L’ex-président Danilo Medina en 2014 © LVALIN - SHUTTERSTOCK.COM .jpg
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Nouveau président, même défis

La volonté du gouvernement de l'ex-président Danilo Medina était de faire passer d’importantes réformes structurelles depuis longtemps identifiées, et dont la mise en œuvre sans cesse retardée n'était devenue que trop urgente. Bien que Medina ait réussi à fournir une stabilité économique au pays et même une croissance sans précédent (en moyenne 6 % par an entre 2014 et 2019, une croissance dont les classes les plus défavorisées n'ont pas vraiment profité), l’économie est encore trop concentrée autour de quelques secteurs (tourisme, zones franches et ferronickel) et très dépendante des États-Unis ainsi que des importations d’hydrocarbures. De plus, la croissance dominicaine est à prendre avec des pincettes : elle demeure vulnérable en ce sens que l’accroissement de la demande repose moins sur des gains réels de productivité que sur de l’endettement et une baisse de l’épargne. Les défis qui attendaient le nouveau président Luis Abinader – candidat de l'opposition qui mit fin à l'été 2020 à seize ans de règne ininterrompu du Parti de la libération dominicaine (PLD) – sont nombreux.

Les recettes fiscales de l'Etat pour commencer qui restent faibles en comparaison des pays développés. Les activités des zones franches sont dans le viseur d'Abinader : après des années de baisse, ces zones franches occupent une place majeure dans l’économie dominicaine (un peu moins de 60 % des exportations et 1er employeur avec 10 % de la population active). Debut juillet, l'ouverture de deux nouvelles zones franches était annoncée : l'une à Espaillat, l'autre à La Isabela. Ces deux parcs devraient permettre de créer plus de 2 700 emplois et d'apporter plusieurs millions de dollars par an au pays.

Autre chantier : le redressement du secteur électrique, qui souffre d’un grave déséquilibre financier à cause des contraintes de la distribution, du coût important d'entretien et de modernisation des réseaux, et du difficile recouvrement des factures (un tiers de l’électricité – très chère – serait détournée). Le secteur électrique continue d’être un important frein à la rationalisation des dépenses publiques.

La lutte contre la corruption et la surveillance du système bancaire local enfin, échaudé après le scandale de la faillite de Baninter, est un autre sujet sensible auquel le nouveau président a dû se confronter. Selon un rapport en 2020 de Transparency International, la République dominicaine se classe 137e sur 180 en termes de corruption. Mais en octobre 2021, le nom du président apparait dans le scandale des Pandora Papers : l'homme est soupçonné d'évasion fiscale...

Les partenaires économiques de la République dominicaine

L’économie, en 2023, reste très dépendante des États-Unis (54 % des exportations et plus de 50 % des importations) : c'est le partenaire commercial principal de la République dominicaine, et chaque année un peu plus. L’économie dominicaine est donc largement tributaire de la santé du marché américain. Viennent ensuite la Chine, fait nouveau, le Mexique, le Canada et le Brésil, ainsi que les autres pays d’Amérique latine, notamment le Venezuela. L’Europe, en particulier la Suisse, l’Espagne et la France, effectue aussi quelques échanges avec la République dominicaine. Base arrière pour la reconstruction d’Haïti qui dope la croissance économique, le voisin frontalier est parmi les premiers clients de la République dominicaine.

Les investissements étrangers ont vécu une forte croissance des années 1990 à 2001, avec plus de 1 200 millions de dollars cette même année. Les capitaux ont, à la suite de la récession économique de 2003, massivement fui l’île, aggravant la situation financière déjà critique. L’accord de libre-échange entre la République dominicaine et les pays de l’Amérique centrale (CAFTA-DR), mis en place en mars 2007, a boosté les investissements directs étrangers et les exportations, et a permis une meilleure intégration régionale du pays et la baisse du prix de plusieurs milliers de produits dont les droits de douanes ont été réduits de 20 % (produits alimentaires de grande consommation). Le pays est aujourd'hui le principal moteur de l'investissement direct étranger reçu par les pays de la zone caraïbe. Les principaux secteurs concernés sont l'extraction de matières premières, l'industrie et le tourisme.

Des relations difficiles avec le voisin Haïti

Membre de l’Association des États de la Caraïbe (AEC), la République dominicaine a également établi à partir de 1998 des relations diplomatiques avec Cuba. Décidée à élargir son réseau diplomatique, elle ouvre de nouvelles ambassades en Inde, en Egypte, au Qatar, en Russie ou encore en Afrique du Sud. Si les États-Unis restent le premier partenaire, la République dominicaine cherche désormais à jouer un rôle dans la région. Elle organise depuis plusieurs années de nombreux sommets internationaux.

Malgré les relations houleuses avec Haïti résultant de la pression migratoire notamment, les trafics de drogue, les heurts entre commerçants et autorités dans la zone frontière, elle a fait preuve de solidarité lors du séisme qui a frappé sa voisine en janvier 2010. Malheureusement la situation s'est depuis gravement détériorée notamment après que la justice dominicaine a déclaré fin 2013 que les descendants d'immigrés perdaient leur nationalité dominicaine, privant de papiers des dizaines de milliers d'enfants et petits-enfants d'Haïtiens partis travailler dans les exploitations agricoles locales au cours du XXe siècle. Suite aux réactions houleuses générées par cette loi, en mai 2014, le congrès a adopté une nouvelle loi pour rétablir le droit du sol aux enfants nés dans le pays sans papiers et enregistrés à l’Etat civil dominicain. Mais Amnesty International estime que très peu de personnes ont bénéficié de cette loi (9 000 personnes environ) du fait qu'il est très difficile pour beaucoup d'obtenir des actes de naissance officiels (que ce soit du côté dominicain ou haïtien). Depuis 2015, de très nombreux Haïtiens ont été déportés vers leur pays d'origine et plus de 70 000 auraient quitté le pays de manière volontaire par peur du climat délétère qui règne à leur encontre (manifestations, lynchages, etc.).

En 2016 l'ex-président Danilo Medina réaffirme sa volonté de continuer la même politique de régulation stricte de l'immigration. Il a ainsi déclaré à l'ONU qu'aucun pays étranger ne pourrait influencer les lois migratoires de la République dominicaine. En 2022, le nouveau président dominicain Luis Abinader va encore plus loin en lançant la construction d'une barrière tout le long de la frontière dominicano-haïtenne : 160 km de mur posant de très nombreux problèmes. En septembre 2023 le président annonce la fermeture totale des frontières suite à un désaccord concernant la construction d'un canal s'approvisionnant dans la rivière Massacre, rivière binationale. Le président affirme que les frontières ne seront pas rouvertes tant que Haïti n'aura pas renoncé à ce projet.

Place du tourisme dans le paysage dominicain

Bien que la République dominicaine soit connue comme exportatrice de sucre, de café et de tabac, le secteur des services, et notamment celui du tourisme, a dépassé l’agriculture en tant qu’employeur. Le pays est celui qui attire le plus de touristes de toute la zone caribéenne, soit près de 16 % de l’ensemble des touristes voyageant dans cette partie du monde, pour des recettes s'élevant à 7,6 milliards de dollars américains en 2018 (contre 7,1 l'année précédente). 6,5 millions de touristes étrangers se sont rendus en République dominicaine en 2018, augmentant encore par rapport à 2017, et lors du premier trimestre 2019, le pays avait enregistré une augmentation de 4,6 % du nombre de visiteurs par rapport à la même époque l'année précédente, soit 1 876 144 voyageurs. Côté répartitions nationales pour ce premier trimestre, 65,1 % sont venus d’Amérique du Nord (40,9 % des États-Unis), 21,6 % d’Europe, 10,4 % d’Amérique du Sud, 2,6 % d’Amérique centrale et des Caraïbes et 0,3 % d’Asie et du reste du monde. Les Français se sont hissés début 2019 au premier rang en termes de voyageurs européens, suivis par les Russes puis par les Allemands.
Le tourisme représente actuellement la principale source de devises du pays. De gros investissements ont été consentis dans ce domaine par les gouvernements successifs et de nombreuses mesures de nature à favoriser les investissements privés ont été mises en œuvre. Le secteur du tourisme continue donc de progresser et de développer de nouvelles perspectives positives notamment dans le domaine de l'écotourisme. En revanche les hôtels « all inclusive » malgré tous leurs attraits, confort et praticité présentent des inconvénients pour le pays, avec une répartition des richesses inégale. On note également le problème du tourisme sexuel : certains voyages tout compris incluant également un service « de compagnie ». Indépendamment de cela, le secteur semble toutefois amorcer une phase de diversification de son offre, ajoutant de nouveaux itinéraires culturels et écologiques au nord et au sud-ouest.
Touchée elle aussi par l'épidémie de Covid-19, la République dominicaine a réagi rapidement grâce à toute une batterie de restrictions qui se sont avérées efficaces. Si bien qu'à l'hiver 2020, les frontières étaient à nouveau ouvertes aux touristes étrangers et les mesures restrictives assouplies, afin de relancer l'activité touristique, essentielle au pays. Également, tous les visiteurs arrivant en avion et séjournant dans un hôtel se voient offrir une couverture santé gratuite le temps de leur séjour, leur assurant une prise en charge gratuite en cas de contamination. Par ailleurs, du 6 au 9 mai 2021, sur invitation de l'Organisation Mondiale du Tourisme (OMT), se sont réunis à Punta Cana les ministres du Tourisme d'une quinzaine de pays de la zone des Amériques afin d'établir un plan de relance touristique post-Covid harmonisée. La République dominicaine s'est vue à cette occasion félicitée par l'OMT pour sa gestion de la crise vis-à-vis des visiteurs étrangers. A l'issue de cette réunion a été signée la Déclaration de Punta Cana, établissant que le tourisme est une priorité économique absolue pour les Amériques, demandant aux gouvernements de faire preuve de soutien envers les entreprises du secteur, et soulignant l'importance de rétablir un lien de confiance avec les voyageurs. En 2022, le pays enregistrait un nombre record de 8,5 millions de touristes, tendance qui s'est confirmée en 2023.