Le Rand Club, club des gentlemen de Johannesburg, épouse, lui, un mélange détonnant de styles, entre néobaroque édouardien et Renaissance italienne. Le grand architecte de l’époque est Herbert Baker qui réalisa les Union Buildings de Pretoria. Le dôme central de ces monumentaux édifices de grès domine toute la ville. C’est également à Baker que l’on doit un autre édifice célèbre : la cathédrale Saint-Georges du Cap, très bel exemple de néogothique. La présence anglaise est aussi indissociable du développement de l’industrie minière. Parc d’attractions et musée de la mine, le Gold Reef City de Johannesburg permet de visiter un campement minier et surtout de descendre à 226 m sous terre pour comprendre comment étaient bâties les fameuses mines d’or. C’est d’ailleurs cet or qui a entraîné la croissance quasi effrénée de Johannesburg et de son satellite : le township de Soweto. Symboles vivaces de l’apartheid, les townships bordent toutes les grandes villes du pays et sont devenus à leur tour des villes à part entière. On les reconnaît à leur match-box cottages, ces maisons en forme de boîte d’allumette avec, à l’avant, une petite cour clôturée. La tôle et les matériaux de fortune dominent, pourtant certaines maisons traduisent un niveau de vie plus élevé. Présence d’arbres, éléments décoratifs en façade se retrouvent dans les maisons de « Beverly Hills », le quartier « chic » de Soweto. Le township possède également un hôpital et une université. La présence anglaise est aussi indissociable des mains-d’œuvre « importées » et qui ont apporté avec elles des traditions et un patrimoine qui donnent au pays sont superbe métissage. Ne manquez pas le quartier indien de Durban et ses temples hindous, dont l’un des plus célèbres est le temple de la Compréhension avec sa salle de prière en or et marbre de Carrare et ses tours fuselées, qui donneraient presque l’impression de répondre aux minarets surplombés de dômes dorés de la mosquée Juma de l’autre côté de la ville.

Habitat autochtone

Le pays dévoile une autre facette de son identité dans des zones plus reculées abritant les peuples autochtones et leur riche patrimoine. Le peuple des Xhosa est ainsi connu pour ses huttes aux couleurs vibrantes et aux portes richement sculptées. Souvent rondes, elles sont faites de bâtons et de boues et sont surmontées d’une toiture en chaume, même si aujourd’hui la tôle est de plus en plus employée. Les huttes des Nama sont, elles, d’étonnantes réalisations de nattes de roseaux disposées sur un squelette en bois. L’usage du roseau n’est pas anodin, ses propriétés permettent une absorption de l’eau de pluie et donc une protection de la maison. Les Zoulous, quant à eux, sont célèbres pour leurs huttes circulaires dont la forme rappelle celle d’une ruche. Surmontées d’un toit de chaume, ces huttes consistent, elles aussi, en une structure de bois couverte d’un assemblage de roseaux et d’herbes tressés, un puissant tronc d’arbre faisant office de pilier central. La particularité de ces huttes est leur sol. Composé d’un mélange de terre et de fumier durcis, le sol est poli de façon à avoir une surface quasi miroitante. Les couleurs et les formes de l’habitat ndebele ont, elles, inspirées des artistes du monde entier. Les hommes se chargent de la construction : charpente de bois, toiture de chaume et murs d’argile et de boue. La maison est le plus souvent rectangulaire avec une cour en façade et un mur d’enceinte protecteur. Une pièce extérieure, sorte de petit pavillon, est réservée à la cuisine et au lavage. Les femmes se chargent de la décoration, c’est-à-dire de l’identité de la maison. Avant les années 1960, les femmes travaillaient essentiellement avec des pigments naturels, d’où des couleurs plutôt ocrées. Avec la découverte des peintures acryliques et vinyles, les maisons se sont parées de couleurs éclatantes. Au départ, seuls les motifs géométriques étaient privilégiés, puis progressivement les femmes ont incorporé des éléments figuratifs, un savoir-faire qui se transmet de mère en fille depuis des générations. Les villages de Mapoch et de Mpumalanga dans le KwaZulu-Natal possèdent de superbes exemples de cette architecture unique au monde.

De la modernité à l’avenir

Le pays s’est aussi fait terre de modernité et conserve de nombreux exemples d’Art déco aux couleurs audacieuses, aux formes géométriques étonnantes et surtout à la très grande richesse ornementale. Le plus célèbre des représentants de ce style est le Mutual Building du Cap. Prouesse architecturale de 96 m de haut composée d’une structure en béton revêtue d’une couche de granit, le bâtiment impressionne par sa richesse décorative. Ne manquez pas les hautes colonnes en marbre de la salle bancaire et les fresques de la salle de l’assemblée qui retracent l’histoire du pays. Dans les années 1970, c’est Johannesburg qui devient terre d’innovation en se dotant de quelques-unes des plus célèbres tours du pays : la De Beers Tower taillée comme un diamant à 58 facettes, les Marble Towers toutes de béton et de marbre, les Ponte City Apartments, à l’étonnante structure cylindrique ouverte en son centre créant un puits de lumière, et surtout le Carlton Centre, réalisation de la célèbre agence SOM et qui, du haut de ses 223 m, est le plus haut building d’Afrique. Les années 2000 ont également été une décennie d’effervescence architecturale, le pays se préparant à la tenue de la Coupe du monde de football en 2010. Outre de grands plans de rénovations, les villes se sont dotées de stades à l’architecture étonnante. Parmi les plus célèbres, notons le stade Moses Mabhida de Durban surplombé d’une arche de 105 m de haut et 350 m de long, le FNB Stadium de Johannesburg avec sa façade inspirée d’une calebasse africaine avec ses dalles de couleurs et de textures variées ponctuées de panneaux vitrées, et bien sûr le Cape Town Stadium, l’un des plus verts au monde. Mais la création contemporaine ne se limite pas qu’aux stades, bien au contraire. Parmi les plus belles réalisations contemporaines, ne manquez pas la chapelle du domaine de Bosjes avec sa forme ondulante, l’Everard Read Gallery à Johannesburg, étonnante structure en spirale qui semble léviter, et surtout le magnifique musée Zeitz Mocaa du Cap. Symbole du renouveau du Victoria & Albert Waterfront, le musée s’est installé dans un ancien silo à grains tout en béton dont il a conservé l’étonnante structure alvéolaire et tubulaire créant près de 80 galeries sur 9 niveaux. Une prouesse architecturale symbole de la vitalité créatrice du pays, vitalité que l’on retrouve dans les nombreuses initiatives d’architecture durable. Les éco-lodges, dont le très beau Lembombo Lodge, sont les formes les plus évidentes de cette architecture « verte » avec l’emploi qui est fait de matériaux naturels. Mais l’architecture durable peut aussi prendre des formes plus insolites, comme celles de containers. Dans les zones rurales, ces tiny houses d’un nouveau genre permettent de s’affranchir des contraintes du terrain et donc d’éviter de coûteuses fondations, tandis que dans les villes, elles permettent de proposer rapidement des logements accessibles à une population qui ne cesse de croître, tout cela en recyclant des containers de marchandises. L’Afrique du Sud n’a pas fini de nous surprendre !