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Répartition

La population rodriguaise rassemble environ 38 000 âmes et progresse d’environ 250 personnes chaque année en termes réels, si l’on tient compte d’une émigration continue vers Maurice. C’est une population jeune (57 % ont moins de 20 ans), qui comprend plus de femmes que d’hommes, et dont la densité est de 356 personnes par km². Elle se compose essentiellement de deux types très dissemblables. Les Rouges, très minoritaires, descendent de quelques familles françaises venues au début de la colonisation. Les Noirs descendent d’esclaves malgaches ou africains. On les surnomme également Montagnards car, au moment de leur émancipation, ils sont allés s’établir à l’intérieur des terres. On dénombre aussi quelques Chinois venus s’installer pour ouvrir des commerces, et quelques fonctionnaires indiens en provenance de Maurice.

Tissu social

Même si le territoire semble minuscule, 108 km², la population est relativement dispersée, ce qui ne rend pas aisée l’installation des infrastructures et équipements. Le tissu social, très fort, s’articule autour de deux types de regroupements : les comités de village, dont l’action concerne le développement local et le cadre de vie ; les coopératives, pour ce qui relève de l’élevage, de l’agriculture et de la pêche. Le rôle de ces dernières est triple : groupements d’achat, elles permettent d’abaisser les coûts d’acquisition des produits et du matériel ; groupements de commercialisation, elles favorisent l’exportation massive de la production rodriguaise sur le marché mauricien, à des prix garantis ; organes de formation, elles jouent un rôle d’information, de sensibilisation et de vulgarisation auprès des petits exploitants. Comités de villages et coopératives touchent la quasi-totalité des Rodriguais qui sont ainsi très impliqués dans la vie de leur région. Même si les jeunes ont tendance à délaisser le secteur traditionnel de l’agriculture et à rêver de rivages plus occidentalisés, les habitants conservent globalement une identité culturelle très forte, et les centres communautaires servent régulièrement de lieu de rassemblement pour le déroulement de fêtes traditionnelles.

Éducation

Comme à Maurice, où elle est un axe important de développement, l’éducation n’est pas négligée à Rodrigues, même si elle n’a pas commencé avant les années 1950… On compte actuellement 34 écoles pré-primaires, dont 4 sont publiques et les 30 autres privées. Depuis peu, les institutrices du pré-primaire reçoivent une compensation fixée par le gouvernement, initiative instituée afin de donner la chance aux familles démunies d’envoyer leurs enfants à l’école. Les parents paient une somme forfaitaire de 100 Rs par mois, qui est utilisée par les écoles pour les frais administratifs, de réparation ou d’aménagement, ou encore l’achat et/ou le renouvellement de matériel scolaire. La première école primaire n’a ouvert ses portes qu’en 1966 et doit son développement à l’Eglise catholique puisque dès 1920, des religieuses s’occupaient de l’éducation de jeunes Rodriguais. 17 écoles primaires sont opérationnelles aujourd’hui. L’éducation secondaire a vu le jour sous la direction de l’Eglise d’Angleterre. En 1961, suite à l’arrivée sur l’île du père Cathan, un premier collège, le Saint-Barnabas, fut établi. Pour seconder cet élan éducatif, l’Eglise catholique créa à son tour le collège Saint-Louis. En 1974, à la suite de longues négociations, les deux établissements fusionnèrent pour former le Rodrigues Collège, établi à Port Mathurin, qui demeure le seul établissement œcuménique de l’île. Les 6 autres collèges créés depuis appartiennent à la REDCO (Rodrigues Educational Development Company). L’île compte également un collège technique, le MITD (Mauritius Institution of Training and Development). La langue de l’enseignement est l’anglais même si les instituteurs n’hésitent pas à utiliser le français et même parfois le créole pour expliquer les exercices les plus ardus. Pour les études supérieures, des places sont réservées à l’université de Maurice aux Rodriguais lauréats du Higher School Certificate – équivalent du baccalauréat. Seuls les enfants de parents assez fortunés peuvent s’y rendre ce qui limite le nombre de candidats, même s’il existe des bourses d’état. Les meilleurs élèves partent étudier à l’étranger grâce aux quelques bourses octroyées par la France et l’Inde.

Religion

Le catholicisme est de loin la religion dominante. La répartition par confession est la suivante : catholiques : 95,27 %, autres chrétiens : 3,25 % ; musulmans : 0,42 % ; hindous : 0,54 % ; autres religions : 0,23 % ; non indiqués : 0,29 %.

L’Eglise catholique a des racines historiques profondes à Rodrigues et a joué un rôle fédé­rateur dès le début de la colonisation française. En 1736, Mahé de La Bourdonnais, gouverneur de l’Isle de France, envoya quelques colons sur l’île afin de capturer des tortues. Ceux-ci purent évaluer l’importance de la religion chrétienne pour la population, en dépit de l’absence de prêtre sur place. Le premier homme d’Eglise, le père François Thévaux, envoyé de Maurice par le père Jacques-Désiré Laval, arriva à Rodrigues en 1850. L’île comptait alors 400 habitants, et le catholicisme, sous la houlette du prêtre, y connut un véritable essor. Deux chapelles furent construites, l’une à Port-Mathurin, l’autre à Saint-Gabriel. En 1869, Rodrigues devint une paroisse avec un curé résidentiel. Et au cours du XXe siècle, l’Eglise poursuivit son programme de développement avec la création de cinq écoles paroissiales. Aujourd’hui, le catholicisme est toujours très présent à Rodrigues, avec cinq paroisses, un curé pour chacune d’elles, des religieuses aidant à l’animation spirituelle et sociale, et un conseil paroissial composé de laïcs désireux de s’engager dans les affaires de l’Eglise. Le pape Jean-Paul II est d’ailleurs venu à Rodrigues le 15 octobre 1989 afin de célébrer une messe à La Ferme et l’événement a fortement marqué la population. Saint-Gabriel, cathédrale construite en 1933, demeure le principal bâtiment de culte, et la messe domi­nicale y est incontournable pour beaucoup de Rodriguais.

Rôle des femmes

Dans les îles colonisées par les hommes, non pas au sens anthropologique, mais au sens le plus masculin du terme, les femmes ont longtemps été sous représentées (les marins n’emmenaient pas de femmes à bord), puis « exploitées » comme ventre et bras pour installer durablement la colonie. Des conditions de vie dégradantes pour des générations ont favorisé l’émergence de solidarités particulièrement actives entre femmes qui ont su se faire respecter par leur travail, leur courage, leur habilité et leur intelligence. A Rodrigues, il est une « communauté » de femmes particulièrement respectée : celle des piqueuses d’ourites. Même si cette forme de pêche traditionnelle est décriée en raison des dégâts qu’elle provoque sur le récif corallien piétiné, c’est une pêche difficile qui se pratique à pied, avec comme seules protections des bottes en caoutchouc et un chapeau, et comme arme un pic en ferraille. La chasse, dont les périodes sont désormais réglementées pour préserver l’espèce, peut durer des heures sous un soleil de plomb dans les eaux du lagon. Elle requiert patience, concentration et savoir-faire, autant de qualités que les femmes de Rodrigues utilisent aussi pour élever leurs enfants, s’occuper des cultures et du bétail dont elles ont aussi la charge, faire la cuisine… Et si les chiffres du chômage montrent que les femmes sont deux fois moins employées que les hommes, c’est sans doute qu’elles cumulent déjà trois ou quatre petits métiers pour subvenir à leur famille. Aujourd’hui, les jeunes femmes rodriguaises réussissent à l’école, obtiennent des diplômes et participent autrement au développement de leur île.

Danse et musique

Il suffit de voir les images de Serge Clair, Chef Commissaire de Rodrigues, entamer une traditionnelle danse de l’ourite, pieuvre dans les bras, pour comprendre l’importance de la musique et de la danse dans la culture de l’île. Vous n’entendrez jamais un Rodriguais se plaindre de sa vie ou se moquer d’une autre personne, mais ce n’est pas le cas des paroles des chants improvisés qui raillent allègrement voisins, amis et parents !

Historiquement, la forme musicale la plus ancienne est le séga tambour. Puisant ses origines, dans les pratiques culturelles des premiers esclaves noirs, cette musique n’a pas subi l’influence de la culture indienne comme ce fut le cas pour le séga mauricien. Son rythme est beaucoup plus rapide, et les sonorités et danses qui l’accompagnent ressemblent à s’y méprendre à ce qu’on peut voir et entendre en Afrique noire. Les instruments traditionnels sont le triangle, le tambour (un cerceau de bois recouvert d’une peau de chèvre tendue), le bobre (instrument en bois composé d’une corde unique tendue par un arc et reliée à une petite caisse de résonance), des objets remplis de graines produisant un son proche de celui des maracas, ainsi que des objets métalliques (boîtes de conserve par exemple) frottés ou frappés. Si cette musique traditionnelle a perdu du terrain, elle est encore portée par de nombreux groupes locaux comme Cascavel, Racines, Cardinal Blanc, Mannyok…

L’autre musique traditionnelle chantée est la romance, dont les paroles racontent la vie quotidienne. C’est une forme de séga tambour au rythme lent fortement influencée par les musiques françaises populaires du XVIIIe siècle.

Les premiers colons européens ont en effet laissé des traces dans la culture rodriguaise, comme en témoignent les noms et pas des danses : la mazok (mazurka), le laval (la valse), la kotis (la scottish), etc. Pour ces musiques encore étonnamment proches des modèles originaux européens par leurs mélodies et qui rythmaient les bals privés, les Rodriguais ajoutaient aux instruments traditionnels un accordéon diatonique, d’où le nom de segakordeon. Cet instrument est encore tellement omniprésent dans la musique locale actuelle qu’il bénéficie de sa journée de gloire chaque 15 août !