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Les singularités du café colombien

Le caféier est une plante qui ne pousse que sous les tropiques. Originaire des hauts plateaux d’Ethiopie, il a été introduit en Colombie vers 1730 par des jésuites espagnols. La production s'est développée dans la deuxième moitié du XIXe siècle, dans de grandes haciendas qui exportaient les grains aux Etats-Unis et en Europe. La chute des cours et la guerre des Mille Jours (1899-1902) mirent un coup d'arrêt à la rentabilité de ces grandes propriétés agricoles. La culture du café s'est alors déplacée dans les nouvelles terres « colonisées » du centre du pays : Antioquia, Caldas, Quindío, Tolima et Valle del Cauca notamment. Il s'agissait alors de petites propriétés familiales, d'un ou deux hectares. Le caféier offrait la possibilité de planter d'autres plantes utiles pour se nourrir (bananiers, canne à sucre, agrumes, etc.), tout en apportant l'ombre et les nutriments nécessaires aux plantations. Toute une économie rurale s'est constituée autour de coopératives dynamiques et les pueblos des régions caféières ont prospéré. Aujourd'hui, 540 000 familles vivent de la production du grain, avec des fincas de petite surface (1,4 ha en moyenne), héritées des générations précédentes. Les grains ont gagné en qualité grâce aux recherches de Cenicafé, le Centre national de recherche du café, fondé en 1938L'arabica se cultive en Colombie de préférence entre 1 200 et 1 800 m d’altitude, mais certaines parcelles atteignent les 2 300 m. L’atmosphère doit être tempérée et humide (17 °C à 24 °C), et le régime des pluies modéré (1 700 à 2 000 mm par an). Enfin, la terre doit être riche en humus, en nitrogène et en potasse. La luminosité importante (proximité de la ligne de l'équateur) et la géographie contrastée du pays permettent un volume abondant de production tout au long de l'année, les récoltes ayant lieu à différentes époques selon la géographie. Les plantations occupent environ 900 000 ha, mais se réduisent au profit de cultures plus rentables, comme l'avocat, le nouvel « or vert ». Huila, Antioquia, Tolima, Cauca et Caldas sont les principaux départements producteurs et le pays compte environ 120 sortes de caféiers, dont les plus courants sont Pajarito, Borbón, Caturra, Colombia, Tabi et Castillo. Grâce à cette diversité d'arbres, sols et climats, chaque recoin de la cordillère offre un café avec une saveur bien particulière, une acidité, des arômes fruitiers et des notes florales plus ou moins prononcés, que les spécialistes apprécieront. Le dénominateur commun de ces multiples terroirs reste la douceur du café, l'absence d'âpreté. En 2007, le café de Colombie a été la première indication géographique protégée (IGP) non européenne à être enregistrée dans l'Union européenne. Le café colombien est exporté dans presque toute sa totalité. Sur les 14 millions de sacs par an produits en Colombie, 13 millions sont exportés. Le million de sacs vendu sur le marché local, est constitué en majorité de grains de moins bonne qualité et de grains défectueux dénommés pasillas, qui servent pour le tinto quotidien, préparé à la chaussette ou dans des « grecas » traditionnelles, et bu habituellement très sucré...

Mais qui est ce Juan Valdez ?

Pour atteindre cette qualité de café reconnue dans le monde entier, les cafeteros se sont organisés dès 1927 à travers la Federación Nacional de Cafeteros de Colombia (Fedecafé). Cette institution agit comme une dénomination d'origine contrôlée, en fixant des normes strictes de production. Mais son rôle ne se limite pas à cela. Elle a financé la construction de voiries et de ponts, l’électrification des milieux ruraux et des programmes de santé et d’éducation, ainsi que l’introduction des nouvelles techniques de production. Via le Fondo Nacional del Café, la Fédération achète tous les jours le café des producteurs à travers une quarantaine de coopératives et des centaines de points d'achat. Fedecafé stocke, puis exporte les sacs de grains. Elle réalise aussi des recherches de nouvelles variétés plus résistantes et mène toute une stratégie marketing pour promouvoir le café national. C'est ainsi qu'est né un certain Juan Valdez, en 1959. Ce personnage imaginaire incarne l'image du caféiculteur colombien, souriant, humble et courageux. Doté d'une moustache généreuse, vêtu d'un poncho et d'un beau sombrero, il est toujours accompagné de sa mule Conchita. Trois personnes se sont relayées pour endosser le rôle de ce caféiculteur colombien typique. Depuis 2006, après un gros casting, c'est un certain Carlos Castañeda, bon père de famille originaire de la petite ville d'Andes, qui représente en chair et en os Juan Valdez sur les spots publicitaires et les salons internationaux. Juan Valdez, c'est aussi une marque et une chaîne de cafés (Juan Valdez café) qui concurrence fièrement l'enseigne gringa Starbucks, arrivée en Colombie en 2014.

De la graine à la tasse, toute une expérience

A moins d'éviter les montagnes, difficile de ne pas passer à côté d'une finca cafetera ! Beaucoup de cultivateurs ont fait le choix de s'ouvrir au tourisme, proposant des visites guidées de leurs plantations, avec parfois logement et repas sur place. L'Eje Cafetero (le Triangle du Café, qui réunit essentiellement les départements de Caldas, Risaralda, Quindío) est populaire pour réaliser cette activité agrotouristique, vers Manizales, Salento, Pijao... mais on peut aussi visiter des fincas dans le Huila, en Antioquia, dans le Santander, ou même à Minca, dans la Sierra Nevada de Santa Marta. L'expérience est plus ou moins authentique selon l'endroit. Privilégiez les petites exploitations, pour un process plus artisanal et un rapport direct avec le caféiculteur. On assiste à la cueillette, à la main, des cerises de cafés quand elles sont mûres (rouges). Après séchage (ou alors lavage et fermentation), les grains sont débarrassés de leur pulpe, lavés, triés à la main et à la machine, puis exposés et retournés au soleil environ 3 jours afin de sécher. Les dernières impuretés retirées, les grains remplissent de grands sacs de 60 kg, avec ou sans torréfaction préalable. Si vous ne pouvez vous arrêter dans une finca, offrez-vous au moins une dégustation (catación) de cafés auprès d'un barista. Les cafés spécialisés se développent un peu partout, et c'est tant mieux pour les Colombiens qui peuvent ainsi apprécier leur café à sa juste valeur !