Le cinéaste Alejandro Gonzalez Inarritu ©  Matteo Chinellato - Shutterstock.com.jpg
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Une production marquée par la propagande

Le cinéma se développe sous la présidence de Porfirio Díaz, dictateur qui voit dans l’invention des frères Lumière un nouvel outil de propagande. Il orchestre donc sa mise en scène par les opérateurs français. La révolution mexicaine qui éclate en 1914 va encourager les cinéastes internationaux à s’intéresser aux forces d’opposition. Ainsi, Pancho Villa signe un contrat avec une société américaine afin que ses opérateurs puissent filmer ses affrontements depuis le meilleur poste. Il autorise des reconstitutions, ayant compris que ces mises en scène faisaient de lui le premier héros du cinéma mexicain. Son pari est réussi : l’image du cavalier moustachu au sombrero a circulé partout dans le monde.
Sergueï Eisenstein (Le Cuirassé Potemkine) se rend au Mexique dans les années 1930. Il y prépare un long métrage sur la révolution mexicaine, et les groupes de travailleuses zapatistes : Que Viva Mexico. Mais le film est détourné du souhait du réalisateur… La révolution est déjà loin, et son souvenir n’est pas bien vu dans les sphères de pouvoir. Cet héritage attire aussi des réalisateurs américains engagés, à l’image d’Elia Kazan qui réalise Viva Zapata en 1952. Le célèbre révolutionnaire est incarné par Marlon Brando, et le scénario est signé John Steinbeck.

De l’âge d’or à l’ère des « charros »

Des années 1930 à la fin des années 1950, le cinéma Mexicain connaît son âge d’or. Les films de Luis Buñuel, les contes poétiques d’Emilio Fernández, mais aussi les comédies des stars Tin-Tan et Cantinflas comme les drames quotidiens avaient une profondeur et une qualité qui n’ont plus leur équivalent aujourd’hui.

Luis Buñuel, né en Espagne, est naturalisé mexicain en 1951. Le réalisateur a traversé l’histoire du cinéma, de sa période surréaliste aux côtés de Dali, à la fin des années 1920, jusqu’à ses dernières comédies absurdes tournées en France au cours des années 1970. L’œuvre emblématique de sa période mexicaine est Los Olvidados (1950).

Cet âge d’or est malheureusement suivi d’une période de films « charros », ainsi baptisés du nom des pâtisseries insipides, produites à la chaîne. De rares grands films voient cependant le jour : Buñuel signe notamment son dernier film au Mexique avec L’Ange exterminateur (1962), et Alejandro Jodorowsky y réalise son chef-d'œuvre, La Montagne sacrée (1973). Un autre réalisateur mexicain se démarque, Paul Leduc. Après des études à Paris, il rentre en 1967 au Mexique et fonde le groupe Ciné 70. Il réalise son premier long-métrage John Reed Mexico Insurgente, tourné avec peu de moyens et à la manière d’un véritable documentaire. En 1976, son deuxième long métrage Etnocidio, notas sobre el mezquital ouvre les yeux sur la situation déplorable des paysans indigènes au Mexique.

Des œuvres politiques

Le contexte géopolitique du Mexique, et notamment sa frontière avec les États-Unis, est un sujet de prédilection pour le cinéma des dernières décennies. Rêves d’or (2013), de Diego Quemada-Díez, nous plonge dans le périple des migrants centraméricains à travers le pays. La frontière est aussi le sujet de certains films étrangers réalisés en coproduction avec le Mexique, à l’image de No Country for Old Men (2007) des frères Cohen.
La série Netflix Narcos Mexico (diffusée depuis 2018) met l’accent sur le Mexique comme porte d’entrée des États-Unis pour les narco-trafiquants. Diego Luna incarne Felix Gallardo, l’homme qui unifia le cartel de Guadalajara.

Cinéaste engagée, María Novaro participe, de 1979 à 1981, au collectif Cinéma Féminin. Elle réalise plusieurs courts-métrages, dont Una Isla Rodeada de Agua, en 1985. El Jardin del Eden (1994) traite du thème de l’immigration clandestine. Tesoros (2017), tourné dans un village du Guerrero et destiné au jeune public, a été projeté en avant-première à la Berlinale. 
Enfin, la réalisatrice mexico-salvadorienne Tatiana Huezo, dans son long métrage Noche de Fuego (2021), dépeint la réalité des guerres entre forces armées et trafiquants de drogue, et toute la violence que ces activités impliquent.

Les stars du cinéma contemporain

Le cinéma mexicain connaît un certain renouveau au début des années 1990. Jaime Humberto Hermosillo défraie la chronique avec La Tarea (1991) qui obtient un succès fou. Le réalisateur s’attaque à l’hypocrisie des classes moyennes mexicaines. L’actrice et femme politique Maria Rojo a le premier rôle. Mais c’est à partir de la fin des années 1990 que nombre de très bons films sont produits, et un trio de réalisateurs se démarque alors nettement. Alejandro González Iñárritu, Alfonso Cuarón et Guillermo del Toro qui ont tous réussi à s’exporter à l’international et à maintenir un cinéma d’auteur dans le circuit mainstream.

Iñárritu met d’abord en scène des films polyphoniques : on y suit le parcours de plusieurs personnages, qui se croisent autour d’un événement : un accident de voiture dans Amours chiennes (2000), une balle perdue dans Babel (2006). Ses autres succès sont 21 grammes (2003), Biutiful (2010) puis The Revenant (2015) et Bardo (2022). Amours chiennes lance à l’étranger la carrière du comédien mexicain Gael Garcia Bernal.

Alfonso Cuarón gagne sa renommée avec Y tu mama tambien (2001), qui remporte le prix du scénario à la Mostra de Venise. Son premier film hollywoodien, Les Fils de l’homme, présente un récit d’anticipation dans une humanité en guerre et devenue stérile. Il réalise ensuite Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban (2004), où il développe un goût prononcé pour les mélanges de mouvements de caméra mécaniques et virtuels, qui atteint son apogée avec Gravity (2013). Il signe son retour au Mexique sur Netflix en 2018 avec Roma, un film qui suit la vie d’une famille de la classe moyenne dans le Mexico des années 1970.

Guillermo del Toro s’est illustré à la fois avec des blockbusters, comme Blade 2 (2002), Pacific Rim (2013), qu’avec des films fantastiques d’auteurs, à l’image du Labyrinthe de Pan (2006) ou encore plus récemment La Forme de l’eau (2017, Lion d’Or à Venise). Son premier long-métrage, le film fantastique Cronos, remporte le prix de la critique au festival de Cannes en 1993. Il signe aussi la série fantastique The Strain, diffusée sur FX depuis 2014.

Enfin, évoquons Carlos Reygadas, dont le film Post Tenebras Lux a suscité la controverse lors du Festival de Cannes en 2012, tout en remportant le prestigieux prix de la mise en scène. Ce réalisateur a la particularité de travailler régulièrement avec des acteurs non-professionnels. Son dernier long-métrage Nuestro Tiempo est sorti fin 2018.