L'Hindouisme balinais est la religion la plus pratiquée © Sanatana - Shutterstock.com   .jpg
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L’hindouisme balinais

La religion pratiquée par la majorité des Balinais est une branche locale de l’hindouisme appelée Agama Hindu Dharma. L’hindouisme balinais est un amalgame de croyances indigènes, de bouddhisme et de shivaïsme d’origine indienne. L’hindouisme est shivaïque alors que le bouddhisme appartient à la forme tantrique du bouddhisme dit du Grand Véhicule que l’on retrouve en Chine, au Tibet, en Corée et au Japon. Le nom d’Agama Hindu Dharma est le produit d’une récente rationalisation de la religion, qui s’appelait auparavant Agama Tirta, ou « religion de l’eau lustrale », ou Agama Siwabuddha, un mélange de shivaïsme et de bouddhisme originaires du Java classique. La philosophie indienne a fourni le cadre théologique tandis que les croyances indigènes ont nourri les rituels. C’est dans le culte des éléments naturels et des ancêtres que ces dernières croyances sont les plus visibles.

La nature y est perçue comme un « pouvoir » et chacune de ses composantes est l’émanation d’un ou plusieurs esprits qui ont leurs autels et sont nourris par différentes offrandes (sajen), faites de produits locaux agricoles. Un autre aspect de cet animisme apparaît dans le rôle que joue la montagne comme refuge des dieux et des ancêtres. Quand un Balinais meurt, le rituel de la mort est signifié comme un « retour à la maison », vers le « vieux pays » au-dessus de la montagne. Comme l’origine de l’eau est localisée dans les volcans, desquels vient le courroux des dieux, la montagne occupe le pôle de la pureté, kaja, alors que le pôle de l’impureté est kelod, la mer. Cet axe kaja-kelod détermine l’organisation spatiale des rites et des architectures aussi bien que les gestes de la vie : par exemple, on dort la tête dans la direction de la montagne.

Les ancêtres et les dieux gardent ainsi continuellement le contact avec les vivants. Danses et offrandes les font descendre pendant les fêtes de temple, où ils sont les bienvenus, mais ils peuvent aussi être appelés à se manifester grâce aux supplications d’un médium. La religion balinaise est connue dans le monde entier pour la magnificence de ses rituels.

La conception de l’existence

Conformément à la croyance hindouiste, toute âme est soumise au principe de transmigration (samsara). L’incarnation, qui lie l’âme au corps, est une condition infernale que chacun s’efforce d’interrompre par le moksa, ou illumination ultime. Dans le moksa, l’âme individuelle et le corps rejoignent leurs équivalents cosmiques. Pour l’âme, l’âme divine, appelée paramatma, et pour le corps, les cinq éléments primordiaux, à savoir le feu, l’eau, la terre, l’air et l’éther.

La réincarnation d’une âme humaine est un processus à la fois humain et cosmique. Quand un homme et une femme font l’amour, leur union est le résultat de forces cosmiques, de deux principes mâle (purusa) et femelle (pradana) : ils participent ainsi de la rencontre divine du dieu amour Asmara et de la déesse lune Ratih. Dans l’union sexuelle s’unissent les éléments rouge et blanc du désir (kama bang et kala petak) comme symboles respectifs du sperme et de l’ovule. Cette union cosmique est accompagnée de la descente d’une âme ancestrale qui arrive tout droit de la bouche de l’enfer ou de son domicile au-dessus de la montagne. A partir de ce processus de fécondation se crée le « petit monde » (bhwana alit) qui est, en tant qu’être humain, une combinaison de matière et d’esprit. Toutes les phases suivantes de la vie, de la grossesse à la naissance, de la naissance à la mort, et éventuellement de la mort à l’après-mort, seront accompagnées de cérémonies rituelles. La fonction de ces rituels est d’attacher l’âme au corps, avant la naissance, et de l’accueillir au monde, puis de l’accompagner tout au long de son existence, et finalement de l’aider à échapper aux liens terrestres et de rejoindre le vieux pays des origines où elle fusionnera avec l’âme du monde (paramatma).

Les offrandes rituelles

De simples offrandes sont préparées chaque jour (au moins trois fois par jour), alors que d’autres sont soignées pour des circonstances exceptionnelles. Ces canang doivent être esthétiquement réussies et elles nécessitent une grande dépense de temps et d’énergie. Les feuilles de palmier sont découpées minutieusement, tressées et épinglées ensemble en des formes décoratives (jejaitan). Des gâteaux de riz multicolores (jajan) sont modelés en de petites sculptures et même en des scènes entières à la symbolique significative. A bien des égards, les offrandes sont une expression de l’art balinais. Une ordinaire pula gembal comporte des douzaines de figurines de pâtes de riz différentes dans un panier en feuilles de palme. Dans une cérémonie importante, un odalan par exemple, ces figurines forment un cône spectaculaire que les Balinaises portent sur leur tête, jusqu’au temple, lors de gigantesques processions. En plus des canangs faites par la communauté, chaque famille apporte les siennes. Ces offrandes prendront place dans le temple selon leur destination et leur fonction. Celles dédiées aux dieux et aux ancêtres seront placées sur des autels élevés, arrangés par le pemangku, et celles offertes au démon resteront sur le sol. La grande différence est que ces dernières contiennent de la viande, crue contrairement à celle, cuisinée, destinée aux ancêtres ou aux dieux.

Les rites sacrificiels

Les rites ont pour but d’apaiser les forces et les puissances qui peuvent provoquer, dans le déroulement harmonieux des choses, des perturbations telles que mauvaises récoltes, éruptions volcaniques, périodes de sécheresse… Les caru, offrandes sacrificielles, sont destinées non pas à l’anéantissement, impossible, des puissances démoniaques, mais au rétablissement du bon équilibre de toutes choses. Dans ces propitiations, les sacrifices d’animaux et la présence du sang ont une importance cruciale. Pour les caru importants, on préparera des satay (saté et jejatah) faits de différents morceaux de porc, de canard, de bœuf et de tortue, ainsi que le lawar, un hachis de viande contenant du sang, de la noix de coco et certains légumes. Pour le rite d’apaisement et de purification destiné aux gardiens des points cardinaux, on sacrifiera un bœuf vers le sud, un canard vers l’ouest, une chèvre noire vers le nord, une oie vers l’est et, au centre, une poule aux diverses couleurs. Les démons appréciant grandement le sang des coqs de combat, le combat rituel de coqs (tabuh getib) est encore important.

Les rites funéraires

Dans la conception cyclique balinaise, la mort est le retour aux origines. Les rites quotidiens sont la réalisation symbolique du passage vers la libération. A leur mort, les corps ne sont pas immédiatement brûlés, pour des raisons essentiellement pécuniaires. Ils sont généralement enterrés jusqu’à une date propice ou jusqu’à une crémation collective. Seule la noblesse peut se permettre une crémation quelques jours ou quelques semaines après la mort. Dans tous les cas, la raison de la crémation est la même. Le corps, ou son effigie, est brûlé et les cendres dispersées dans la mer, ce qui signifie que les composants matériels, les éléments qui constituent le corps humain, rejoignent leur équivalent cosmique, les cinq éléments (Panca Maha Butha).

Le rituel de la crémation est relié à un symbolisme cosmique. La tour de crémation est une réplique du cosmos. Le corps est mis dans le monde central des humains (madiapada). Le sarcophage, dans lequel le corps est brûlé, est le véhicule de l’envol de l’âme. La crémation n’est en aucun cas l’occasion de démonstrations de deuil, d’affliction ou de douleur. On expose d’abord le corps dans la demeure du défunt. Le pavillon est richement décoré de rubans, de fleurs, de miroirs… Puis, on place le corps dans un sarcophage que l’on recouvre d’un linceul (rubrub). Les jours précédant la crémation, les villageois (les membres du ou des banjar) construisent un pavillon en bambou (balé pawedaan) dans lequel le pedanda viendra préparer les eaux lustrales essentielles à la purification. Lorsque le rituel est enfin accompli, le moment est venu d’accompagner le corps vers le pura dalem, lieu de la crémation. On hisse le corps dans une niche (balé spatika) de la tour par un escalier (raren). La tour repose sur une base carrée de bambou. Les tours de crémation des satria peuvent atteindre vingt-cinq mètres de haut et sont pagodées (tumpang), c’est-à-dire que, comme les meru des temples, elles possèdent un nombre impair de toits superposés, pouvant aller jusqu’à onze. La tour de crémation est parfois précédée d’un long serpent décoré, le nagabanda, qui est supposé devenir le véhicule du défunt dans sa quête des lieux célestes. On placera ensuite le sarcophage sur le bûcher, après avoir procédé à de nouvelles purifications. Auparavant, le feu rituel était observé complètement ; à présent, on asperge le bûcher de matières inflammables. Les flammes mettront quelques minutes à envahir le sarcophage et la tour.

Les communautés religieuses chrétiennes

Les chrétiens, voulant s’implanter à Bali, furent découragés à la fois par les Balinais et par les Hollandais. On leur demanda de s’implanter dans l’Ouest, le plus loin possible de la « balinité » afin de préserver la population de ces influences religieuses extérieures. C’est pourquoi les deux villages sont perchés dans les collines de l’ouest de Bali, au nord du village de Melaya, là où personne ne voulait vivre. Les protestants s’installèrent dans le village de Belimbingsari, tandis que les catholiques choisirent le site de Palasari. Pour leurs édifices religieux, tous deux s’inspirèrent curieusement de l’architecture balinaise, en utilisant le kulkul ou le meru, ou en imitant les façades de temple. Leurs églises valent le coup d’œil. Celle de Palasari est un gigantesque édifice de pierre blanche rappelant l’architecture baroque du Nouveau Monde. Le temple protestant de Belimbingsari est moins impressionnant, mais il est étonnant de voir les influences balinaises, jusque dans les statues chrétiennes !