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Brève histoire du tabac dominicain

Découvert à Hispaniola par les conquistadors, le tabac était consommé par les Indiens taïnos. Le tabac servait alors à soigner les blessures, mais était aussi utilisé lors des cérémonies religieuses : il permettait d'accéder à des visions prétendument prémonitoires et était indissociable des festivités. « Les insulaires ne se mettaient à fumer que lorsque la danse les avait épuisés de fatigue. Quand ce moment était venu, on étendait des feuilles de tabac à demi sèches sur des charbons mal allumés ; on prenait ensuite un tuyau fourchu par un bout en forme de Y. On plaçait le pied de ce tube sur le tabac, et les deux branches de la fourche dans les narines, de manière que la fumée ne tardait pas de monter au cerveau. Cette plante est d’une odeur forte et désagréable, d’une saveur âcre, brûlante, nauséabonde, de propriété irritante, purgative, narcotique, que l’on dit aussi fébrifuge. Eh bien, malgré toutes ces mauvaises qualités, le tabac fut reçu en France avec enthousiasme, quand notre ambassadeur à Lisbonne, Monsieur Nicot, l’eut rapporté de cette ville et offert à la fameuse Catherine de Médicis. » (Histoire descriptive et pittoresque de Saint-Domingue, M. de Marlès, 1850).

Dès 1531, les Espagnols commencèrent son exploitation commerciale, soit une cinquantaine d’années avant que la culture du tabac ne démarre à Cuba. Le 26 août 1606, Philippe III d’Espagne interdit toutefois pour dix ans la culture du tabac dans les colonies du Nouveau Monde. Cependant, flairant l’aubaine financière, la couronne d’Espagne leva l’interdiction en 1614 et s’assura très vite le monopole de la commercialisation du tabac, transitant par la fabrique de Séville. Le premier monopole étatique du tabac était né, et, en vertu de ce monopole royal, le prix d’achat était ridiculement bas. Si bas que les paysans n'hésitaient pas à vendre leur tabac en contrebande aux corsaires et aux Français établis dans l’île d’Hispaniola. C’en était trop pour la couronne d’Espagne qui n’entendait pas être privée d’une partie de ses revenus. Elle fit volte-face et autorisa la vente de tabac aux Français, tout en se réservant le tabac de meilleure qualité. Tout d’abord considéré en France comme une plante décorative, le tabac sera popularisé par la cour de Catherine de Médicis, avant d’être interdit par Louis XIII.

Depuis, le tabac n’a jamais disparu de l’économie dominicaine. C'est toutefois la voisine Cuba qui, grâce à sa stabilité politique, commença la première à tirer profit du marché du cigare au niveau international. La première manufacture de cigares fut en effet ouverte le 2 avril 1902 par l’Allemand Richard Zollner à Cuba. Mais l’embargo américain sur les produits cubains marqua le décollage de la fabrication de cigares en République dominicaine avec, pour conséquence, l’implantation de grosses sociétés américaines.

Le cigare dominicain aujourd’hui

Le premier grand bouleversement de l’histoire cigarière fut en effet provoqué par l’onde de choc de la révolution cubaine et l’arrivée de Fidel Castro au pouvoir. De nombreux exilés cubains, chassés par les nationalisations entreprises par Castro, s’installent en République dominicaine, avec parmi eux les professionnels du tabac. Ces derniers tirèrent parti des caractéristiques climatiques et géologiques très proches des celles de Cuba pour y développer une industrie du tabac. Tant et si bien que, malgré le prestige des cigares cubains (qui continuent d'être les plus cotés), la République dominicaine en vient à dépasser Cuba en termes de volumes et de qualité, devenant le premier pays exportateur de cigares hechos a mano (faits main) et hechos a máquina (faits à la machine) de la planète au milieu des années 1990. Fidèle à ses anciens liens, l’Espagne reste le premier client de la République dominicaine et absorbe près de 80 % de ces exportations. Les Etats-Unis sont également friands des cigares dominicains : la République dominicaine est aujourd’hui le premier partenaire des Nord-Américains en matière de cigares, avant le Brésil, le Costa Rica, le Honduras et la Jamaïque. Générant plus de 600 millions de dollars de recettes par an, le marché de la fabrication et de l'exportation de cigares dominicains fait vivre 120 000 personnes.

Longtemps cubains, les cigares Davidoff sont, depuis 1989, exclusivement fabriqués en République dominicaine. La levée récente de l’embargo américain à Cuba n'a eu que peu d’impact à court terme sur la position dominante dominicaine. En effet, il faudra du temps au voisin cubain pour augmenter et diversifier son offre, améliorer son système logistique et activer un large réseau de lobbying afin de récupérer des parts de marché. La ville de Santiago abrite aujourd’hui plusieurs dizaines de manufactures de cigares. Légers et aromatiques, les cigares dominicains sont moins corsés que les Cubains et bénéficient d’une qualité sans faille et régulière. Trois grands groupes internationaux sont présents sur l’île : Altadis installé à La Romana, Arturo Fuente et Oettinger-Davidoff, à Santiago.

On pourra se procurer des cigares dominicains dans de nombreuses boutiques et y goûter dans certains bars, clubs, caves à cigares ou fabriques, comme par exemple à la Tabacallera – Fabrica de Tabaco à Santo Domingo, Bayahibe Fine Cigars à Dominicus ou Mundo Puro à Las Terrenas. Pour une découverte plus approfondie du processus de fabrication, on visitera la Fabrique de cigares La Aurora ou le Centro Cultural Eduardo Leon Jimenes à Santiago.

La culture et la transformation du tabac

C'est principalement dans la région nord-ouest du pays qu'est cultivé le tabac dominicain, généralement par des agriculteurs travaillant leur lopin en famille. Le cigare étant un secteur qui ne tolère pas la mécanisation, après avoir été semé, le tabac est repiqué plant par plant en respectant une certaine distance entre chacun. Le plant arrive à maturité en 3 ou 4 mois. Les feuilles sont alors récoltées une par une, selon leur degré de maturité : ainsi, sur une même plante, la cueillette peut durer plusieurs semaines. Les feuilles sont mises à sécher sous un auvent pour être ensuite vendues en balles aux entreprises qui poursuivent le traitement (fermentation, écôtage, sélection…). Au sein de la fabrique, le rouleur de cigares est l’ouvrier le mieux payé (en général en fonction du nombre de cigares roulés) et son travail nourrit environ cinq personnes. Le vrai cigare est composé de feuilles naturelles, sans additif ni papier. Il est fait de feuilles entières, mêlant les variétés dans une subtile composition que le cigarier se doit de respecter scrupuleusement avant de les rouler ensemble. C’est la réussite de ce mélange qui fait la personnalité d’un bon cigare.