Le portail peint de la cathédrale Notre-Dame de Lausanne © takranik - stock.adobe.com.jpg
Kunsthaus à Zurich © Matteo Cozzi - Shutterstock.Com.jpg

Premiers temps

L’Antiquité romaine a laissé de nombreux vestiges en Suisse. Parmi les plus exceptionnels, les mosaïques d’Orbe proviennent du site de Boscéaz, dans le nord des Alpes. Elles composent des scènes figuratives et géométriques, en excellent état de conservation. À l’origine, elles ornaient une luxueuse villa du site. Le Musée romain de Vallon abrite lui aussi des mosaïques, parmi lesquelles la célèbre « Bacchus et Ariane ». Bâti en lieu et place d’une ancienne villa gallo-romaine, ce musée nous éclaire au fil de ses vitrines sur la vie quotidienne de l’époque. L’incontournable musée d’Art et d’Histoire (MAH) de Genève expose une large variété de sculptures en marbre, entières ou fragmentaires, notamment des portraits saisissants en ronde bosse.

Art médiéval

Dans la lignée de l’art de Sens et de Senlis, le portail de la cathédrale Notre-Dame de Lausanne s’impose comme le chef-d’œuvre de la statuaire du XIIIe siècle. Le tympan est dominé par le couronnement de la Vierge dans un édifice qui fait par ailleurs la part belle au Christ en gloire. Ce qui fait l’originalité du portail est sa polychromie. Patiemment restauré, il a retrouvé ses tonalités qui en font une exception dans l’art médiéval européen.

À l’heure gothique, la sculpture suisse s’enrichit principalement d’apports venus d'Île-de-France. En peinture, une tendance naturaliste se mêle aux sujets religieux omniprésents depuis des siècles. Le peintre Konrad Witz (1400-1447) réalise une œuvre originale qui fascine pour ses jeux de perspective associés à des influences qui l’apparentent à la pré-Renaissance. De Witz, on peut admirer La Pêche miraculeuse, qui montre les environs du lac Léman, ce qui en fait le premier tableau de l’histoire à situer une scène religieuse dans un décor naturel réaliste. Réalisée pour la cathédrale de la ville, cette détrempe faisait partie du retable de saint Pierre malmené par la Réforme protestante. Alors que les jalons de la Renaissance se posent, les fresques cèdent le pas aux paysages et aux personnages peints sur des panneaux de bois.

Par la suite, les artistes de la Renaissance sont sollicités pour exécuter les statues destinées aux fontaines urbaines. Le milieu du XVIe siècle voit se dresser quantité de fontaines qui suivent une thématique dictée par les classes aisées de la population : bravoure et justice sont mises à l’honneur.

Réforme et contre-Réforme

Au XVIe siècle, Jean Calvin impose son empreinte. L'iconoclasme sévit dans les villes réformées de Zurich, Berne, Bâle et Genève. Toutes les images, jugées néfastes, sont prohibées. Les églises sont vidées de leurs sculptures et les œuvres d'art sont détruites. Les artistes se tournent vers les commandes de particuliers et exécutent pour eux vitraux et portraits. Il faut attendre le siècle suivant pour que la contre-Réforme relance les commandes, surtout pour les sculpteurs baroques. Hans-Ulrich Räber témoigne d’un style populaire dans les onze statues de sa Mise au tombeau de Blatten (1645). Simon Bachmann de Muri participe à l’introduction du style baroque italo-flamand.

De la Révolution à Füssli

À l’époque de la révolution de 1798, les sculpteurs s'affranchissent du système corporatif. Cette autonomie s’accompagne d’un sentiment d’appartenance nationale. Les sculpteurs exilés rentrent au pays et font carrière dans les villes réformées. Les peintres suisses, faute de disposer d’une école des beaux-arts ou de mécènes, partent quant à eux se former et travailler à l'étranger. Le talent de portraitiste et de miniaturiste de Jean-Étienne Liotard (1702-1789) est acclamé dans les cours européennes. Ce grand voyageur peint aussi les plus modestes, s’aventurant jusqu'au Proche-Orient. De son œuvre variée, retenons son Liotard riant, un autoportrait exposé au MAH.

Parmi ceux qui choisissent de tenter leur chance à l’étranger, le Genevois Jacques-Laurent Agasse devient peintre animalier en Angleterre et Johann Heinrich Füssli (né à Zurich en 1741-décédé en Angleterre en 1825) se spécialise dans les sujets fantastiques. Le peintre du Cauchemar, également écrivain, sera par la suite reconnu par le mouvement surréaliste comme l’un de ses précurseurs. Fils d’un peintre, il reçoit une éducation classique puis est ordonné pasteur quand il est contraint de s’exiler. D’un pays à un autre, il enseigne l’art et s’illustre dans une sorte de romantisme avant l’heure. Il met son talent d’illustrateur au service des écrits de Shakespeare et de Dante. L’expressivité de son univers fantastique fera sa renommée.

L’art du paysage

Le tourisme se développe très tôt dans les Alpes. La beauté des montagnes devient rapidement un sujet en vogue, développé en peinture mais aussi en photographie. Caspar Wolf et le Genevois François Diday peignent les paysages d’altitude avec réalisme.

Au moment où la Suisse se constitue en État fédéral, les artistes locaux sont perçus comme peu affirmés dans le contexte européen. Des sociétés artistiques se constituent afin de promouvoir les artistes helvètes. Des tournus, ou manifestations artistiques itinérantes, se déroulent à partir de 1840.

Le XIXe siècle voit émerger un art patriotique. Les particuliers commandent des monuments patriotiques aux sculpteurs et fresquistes. Ce genre atteint son apogée avec les peintures que Ferdinand Hodler réalise pour le musée national suisse. Après la nouvelle Constitution de 1848, chaque canton érige son monument à l’effigie de réformateurs, de savants ou de guerriers. Karl Alfred Lanz réalise à Genève la statue équestre du général Guillaume-Henri Dufour.

Toepffer, Hodler, Hans Erni

L’école genevoise trouve sa figure de proue en Wolfgang Adam Toepffer (1766-1847), peintre de genre et caricaturiste formé à Paris. Barthélemy Menn devient en 1850 directeur de la future École des beaux-arts de Genève où il enseigne pendant quarante-deux ans. Élève de Menn, Ferdinand Hodler (1853-1918) s'établit à Genève en 1872. Figure majeure du symbolisme, il est considéré par nos voisins comme l’un des pères de l’art moderne. Son réalisme cru déconcerte ses contemporains. Dans ses tableaux les plus connus, il met en scène des artisans en introduisant le symbolisme dans des détails minutieux et une lumière étudiée.

Extrêmement populaire en Suisse, Hans Erni (1909-2015) se forme à Paris où il rencontre les cubistes, Mondrian et Kandinsky. Au cours de sa longue carrière, il pratique la peinture, la sculpture et la gravure. Son style unique se distingue par ses contours soulignés au trait blanc et ses personnages dodus accompagnés d'animaux. L’artiste aime confronter l’Antiquité au monde moderne, la science à la mythologie. À Genève, on peut admirer le bas-relief de céramique qui orne la façade de Manor, ou Placette. L’année de ses cent ans, sa fresque monumentale commandée par la ville sur le thème de la Paix pare l’entrée du palais des Nations.

Giacometti et l’époque moderne

Dans toute la Suisse, divers courants bouleversent l’art du XXe siècle. Des groupes se forment : l’abstraction concrète engendre le Rot-Blau à Bâle. Le mouvement Dada né à Zurich réunit Jean Arp, Sophie Taeuber, Tristan Tzara ou encore Hugo Ball. D’autres se tournent vers l'étranger : Cunot Amiet s’associe à Die Brücke, Le Corbusier établit le purisme à Paris.

Fils d’un peintre impressionniste estimé, Alberto Giacometti (1901-1966) est l’un des plus grands artistes de notre époque. Pour découvrir son art, un parcours a été conçu pour vous guider dans différents lieux marquants de sa carrière. Perché dans les Grisons, dans le village de Stampa qui a vu grandir le maître, l’atelier de Giacometti est ouvert en été et complète le Centro Giacometti ainsi que le musée local, Ciasa Granda. En chemin, la visite du Kunsthaus de Zurich, fondation suisse Giacometti constitue l’étape majeure. Outre ses milliers d’œuvres du XIIIe siècle à nos jours, la collection offre à l’art de Giacometti un espace spectaculaire, qui fait écho à la fondation de Paris. Plus modeste, le musée des Beaux-Arts de Coire (Chur) consacre lui aussi une salle aux Giacometti père et fils.

Autre ambiance, la Pensiun Aldier de Sent rend hommage à Alberto et Diego, les frères Giacometti, ainsi qu’à Ernst Scheidegger, photographe et galeriste proche du sculpteur, qui a immortalisé sa vie et son œuvre de 1943 à sa mort. Un musée associé à une demeure parsemée d’objets précieux, de photographies originales et de sculptures de Diego.

Des années 1970 à nos jours

D’abord peintre abstrait, Jean Tinguely (1925-1991) se révèle dans la sculpture du mouvement à travers ses étonnantes machines. Au-delà de leur joyeuse liberté, ses œuvres d’esprit dadaïstes questionnent l’absurdité du monde. Elles égaient de nombreuses villes suisses, notamment Fribourg et Bâle.

Dans les années 1970, les explorations se poursuivent avec le Body Art, le Land Art, les installations ou encore l’art vidéo. À la pointe de l’art actuel, le MAMCO défend la scène genevoise depuis 1960. Installé dans le même bâtiment, qu’il partage également avec le Centre de la photographie, le Centre d’art contemporain promeut la scène émergente locale et internationale.

Les Suisses explorent l’art photographique depuis quelques petites décennies. Elle est promue discipline artistique avec l’ouverture des premières galeries dans les années 1980. Avant cela, dans les années 1950, un premier style suisse se caractérise par la netteté et la neutralité des images. La photographie objective alors représentée par Hans Finsler, Werner Bischof ou René Burri s’oppose à une photographie expérimentale venue d’Allemagne. Plus tard, les photographes suisses expérimentent l’abstraction, le clair-obscur, le surréalisme. Deux musées, l’Élysée de Lausanne et le musée de la Photographie de Winterthour, exposent tous les genres abordés par la photographie du monde entier.

Les amateurs de Street Art ont leur festival qui se tient à Coire en juin avec au programme des visites guidées et du live painting. A Genève, se trouvent plusieurs quartiers d’exploration, à commencer par celui des Grottes, derrière la gare Cornavin. La traque au Street Art se poursuit à l’ouest, dans Jonction, sur les berges du Rhône et autour de la Pointe. Jazi, Eazyone et le collectif EDK Crew trouvent ici des supports inspirants. Les graffeurs genevois ont laissé exploser les couleurs sur les murs d’un ancien restaurant de l’avenue de Champel, dont une fresque de Frankenstein qui se repère de loin. À Carouge, les murs extérieurs et intérieurs des halles de la Fonderie sont couverts d’œuvres picturales. Autre destination Street Art, Bâle, par ailleurs connue pour sa célèbre foire Art Basel. Graffitis et fresques se déploient dans le centre-ville mais aussi au Schänzli, le long des voies de la gare centrale. Spécialiste de la culture urbaine, la galerie Artstübli propose des circuits Street Art. Depuis peu, le Kunstmuseum Basel s’est doté d’un troisième espace d’exposition pour mettre l’art contemporain à l’honneur.